— Je... a-t-il bredouillé en ouvrant grand les yeux.
J'étais totalement paralysé. Ce n'est qu'après de longues secondes que j'ai su tendre le bras en tremblant pour saisir serviette et t-shirt posés sur le bord du lavabo. Avec précipitation, je me suis caché sous les tissus. Le haut me collait à la peau, trempé. Je n'avais pas pris le temps de m'essuyer.
— Je suis désolé, Léonard, a-t-il fini sans avoir détourné les yeux.
Je ne lui ai rien répondu et ai rejoint ma chambre en vitesse, fermant sans douceur la porte dans mon dos. Je ne m'étais jamais senti aussi humilié depuis longtemps.
Je suis resté adossé à la porte, la boule au ventre. J'avais peur qu'elle s'ouvre. Qu'il l'ouvre. J'avais l'air con, dans ma serviette et mon t-shirt moulant. Les cheveux dégoulinants. Je ne savais pas combien de temps encore j'allais rester là, sans bouger. Je n'entendais pas grand-chose, derrière. Jusqu'à ce qu'Andrew murmure :
— Je sais que tu ne voulais pas, que tu n'étais pas prêt à te montrer. Je n'ai pas voulu... je n'ai pas écouté... je pensais que tu étais déjà douché depuis longtemps. C'est comme ça d'habitude.
J'ai écouté sans prononcer un mot. Je n'en avais pas le courage.
— Tu as oublié ton short, Léonard.
Toujours aucun son ne sortait d'entre mes lèvres humides. Je m'en fichais du short, je pouvais le récupérer plus tard. J'en avais d'autres, ici, dans l'armoire. Je me suis décollé lentement et sans bruit pour en attraper un. Je ne voulais pas qu'il entre, surtout pas.
Le vêtement dans la main, le cœur tambourinant, j'ai reposé mon dos contre le panneau en bois. Je me sentais étrangement faible.
— Je peux entrer ?
— Non.
— Léonard...
— Laisse-moi, ai-je soufflé. S'il te plaît.
Il y a eu un moment de silence.
— Ok. On se voit en bas.
J'ai dégluti lentement. Je n'étais pas prêt à le regarder de nouveau dans les yeux.
Je l'ai senti s'éloigner, mais je n'ai pas soufflé de soulagement. Être seul, confronté à mon problème, était pour moi la pire des sensations. Et pourtant, je ne voulais pas le voir.
J'ai enfilé rapidement le short que j'avais serré trop fort dans ma main encore humide ; il était à présent froissé et un peu mouillé. Sous le fin tissu blanc du t-shirt battait mon cœur enflammé, et l'oxygène peinait à s'infiltrer dans mon organisme. J'avais besoin de me calmer. Je suis allé m'appuyer sur le mur, à côté de la fenêtre que j'ai entrouverte. La tête en arrière, je respirais difficilement. J'avais honte, et me sentais humilié comme aux cours de natation de monsieur Bruno. Je détestais ces choses-là. Elles me faisaient perdre le contrôle, me sentir faible. Peut-être que je l'étais, finalement.
Je suis resté appuyé là une bonne dizaine de minutes, ne pensant à rien si ce n'est qu'à me calmer. Je devais descendre parce que j'avais faim et que c'était ridicule. Et puis, Andrew n'était peut-être plus dans la cuisine, à présent. Je devais me reprendre en main. Si j'avais supporté les moqueries du collège, je pouvais surmonter le fait qu'Andrew Maxwell venait de me voir nu. Ou pas forcément. Parce que c'était lui, Apollon du monde à mes yeux. Je me souvenais de ces yeux écarquillés ; j'étais certain de l'avoir dégoûté.
J'ai saisi la poignée de la porte menant au palier, essayant tant bien que mal de faire impasse sur ce qu'il s'était produit vingt minutes plus tôt. J'y parvenais à peine ; c'était difficile pour un faible comme moi et mon corps le prouvait au monde entier. J'avais entendu plusieurs fois que l'apparence était le reflet de l'âme.
Je devais descendre, il le fallait. Je ne pouvais pas rester enfermé dans cette fichue chambre jusqu'à mon départ, le vingt-trois août. C'était bientôt. Il ne me restait qu'une semaine et quelques jours ; presque deux, mais pas deux. Je n'avais pas le droit de gâcher ces derniers moments. J'ai alors posé mon pied nu sur la première marche de l'escalier en bois, hésitant. La gorge nouée. Est-ce qu'Andrew était encore en bas ou s'était-il échappé entre temps ? A sa place, je serais parti. Peut-être parce que je suis lâche, ai-je pensé, en suspend dans mon élan. Ma curiosité m'aurait peut-être retenu, au final. Peu importait. Je n'étais pas à sa place. J'ai descendu encore quelques marches, lentement. Je ne pouvais cesser de revoir encore et encore cette image ; mon corps nu devant lui. A découvert. Je n'avais jamais voulu ça, jamais. Mon cœur battait trop fort, trop vite. Mes pas étaient lents, de plus en plus.
Soudain, il est apparu. Je me suis raidi. Comment pouvais-je assumer ce qu'il avait vu ? Mes mains moites se serraient davantage au fond de mes poches. Mes jambes tremblaient, malgré moi.
— Ça va ? a-t-il murmuré sans me regarder dans les yeux.
Je l'écœurais, sans aucun doute, pensais-je.
— Ouais, je crois...
Il a soufflé, les lèvres pincées. Il avait les mains dans les poches, lui aussi.
— Qu'est-ce que tu veux manger, ce matin ?
— Ta mère n'est pas là ? me suis-je étonné d'une voix faible qui ne me ressemblait pas.
— Non, elle est partie chez Brooke avec Mary.
Je suis resté figé. Pourquoi donc Andrew n'y était-il pas allé ?
— Et tu restes là, toi ? C'est quand même ta meilleure amie, non ?
— Oui.
J'ai dégluti. Je ne savais plus parler avec cette aisance habituelle.
— Alors pourquoi ?
— Je préfère rester là.
— Brooke va t'en vouloir, j'imagine...
Il a souri discrètement.
— Non, c'était son idée.
— Son idée ? ai-je répété en augmentant légèrement le ton, étonné.
— De me laisser avec toi. Toi et moi, bref.
J'ai souri à mon tour sans m'en rendre compte compte avant de finir ma lente descente, et d'enfin poser mes pieds nus sur le carrelage froid.
***
NDA : on a gagné aux wattys, c'est pas extragénial ça ? omd j'en reviens tjrs pas :) merci d'être là à me soutenir, guys ! ♥ love u, faustine.
***
VOUS LISEZ
Les pièces de théâtre ne se lisent pas
Roman d'amourQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...