Nous sommes rentrés dans l'heure qui a suivie. Lorsque nous avons franchi le seuil, j'ai aperçu Karen, adossée à l'embrasure de la cuisine. Elle nous regardait, Andrew et moi, avec un air triste. Il y avait de quoi. Quant à Connor, elle lui a porté des yeux crachant le dégoût. Je me suis demandé ce qui l'empêchait de partir, sérieusement.
Dans la maison anglaise, l'air avait changé. Ne traînaient plus que peine et colère, adieu nos beaux jours.
Je suis monté seul, pour aller rassembler mes affaires. J'ai fermé la porte en entrant dans la chambre, suis demeuré immobile un moment, le regard vide. Je sens encore ces larmes qui sont montées en moi, jusqu'à se mettre à couler lentement le long de mon visage déchiré par des montagnes de sentiments. Je me suis assis au sol, ravagé. Plus rien ne serait jamais pareil. Et mon père qui ne m'appelait pas...
Les minutes passaient, je restais assis sur la moquette, incapable de ranger quoi que ce soit. Incapable. Je n'avais ni la force, ni l'envie. Pas un soupçon de courage. En bas, j'ai entendu le ton monter entre Karen et Connor. Je n'ai même pas écouté ce qu'ils ont dit. Puis des petits pas discrets se sont rapprochés de cette chambre qui ne serait bientôt plus la mienne. Le grincement de la porte m'a incité à me retourner. C'était Mary ; elle avait l'air triste.
— Salut Léonard, a-t-elle murmuré.
— Salut Mary.
J'ai feint un sourire.
— Ça a recommencé parce que papa est revenu.
— Je sais...
— Je ne veux pas que tu partes, a-t-elle ajouté en s'asseyant face à moi.
J'ai retenu mes pleurs.
Pas devant elle. Ça n'arrangerait rien.
— Moi non plus... ai-je soufflé. Moi non plus.
La petite fille a essuyé le coin de ses yeux. Elle m'a fait de la peine. Est-ce que je devais m'en vouloir ? J'ai essayé. Mais le principal responsable restait Connor. Sûrement pas Andrew non plus.
— Qu'est-ce que tu penses de tout ça ? lui ai-je demandé.
— Je pense que maman est plus gentille que papa. Je sais qu'Andrew a des amoureux et pas des amoureuses et je m'en fiche. C'est papa qui est méchant. S'il le laissait tranquille je serais plus heureuse et maman aussi. Surtout Andrew. Et même toi.
— Et est-ce que ton papa a toujours été sévère avec lui ? Et avec toi, comment ça se passe ?
Je cherchais encore des réponses...
— Non, avant on était une belle famille. C'est quand il a appris que mon frère aimait les garçons qu'il a commencé à être en colère. Il était moins gentil avec maman aussi. Moi ça va. Il dit que je suis l'unique réussite de la famille mais je ne comprends pas. Il ment.
J'ai soufflé discrètement.
Il fallait trouver une solution. Je n'allais pas les laisser dans les mains de ce monstre. Mais que faire ?
L'ambiance lors du repas était glaciale. Connor ne s'est pas installé avec nous, restant adossé à la fenêtre avec un verre de whisky. Il faut dire que je n'ai pas su le regarder une seule fois dans les yeux. Andrew non plus. Il était totalement renfermé depuis ce qu'il s'était passé chez Keith. J'essayais de le regarder du coin de l'œil lorsque Connor ne faisait pas attention. La souffrance était horrible. J'ai repensé à la nuit dernière. Ce rêve éveillé. Nous deux, et rien que ça. L'amour. Le nôtre. L'envie de serrer le blond contre moi était presque insupportable. Je me demandais si l'on allait se quitter pour toujours de cette manière. Pour toujours. Ces deux mots s'étaient mis à résonner dans ma tête.
A un moment, Karen s'est râclé la gorge. D'une voix faible, elle a annoncé que je restais dormir cette nuit puisque mon père était injoignable. Je prendrais l'avion le lendemain matin. J'ai eu une lueur d'espoir de parler à Andrew pendant la nuit, voire de m'enfuir avec lui s'il l'acceptait. Mais c'était trop beau pour être réalisable. Andrew allait passer la nuit chez Brooke. J'ai espéré pour sa sécurité que ça soit pour plusieurs jours encore.
Le reste du repas, j'ai imaginé un tas de trucs pour réussir à sortir Karen et ses enfants des griffes du lion. Puis, enfin, une idée. Mais comment le dire ? Il fallait qu'Andrew raconte tout aux parents de Brooke. Ils semblaient très amis avec Karen. S'ils l'aimaient, ils l'aideraient. J'y croyait. Seulement, il fallait qu'Andrew parle. Il fallait que je le convaincs. Pourtant, c'était impossible. Connor surveillait chacun de ses gestes et avait pris son portable. Je ne savais pas non plus où Brooke habitait. Si c'était le cas, je sauterai du balcon en pleine nuit pour les rejoindre.
Impossible. C'était impossible.
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...