Karen a demandé qu'il me montre l'étage. Il n'a pas refusé sans pour autant montrer signe d'enthousiasme. Mais il essayait de sourire alors j'en ai conclu que ce n'était pas spécialement moi qui lui causait souci, mais plutôt la façon dont il se renfermait sur lui-même. C'était, de toute façon, l'idée que je m'étais mise en tête. Celle-ci n'était pas forcément juste.
— Ta mère est gentille, ai-je essayé en le suivant dans l'escalier.
Il s'est retourné rapidement et m'a souri.
— Oui.
— Ta petite sœur aussi.
— Elle est mignonne, a-t-il répondu.
Je n'ai rien ajouté. Je ne voulais pas risquer de paraître trop bavard parce que ce n'était pas le cas.
Nous avons atteint le palier en silence. J'avais enlevé mes converses noires à la demande de Karen et ai compris pourquoi quand mon pied a effleuré la moquette. Andrew a ouvert la première porte à gauche – il y en avait quatre en tout — et j'ai découvert pour la première fois sa chambre. Elle était lumineuse, pas très grande. Un lit simple était fait, à gauche de la porte. J'ai rapidement aperçu une guitare et un bureau. Je me suis demandé s'il en jouait. Quelques photos étaient accrochées à l'un des murs blancs et ça s'est arrêté là parce qu'il a refermé la porte quelques secondes après.
— C'est ma chambre.
— D'accord.
J'ai voulu lui demander pourquoi il me l'avait montrée mais j'ai pensé qu'une question l'aurait dérangé.
Il a ouvert la seconde porte. Il s'agissait d'une salle de bain, tout aussi lumineuse et blanche si on ne prenait pas en compte les quelques serviettes colorées pendues au séchoir. J'ai reconnu un parfum de vanille parmi l'humidité flottante.
— Notre salle de bain, a-t-il commenté.
J'ai alors distingué deux portes au fond, une sur chaque mur opposé à l'autre. Andrew m'a expliqué qu'elles desservaient nos deux chambres. J'en ai conclu que je dormirai à droite.
Nous sommes arrivés sur le seuil de ma future chambre, et je l'ai aimée au premier coup d'œil. Elle était simple et je pouvais la personnaliser à ma guise. Il y avait des cadres vides, des murs blancs et des crochets. J'ai pensé y mettre une affiche des Beatles que je comptais aller dénicher dans les prochains jours.
Elle ressemblait à celle d'Andrew dans l'arrangement du mobilier. Tout était simplement en miroir : lit à droite, armoire à gauche, et le bureau dans le fond ne changeait pas.
— Et voilà.
— C'est gentil à toi, merci.
Il a simplement répondu par un sourire.
J'ai compris plus tard qu'Andrew préférait éviter de parler.*
J'avais fini de ranger le tas de vêtements de ma valise dans l'armoire en bois ; il devait être environ onze heures. Allongé sur le lit, j'étais enfin détendu et souriais sans trop savoir pourquoi. Sans doute parce que je me sentais bien.
Mary est entrée soudain dans la petite chambre en sautillant. J'ai sursauté, surpris. Elle n'avait pas toqué et ça m'a un peu embêté. J'espérais qu'elle ne refasse pas trop ça. Quelques boucles brunes me retombaient devant les yeux, je les ai écartées d'un geste pour y voir plus clair.
— Bonjour Mary, ai-je murmuré en souriant.
La brunette s'est dirigée vers moi en souriant de toutes ses dents et m'a pris la main. Andrew ne mentait pas : elle était mignonne.
— Viens jouer au loup avec moi, s'il te plaît !
Je n'ai pas eu le choix, alors je l'ai suivie dans le jardin.
Nous avons dû nous poursuivre une dizaine de minutes ; après je me suis laissé écrouler au sol. Je pensais qu'elle me laisserait tranquille mais il n'en fût rien : elle s'est assise sur mon ventre et m'a pris pour un cheval.
J'ai fait semblant d'y prendre plaisir, et elle m'a sûrement cru. A peu près cinq minutes plus tard, on a entendu quelqu'un se rapprocher et cela nous a intrigué. Mary a arrêté de remuer dans tous les sens, et a posé sa corde à sauter qui lui avait servi de lasso. A mon soulagement, elle s'était contentée de le faire tourner en l'air.
— Qu'est ce que tu fous, Mary ? a soupiré une voix calme.
J'ai reconnu le ton vibrant et chaud de celle d'Andrew Maxwell, et je me suis mis à paniquer sans vraiment comprendre. Peut-être que c'était juste parce que j'avais dix-huit ans, et qu'à cet âge là on n'est pas censé faire le gamin, encore moins allongé au milieu de l'herbe sous une petite-fille. Je crois avoir rougi ; j'avais un peu honte.
— On joue, avec Léonard !
— Tu joues, a-t-il rectifié en se rapprochant encore.
Il semblait exaspéré. J'ai espéré que Mary en soit l'unique raison. Puis j'ai senti mon corps se défaire d'un poids ; le grand-frère s'était emparé de la petite boule de feu.
Andrew la tenait dans ses bras quand il s'est approché de mon corps suant au sol. Il m'a observé quelques secondes avant de me tendre sa main. Je me suis senti ridicule mais je l'ai saisie et me suis rendue compte qu'il tremblait aussi.
— Je te remercie.
Il m'a encore répondu par un sourire et m'a tourné le dos pour rentrer. Je l'ai suivi en silence, et je me souviens avoir observé chacun de ses gestes. Si précis et lents étaient-ils, j'en étais fasciné.
Karen avait préparé des bagels au thon pour le déjeuner, et j'ai apprécié. Je n'ai pas hésité à le lui dire et ma remarque a eu l'air de lui faire plaisir. Après ça, Mary est partie faire des coloriages dans le salon et Andrew est sorti. J'ai voulu savoir où est-ce qu'il allait mais me suis contenté de le suivre des yeux quand il a quitté la pièce. J'ai compris que je n'allais pas pouvoir obtenir des réponses à toutes mes questions alors j'ai préféré commencer à en prendre l'habitude.
Karen m'a retenu à la cuisine pour me dérouler le programme. Rien n'était fixe, et elle s'adaptait volontiers. Elle m'a proposé les classiques du touriste : le London Eye — qui me tentait réellement car j'avais toujours rêvé de voir Londres depuis le ciel — mais aussi Buckingham Palace et d'autres choses comme une sortie en bateau sur la Tamise et un pique-nique au parc. Je n'étais pas certain d'être à l'aise avec la dernière proposition alors j'ai demandé si nous pouvions mettre ça à la fin du séjour. J'allais avoir le temps d'ici là, d'apprendre à les connaître et de devenir plus en confiance. Il me fallait simplement quelques jours.
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomansaQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...