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Je me souviens.

Le lendemain matin, je n'ai pas su me lever. Mes muscles me faisaient atrocement mal, et je me sentais faible. Très faible. Je n'avais plus aucune force où que ce soit. J'ai d'abord cru que c'était simplement la fatigue, mais quand s'en est suivi de frissons réguliers, de sueur et nausées, j'ai compris que c'était autre chose. J'étais malade.

Je n'avais aucune idée de l'heure qu'il était et cela m'angoissait beaucoup. Le volet de la fenêtre était fermé, et je ne savais pas me lever pour l'ouvrir. Penser à la fenêtre ouverte, à l'air frais qui s'en serait dégagé, m'a désespéré.

Je désirais réellement que Karen me voit et m'aide. Ou n'importe qui d'autre. Mais pas Andrew ; je ne voulais pas qu'il m'aperçoive dans cet état lamentable.

La pièce était plongée dans l'obscurité. J'ai commencé à angoisser. J'avais besoin de lumière, de signes, de quelqu'un.

Puis je me suis arrêté de bouger, parce que le moindre mouvement me donnait envie de vomir.

J'ai encore attendu, seul et misérable. La couette me paraissait trop lourde, trop chaude. Ma bouche, trop sèche. Ma peau aussi. Mes mains moites serraient le drap sans force. J'avais l'impression d'être sale, et besoin de prendre une douche froide. Avec du savon à la vanille.

Andrew...

Le vertige s'est accaparé de mon corps. Son visage s'est dessiné vaguement dans mon crâne, puis je suis tombé dans les vapes. Je n'avais plus aucun contrôle.

*

Des petites mains m'ont secoué maladroitement. J'ai pris un paquet de temps avant de refaire surface. La silhouette floue de Mary s'est faite plus claire, laissant place à ce visage rosé.

— Léo ! s'est-elle écriée joyeusement en me voyant ouvrir un œil. Il faut se réveiller ! Maman a préparé des pancakes !

J'ai toussé dans le creux de mon coude. La nourriture m'écœurait... vraiment.

Je n'ai pas eu le temps de la prévenir que soudain, son pyjama rose s'est retrouvé taché de vomi. J'étais tellement désolé... et m'en voulais terriblement. Pauvre gamine qui n'avait rien demandé de tout ça ! Et elle était venue me réveiller si gentiment...

Elle m'avait peut-être un peu trop secoué, c'est vrai.

Mais elle ne pouvait pas savoir.

Son visage a immédiatement changé dès lors que l'odeur infecte lui ai montée aux narines. J'ai encore toussé alors que ses yeux déjà brillants se sont embués de larmes. Mary a crié après sa mère, et je ne la remercierai jamais assez pour ça. Même si au départ, ce n'était pas franchement pour m'aider. 

La mère de famille a déboulé dans la chambre dans la minute, l'air pétrifié. Il ne lui a pas fallu longtemps pour comprendre la situation. Elle s'est soudain précipitée vers moi, et ça m'a étonné parce que Mary reniflait, derrière elle. La petite-fille préférait sans doute le « Léo » pas malade. Celui qui ne rejette pas son repas de la veille sur un pyjama rose. Mais je pouvais rien y faire. Si seulement...

— Je crois que tu as de la fièvre, a-t-elle soufflé d'un ton désolé.

Puis elle s'est finalement retournée vers sa fille et lui a pris la main.

— Ce n'est pas grave, ma chérie. Viens prendre ta douche.

Elle m'a lancé un œil, alternant avec le liquide écœurant sur la moquette. La moquette, putain. J'ai espéré que ça se nettoie facilement ; en plus, l'odeur était infâme.

— Je reviens tout de suite, ne t'inquiète pas mon garçon. Allez, courage.

Je lui ai souri lentement.

— Karen ! ai-je soudain lancé d'une voix faible alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce. Il ne faut surtout pas qu'Andrew vienne ici, maintenant. Je vous en supplie.

Elle a ri gentiment.

— Bien sûr, ne t'en fais pas.

Je les ai ensuite entendues descendre au rez-de-chaussée, puis plus rien. J'avais compris que la machine à laver était dans la cave, alors j'ai pensé qu'elles y étaient sans doute. Pour le pyjama.

Je ne sais pas exactement combien de temps Karen a mis pour revenir mais le principal était qu'elle l'avait fait.

J'ai remué lentement sous le drap mais j'avais tellement mal au crâne que j'ai arrêté rapidement.

— Désolé... ai-je soufflé. Je nettoierai...

Je l'ai sentie s'assoir sur le rebord du lit.

— Ne sois pas désolé, tu n'y peux rien. Et c'est ridicule, je vais le faire. Puis, ce n'est pas pour te vexer mais je pense que tu ne ferai qu'empirer les choses.

Elle a ri gentiment.

— Nettoyer du vomi sur la moquette, c'est un art mon cher.

J'ai voulu rire mais seul un gémissement s'est échappé d'entre mes lèvres sales.

Karen s'en est rendue compte alors elle m'a tendu un mouchoir. Je l'ai saisi fébrilement avant de le porter à mes lèvres pour les essuyer. Je n'osais pas imaginer l'haleine.

Cette pensée me terrifiait.
J'étais trop sale pour qu'on me voit.

Pour qu'il me voit.

Les pièces de théâtre ne se lisent pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant