J'ai rapidement compris que plus je restais à attendre que le temps passe là, sur cette foutue marche d'escalier, plus ma panique se mettrait à grandir. Et si j'y allais là, tout de suite ? Je n'aurais pas le temps de penser à me trouver un paquet d'excuses qui, de toute façon, n'allaient servir à rien. Brooke était probablement collée au mur à écouter mes moindres gestes.
J'ai serré les poings. Il fallait que j'y aille. Et puis, la blonde n'avait pas tord : Andrew n'étais pas un monstre. Je n'avais aucune raison de paniquer. Quoi que. Comment allais-je le découvrir ? Et s'il avait besoin de soutien, n'étais-je pas égoïste ? Il était vrai que depuis le début, je ne pensais qu'à moi, qu'à mes sentiments. C'était vraiment nul. L'adolescent avait aussi des émotions. Je devais aller voir. Et si nous avions tous deux besoin de nous parler ?
Le seul problème, c'est qu'Andrew n'était pas n'importe qui. C'était plus difficile.
J'ai relâché une bouffée d'air puis d'un coup, comme pris d'une énergie inconnue, monté l'escalier. J'ai atteint le palier en quelques secondes, mais ce n'était pas tout. Maintenant, je devais avoir le courage d'aller toquer à la première porte à gauche...
Je l'ai fait, sans trop réfléchir. Mon cœur ne cessait d'accélérer. C'était quoi mon problème, au fond ?
Andrew n'est pas venu ouvrir alors, inquiet, j'ai poussé la porte. Il était assis devant la fenêtre, sur la chaise de son bureau. Je ne voyais pas son visage, seulement les mèches éparses et désordonnées de ses cheveux que j'enviais. Tout comme son dos musclé, la façon dont il se tenait, ses doigts, ses yeux. J'aimais tout son être.
Étais-ce ça, l'attirance ?
Il ne s'est pas retourné, bien qu'il était certain que l'adolescent m'avait entendu rentrer. Savait-il seulement que c'était moi ?
— Andrew ? ai-je lâché, hésitant.
Il a tourné sa tête vers la droite, lentement. J'ai suivi des yeux la ligne de sa mâchoire, puis de son nez.
— Léonard.
— Ça va ? Brooke m'a dit que je devais absolument venir te voir.
— Elle abuse.
J'ai eu un mouvement de recul.
— Tu veux que je parte ?
— Non.
Non. J'allais donc rester autant de temps qu'il le voudrait.
Puis il a rapidement détourné les yeux. Je me suis assis sur le rebord du lit. Je le regardais fixer cette fenêtre, quant alors j'ai distingué son reflet. Son regard était vide de sens, ses lèvres entrouvertes. Quelque chose à brillé, dans cette vitre. Puis il a reniflé et j'ai compris.
— Est-ce que ça va ?
— Je suis une tapette, a-t-il articulé, je sais.
J'ai ouvert grand les yeux. Tapette.
— Pourquoi dis-tu ça ? C'est quoi le rapport ?
— Les tapettes pleurent tout le temps.
— As-tu quelque chose contre les homosexuels ?
Je ne sais pas si je devais dire ça, mais il était trop tard. Au moins, c'était le moment d'être fixé.
Mais il a ri. Timidement, mais il a ri. Je ne savais plus quoi penser.
— Ça serait un comble. N'as-tu donc pas entendu Brooke ?
Bien sûr que si.
« N'est-il pas charmant ? »J'ai soufflé.
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? Et pourquoi tu t'es mis en colère ?
— Est-ce que tu fais semblant ?
— Semblant de quoi ?
— De ne pas comprendre que je suis gay !
Il s'est soudain levé d'un bond et s'est rapproché à toute vitesse de moi. Je me suis relevé pour être à sa hauteur. Nous n'étions qu'à quelques centimètres et mon cœur me lâchait. Mes mains aussi, puis mon corps entier. Je ne cessais de me ramollir, puis j'avais très chaud.
J'ai compris que c'était ça, dont Karen m'avait parlé. L'attirance. Devais-je en faire part à Andrew pour le rassurer ? Lui dire qu'au pire, on était deux et que ce n'était pas grave ? Pourquoi semblait-il souffrir de son orientation sexuelle ? Était-ce mal ? Je ne pensais pas. Ce n'était pas mon avis, du moins.
Nous nous regardions dans les yeux sans un mot avant qu'il ne baisse la tête, la fourrant dans ses mains à la fois massives et fragiles.
Je l'ai pris par l'épaule. Comme ça. Je ne savais quelle force m'avait poussé à le faire mais j'avais ma main posée là, à quelques mètres de son cou... de sa paume d'Adam saillante. Puis aussi de ses lèvres. Avais-je envie d'embrasser cette chaire rosée ?
— Je ne faisais pas semblant. Et sache que je m'en fiche que tu sois gay, Andrew.
Il a relevé la tête.
— Comment ça ?
— Et bien tu avais l'air contrarié que Brooke ait sorti ça devant moi. Mais pourquoi, au juste ? Avais-tu peur que je le découvre ? Mais tu sais quoi ? Tu ne devrais pas le cacher. C'est quoi la différence entre aimer une fille ou un garçon ? Et bien c'est la même chose !
J'avais dit ça parce que j'aurais aimé qu'on me le dise, à moi-aussi. J'aurais aimé avouer à voix haute, que moi aussi, j'en étais sûr maintenant, je n'aimais que les garçons. Lui, du moins, il me faisait de l'effet. Et l'idée ne me dérangeait pas ; j'avais juste peur... de contrarier mon père. Mais Andrew ? Avait-il peur, lui ?
— Tu le penses sincèrement ? s'est-il ébahi.
— Bien sûr.
— Je...
Il s'est assis sur le rebord du matelas, confus.
— Je suis désolé de t'avoir sous-estimé, Léonard. Je te remercie d'accepter ça, c'est tellement rare que je ne sais plus le croire. Si tu as un problème avec ça, je ferai en sorte de ne pas être au travers de ton chemin, parce qu'après tout tu ne veux peut être pas traîner avec un gay. Tu crains sûrement que je te saute dessus ou je ne sais quoi mais sache que...
Je ne savais plus bouger. Sa sottise me laissait de marbre !
— Enfin, peu importe. Maintenant tu sais.
— Maintenant je sais, oui. Mais écoute... Andrew, ai-je bégayé en me sentant trembler, je n'ai aucune envie que tu m'évites, vraiment ! Je n'ai pas peur que tu me sautes dessus et puis...
J'ai hésité à lui dire, mais finalement j'ai pensé que c'était son moment. Ça pouvait attendre.
— Bon, tu ne trouves pas qu'on en fait beaucoup juste pour ça ?
J'ai ri, puis il m'a serré dans ses bras. Je ne m'y étais pas préparé mais j'ai été heureux.
Le plus que je ne l'avais jamais été.
![](https://img.wattpad.com/cover/194359084-288-k799197.jpg)
VOUS LISEZ
Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomansaQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...