« Je t'aime aussi. »
Il m'aime aussi, ai-je pensé.
Ou peut-être avait-il seulement dit ça de manière insignifiante pour que je jette cette fichue boîte en carton. Je l'avais fait, et il devait me rembourser. Cela voulait dire que j'allais le revoir d'ici peu. Ce soir ? C'était possible. Nous venions de rentrer, après être allé voir Buckingham Palace. C'est ça qu'il avait voulu me montrer. Ce bâtiment magnifique, mystérieux, symbolique. J'étais ravi de l'avoir vu, à vrai dire. Surtout avec Andrew. Le midi, nous avions pris des sandwich beaucoup trop cher pour ce que c'était, soit du pain et du fromage avec un pauvre morceau de salade qui se battait en duel avec une rondelle de tomate, mais je m'en fichais. L'essentiel était de passer du temps avec lui. Et chaque seconde qui s'écoulait à ses côtés, je tombais un peu plus amoureux. Je ne savais pas si c'était une bonne idée, au vu de ses discours. J'avais essayé de faire impasse sur ces mots douloureux sortis d'entre ces si belles lèvres, mais je n'y étais pas arrivé. « J'aurais aimé que tu n'aies jamais existé », ce n'est pas quelque chose de plaisant à entendre. Je ne sais pas s'il se rendait compte du poids de ses paroles. Sans doute pas. Je ne savais pas à quoi il jouait. En plus, le reste de l'après-midi s'était super bien passée.
Avoir repensé à tout ça m'a valu un pincement au cœur. Une espèce de malaise profond.
Sous la couette épaisse, je me suis retourné.
J'ai soudain eu envie de ne plus jamais le voir. Il me faisait du mal.
Je me suis réveillé tard, par rapport à d'habitude. Il était sans doute dix heures bien passées. La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est s'il faisait beau parce que j'avais une envie soudaine de me balader en ville. J'avais l'impression de ne pas avoir assez profité, alors que j'étais déjà à la moitié de mon séjour en Angleterre, chez les Maxwell. Je me suis levé d'un bond et ma tête a tourné alors je me suis accroché à mon armoire. Pourtant, ma mère me répétait toujours qu'il fallait se lever étape par étape et lentement, le temps que le sang se rétablisse dans tout mon corps. J'ai pensé à l'appeler après m'être lavé.
Je me suis dirigé vers la fenêtre recouverte du rideau épais qui empêchait la lumière de pénétrer dans la pièce, et de constater par ailleurs la météo du jour. Je l'ai tiré d'un geste brusque vers la droite et n'ai pas pu m'empêcher de fermer les yeux. J'étais ébloui par un rayon de soleil qui était venu s'écraser sans prévenir en plein sur mon visage. J'ai détourné le regard avec un sourire – parce qu'il faisait beau – et suis allé chercher un bermuda bleu marine et un t-shirt blanc traînants sur le tas.
J'ai ouvert la porte blanche qui menait à la salle de bain commune et été surpris de m'apercevoir que tout y était sec. Andrew n'avait visiblement pas encore pris sa douche ; après réflexion, ce n'était pas si étonnant : il se levait de plus en plus tard, lui aussi. J'ai posé mes vêtements de la journée sur le rebord du lavabo, et abandonné mon caleçon sur le sol, rapidement recouvert par mon t-shirt XXL qui faisait office de pyjama. J'ai croisé mon reflet nu dans le miroir et vite tourné les yeux parce que l'image reflétée me dégoûtait. Je me trouvais laid, et la présence d'Andrew ces dernières semaines n'arrangeait rien.
J'ai laissé le filet d'eau tiède parcourir mon corps que personne n'avait touché depuis longtemps. La dernière fois, c'étaient mes parents et je n'avais pas plus de huit ans. L'odeur de vanille n'a pas été longue à envahir l'habitacle humide et j'ai eu l'impression d'en être un peu lassé.
Je sentais que quelque chose était différent des autres jours et j'étais incapable de me l'expliquer. C'était comme une espèce de malaise, ou d'ennui. Je ne savais pas. Mon cœur était serré, et ça je le savais bien.
J'ai tourné les robinets, et l'eau s'est arrêtée de couler. Puis j'ai ouvert la porte de douche recouverte d'une buée épaisse en prenant garde à ne pas glisser sur le sol humide. Soudain, il y a eu un bruit de poignée et je n'ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit que la porte du fond s'est ouverte en grand. Celle de gauche, de la chambre d'Andrew. Et il était là. Il a arrêté tout mouvement quand il m'a vu. Mais il était trop tard.
Il m'avait découvert et iln'y avait aucun retour en arrière possible.
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...