Il était environ six heures et quart quand Mary a bouclé sa ceinture, dans la petite voiture rouge de Karen. Celle qui m'avait emmené pour la première fois chez les Maxwell. Je me souviens encore de l'excitation du premier jour. Karen et Andrew sont restés dehors un peu plus longtemps, avec mon père et moi. C'est comme si aucun de nous était capable de bouger, de se dire au revoir, de tourner le dos, et de partir. Karen avait les yeux brillants, Andrew baissait la tête – il la remontait de temps à autre pour me regarder, comme si c'était la dernière fois. Je me retenais de pleurer. Mon père me serrait fort l'épaule, de sa main large qui m'avait toujours protégé. Je n'avais jamais rien vécu de tel.
— Bon, a murmuré Karen en rapatriant ses cheveux bruns vers l'arrière.
J'ai vu Andrew se frotter les yeux, avant de s'approcher pour me prendre dans ses bras. Et je savais que c'était la dernière fois avant quelques mois. Alors je n'ai pas voulu le lâcher. Sa chaleur, son parfum, sa douceur ; je voulais tout emporter avec moi. On s'est serré très fort. Il a pleuré et moi aussi parce qu'on ne pouvait faire autrement.
— Nous...ce n'est pas fini, hum ? a soufflé Andrew.
Son souffle chaud caressait ma nuque.
— Non, bien sûr que non.
J'ai resserré mon étreinte et lui a inspiré profondément.
— ...sauf si c'est ce que tu veux, ai-je ajouté en riant pour tenter de balayer cette atmosphère triste.
Il s'est écarté pour plonger ses yeux pers, plissés à cause du soleil qui lui faisait face, dans les miens. Sa main s'est enfoncé dans mes cheveux épais et trop emmêlés. On est resté comme ça, comme deux idiots – peut-être – à se regarder, s'observer, avant qu'il ne réponde :
— T'es complètement dingue.
— Merci Andrew, ai-je ri en serrant mes doigts dans le bas de son dos pour l'attirer à moi.
Je l'ai embrassé. On était en plein milieu de la rue, il y avait mon père et Karen, mais ça n'a pas semblé le gêner. Et ça, c'était vraiment la meilleure des choses. Il m'a embrassé à son tour. C'était plein d'amour et d'honnêteté. C'était notre histoire. Notre aventure.
Nous.
— Andrew, il faut y aller, a soufflé Karen d'une voix tremblante.
Nous nous sommes finalement séparés l'un de l'autre.
— Je sais, il va arriver.
Karen est venue me prendre dans ses bras à son tour, puis s'est écarté, ses deux mains serrant mes avant-bras. Elle m'a regardée droit dans les yeux.
— Tu es un garçon incroyable, a-t-elle affirmé. Tu as changé notre vie...
J'ai ri nerveusement, regardant soudain ailleurs.
— Crois-moi, s'il te plaît. Andrew a de la chance de t'avoir et je suis ravie aussi de te connaître, Léonard. On se reverra très bientôt, d'accord ?
J'ai approuvé d'un signe de tête. Tout se défigurait autour de moi à cause des larmes qui étaient venues soudain brouiller ma vue. J'ai serré une dernière fois Karen contre moi avant qu'on s'éloigne, qu'elle ouvre la portière de droite, et disparaisse dans son véhicule. Andrew avait tout juste ouvert celle du passager. Il n'arrêtait pas de me regarder tristement, comme si c'était la dernière fois. Je savais que non. Parce qu'on s'aimait. Et l'amour gagne toujours, quoi qu'il en soit.
— Andrew, il ne faudrait pas que ton père arrive, a dit mon père d'un air désolé.
— Oui.
Là, il s'est baissé, s'est assis, et a fermé la portière. Sa vitre s'est abaissée. Mon père m'a pris par l'épaule et nous avons regardé le véhicule démarrer tranquillement. Andrew a passé sa tête par l'ouverture et a semblé hésiter une seconde avant de, définitivement, lancer :
— MON PÈRE EST UN CONNARD ET JE T'AIME !
On a ri tous les deux, mêlant larmes et sourires. Puis Karen a avancé pour de bon, et ils se sont éloignés sous le soleil d'été. J'ai vu les trois bras dépasser de chaque fenêtre pour nous saluer, et c'était probablement la meilleure façon de se dire au revoir.
J'ai crié que j'aimais Andrew avant qu'ils ne disparaissent, et on est partis monter dans notre voiture.
Mon cœur jouait aux montagnes russes.
J'ai repensé au premier jour, quand il est descendu des escaliers dans sa chemise à carreaux verts et que je l'ai trouvé beau. J'ai repensé à notre matinée à la librairie de Keith et quand je me suis décidé à acheter Roméo et Juliette. Mais aussi à quand il me disait que c'était impossible, quand il disait n'importe quoi et que je le prenais dans mes bras. J'ai ressenti notre premier baiser. Je n'ai pas pensé à Connor parce qu'il n'en avait pas l'honneur.
J'ai juste pensé à nous.
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...