Cela faisait quatre jours que j'avais quitté la maison des Maxwell. Mon père n'allait pas tarder à arriver de Dinan, en passant par plus de huit heures de route. Même majeur, je continuais à recevoir son soutien au moindre problème. Mais celui-là m'impressionnait. J'avais du mal à m'en remettre. J'étais vraiment heureux qu'il me rejoigne. Déchargé de ce poids qu'était la solitude. Je n'avais pas de nouvelles d'Andrew. Après tout, comment ? Il n'avait pas de téléphone, ni mon numéro, et ignorait aussi où j'étais. Pensait-il à moi ? Je me suis souvenu de ce qu'avait dit mon père : il était forcément amoureux. Ne me l'avait-il pas déjà dit ? Si, bien sûr que si. Cela ne m'empêchait pas d'avoir peur. Peur qu'il change d'avis, peur qu'il soit retourné au point de départ, tel qu'il l'était à mon arrivée. Tout ça, ça se passait dans sa tête. Je n'avais aucun contrôle. Et encore moins maintenant...
Ni Karen, ni Mary, ni Connor et sûrement pas Andrew non plus, savait que j'étais encore à Londres. Comment faire passer le message à tous, mis à part Connor ? Aucune idée. Mon père allait m'aider.
En attendant, j'étais là, dans cette chambre du Chimera Hostel. C'était un endroit premier prix dans le quartier de Brixton, et c'était déjà ça. Bien que l'intérieur ressemblait à une maison de vieux, dont la décoration n'a pas été changée depuis plusieurs siècles. Il y avait un lit superposé en bois grinçant, un sol qui couine, et une penderie. Mes affaires étaient encore dans ma valise, et en débordaient.
J'ai jeté un coup d'œil à mon téléphone : dix-huit heures quarante-six. Mon père arriverait dans plus d'une heure. De quoi me laisser le temps de sortir un peu de là. Je n'avais pas fait grand-chose à part remettre ma vie en question depuis que j'avais été contraint à quitter ma famille d'accueil. C'est vrai : et si je n'étais jamais parti à Londres ? Et si ça avait été d'autres accueillants ? Et si Andrew n'existait pas ?
Je me suis finalement installé dans un bar des plus banals, situé à quelques minutes de marche de l'hôtel. J'ai commandé une bière alors que je ne bois jamais. Au point où j'étais, de toute façon. J'avais cette impression de commencer une nouvelle vie sans oublier l'ancienne. Tout était tellement différent.
Quand on me l'a apportée, je l'ai presque bue cul-sec. Ça ne me ressemblait pas. Tout comme le fait d'en commander une deuxième. Alors évidemment, le serveur était content.
— C'est de la bonne, hein ? m'a-t-il dit avec un grand sourire.
J'ai simplement approuvé d'un signe de la tête. En réalité, ce n'était qu'une bière. Rien de fantastique.
Au bout de la deuxième, j'ai eu une soudaine envie de pleurer. Comme si tout ce qu'il se passait dernièrement venait me rattraper. J'ai croisé les bras sur la table, et enfoncé ma tête dedans. Puis mon portable a vibré au fond de ma poche. Je l'ai saisi en me redressant, passant une main dans mes cheveux en désordre. J'ai pensé qu'il allait falloir les couper. Et si je rasais tout ?
C'était mon père, au téléphone. Il était du côté de Forest Hill, soit à vingt minutes de là où je me trouvais. Je n'avais pas le courage de retourner à l'hôtel alors je lui ai demandé s'il pouvait me rejoindre.
— Léonard dans un bar ? Qu'est-ce qu'il t'arrive mon fils ? a-t-il ri, étonné.
— Je voulais boire une bière. En fait, j'en ai pris deux parce que c'est de la bonne, hein.
Qui étais-je ? Sûrement pas moi. Mon père n'a pas mis de temps à le remarquer.
— OK, j'arrive. Envoie moi l'adresse.
— Ouais, bisous mon papa chéri.
Je lui ai donné le nom du bar, et c'était parti.
J'allais enfin le retrouver.
Il est arrivé le regard alerte. Comme j'étais presque le seul entre ces murs – en comptant le serveur – il n'a pas mis de temps à me rejoindre à grands pas. Je me suis levé. Je devais avoir l'air triste et heureux à la fois parce que c'était ce que je ressentais. Il m'a serré dans ses bras costauds. J'ai apprécié l'odeur de son parfum que je n'avais pas senti depuis un mois.
— Tu m'as manqué, fiston.
— Toi aussi...
— Tu vas bien ? s'est-il inquiété.
— Non.
Il m'a alors relâché et nous nous sommes assis. Mon père m'a regardé avec peine, et il y avait de quoi. Même si je n'aimais pas qu'on me plaigne. En fait, pour moi, c'était comme la fin du monde. Et mon père était le super héro à qui j'avais fait appel pour sauver l'univers.
— T'as bu que deux bières, n'est-ce pas ?
— Ouais.
— Tu tiens mal l'alcool, on dirait.
— Non, ça, c'est bon.
Il a soufflé, et joint ses mains au-dessus de la table en bois.
— On va y arriver, OK ?
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...