— Sérieux ? Je te suis alors, il n'y a pas de soucis, ai-je répondu un peu trop précipitamment.
J'ai été surpris qu'il me propose quelque chose. Heureux. J'aimais bien Andrew, je savais qu'il nous restait encore beaucoup de chose à nous découvrir. J'ignorais pourtant quoi, et je pense que ça faisait partie de ma fascination pour lui. Liés sans l'être. Connus et inconnus.
Nous nous sommes levés de nos sièges, il a traversé le salon à pas lents et je l'ai suivi. J'aimais être derrière lui, observer son échine se courber, sa tête se pencher, ses baskets fouler le carrelage. Le voir passer une main indécise dans ses cheveux d'un mélange châtain et blond. Il portait les mêmes vêtements que la veille, et ça m'a rappelé la matinée à la librairie, sous l'ampoule jaune. Nos ombres. Ses yeux plissés et son sourire timide. Je menais un intérêt pour lui que je ne comprenais pas et ne cherchais pas spécialement à m'expliquer. Même s'il m'arrivait de me trouver différent, un peu bizarre.
Nous avons débarqué sur le palier, Andrew avait retiré ses Stan Smith. Il s'est retourné rapidement avant d'entrer dans sa chambre et m'a souri ; je crois qu'il se demandait si j'étais encore derrière lui. Évidemment que oui.
Il a poussé la porte. J'ai alors découvert sa chambre entière, étudié les photos accrochées aux mur. Elles présentaient en majeure partie des paysages divers, mais l'une d'elles a attiré mon œil. On le voyait, à côté d'une jolie blonde — peut-être Brooke, ai-je pensé — sur une plage. Ils étaient plus jeunes, peut-être de deux ou trois ans. Andrew m'a paru plus joyeux, et c'est ce qui avait capté mon attention.
J'ai simplement soupiré, laissant échapper un sourire de travers, avant de me retourner vers le blond. J'ai été surpris de le voir sur son lit, une guitare sous le bras. Il avait le talent d'être discret ; je ne l'avais absolument pas entendu remuer, ni même pincer une corde. Il en observait le manche, pensif. Il hésitait. J'étais pressé de l'entendre, plutôt attentif. J'aimais la musique, mais n'avais jamais eu l'occasion d'apprendre à jouer de quelconque instrument. C'était aussi pour cette raison que j'aimais regarder les musiciens s'exprimer pendant plusieurs heures parfois. Ils me laissaient en suspens, arrêtaient le temps.
Alors j'ai été heureux d'apprendre qu'Andrew jouait de la guitare, et ne pouvais plus détacher mon regard de ses mains, prêt à en accueillir le moindre mouvement. Je me suis assis en tailleurs sur le sol, le sourire aux lèvres. Je n'attendais que lui.
Mais l'adolescent a tourné ses yeux vers moi, esquissé un rictus, et j'ai arqué un sourcil.
— J'aimerais ton avis sur.. un morceau que j'ai appris il n'y a pas longtemps, a-t-il murmuré.
J'ai voulu l'encourager.
— Oui, bien sûr. Vas-y.
Il a donc rapporté son attention sur le manche, ses doigts, et le manche une fois de plus. Il a tripoté quelques secondes les cordes, puis a finalement calé ses doigts fins, délicats, précis.
Il y a eu quelques notes. Elles étaient douces, frôlaient le silence. Indécises. Il y en a eu d'autres, plus contrôlées. Celles qui ont suivies, je les ai savourées. Elles se mêlaient au bruit de la pluie raflant les carreaux, et en même temps prenaient toute la place. J'ai fini par n'entendre qu'elles, absorbé. Andrew jouait bien, réellement bien. J'ai reconnu l'air au bout de quelques poignées de secondes. I see fire, par Ed Sheeran. J'aimais cette musique, l'auteur, et semblait aimer aussi la manière dont elle était en train d'être jouée. De temps en temps, Andrew me jetait un œil. Je le sentais, le voyait de côté. Mais mon regard restait totalement sur ses doigts. D'une rapidité délicate, étaient-ils, je ne pouvais plus m'en détacher. Soudain, le silence a repris possession de l'air. Il s'était arrêté de jouer d'un coup.
J'ai cligné rapidement des yeux.
— Pourquoi est-ce que tu t'arrêtes ? C'est... d'une beauté sans mot.
— Vraiment ?
— Vraiment.
J'ai avalé ma salive et ai refait lentement surface.
— Merci, c'est la première fois que je joue celui-là devant quelqu'un.
— Et tu m'as choisi comme spectateur, ai-je ri.
— Oui, désolé.
— Ne sois pas désolé, au contraire !
Il a souri. Ses yeux pers se reflétaient à la lumière qu'il avait allumé. Il faisait bien trop sombre dehors.
— Je crois que ma mère en a assez de m'entendre répéter, ma petite sœur s'en fiche totalement, et Brooke n'arrête pas de me complimenter mais je sens que ce n'est pas objectif. C'est normal, après tout.
Il n'a pas parlé de son père, et je n'ai pas posé de question. Ça m'a simplement interpellé, comme la fois où il était monté en l'entendant rentrer. Je ne sais pas si j'aimais Connor, je ne pense pas. Il était trop froid, trop.. tout et rien. J'avais juste décidé de fuir son regard brûlant.
— Écoute, tu joues super bien. Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as d'avoir ce talent ! J'aimerais savoir gratter comme toi.
— Merci, c'est gentil.
Il a baissé les yeux, puis les a relevé.
— Tu joues d'un instrument, toi ?
— Non, j'aimerais bien.
— Qu'est-ce qui t'en empêche ?
J'aimais quand il répondait sans réfléchir.
— Il est trop tard, je crois.
A vrai dire, Andrew m'avait posé une colle. C'est vrai, qu'est-ce qui m'en empêchait ?
— Il n'est jamais trop tard.
— Ah bon ? ai-je laissé échappé.
— Oui.
Je me souviens qu'il s'est mis à réfléchir, après ça. Il se mordait la lèvre, machinalement. Le regard fixé sur la moquette. Je me suis demandé à quoi il pensait jusqu'à ce qu'il se retourne vers moi et me dise :
— Si tu veux apprendre, je... je veux bien essayer de te montrer quelques trucs.
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...