J'étais blotti contre lui dans ce lit trop étroit. C'était flou. Vague. Brouillé.
Je me rappelle son absence soudaine lorsque je me suis réveillé pour la seconde fois une dizaine de minutes plus tard. Je n'ai pas vraiment compris. Je me souviens m'être redressé brutalement, croyant à un rêve dont il faisait partie. Mais il y avait son odeur. Je n'hallucinais pas. Andrew était parti, en pleine nuit.
Je sens encore les battements de mon cœur trop rapprochés, trop forts. La chaleur soudaine. Mon souffle coupé et le nœud dans ma gorge. J'ai presque sauté du lit d'en haut. J'ai saisi ma tête et l'ai secouée. C'était impossible ! Impossible.
Et pourtant.
Que faire ?
J'ai dû crier car mon père a sursauté.
— Léonard ? Qu'est-ce que...
— Il est parti !
— Qui ça ? a-t-il bougonné en se frottant les yeux.
— Andrew !
J'avais presque hurlé.
Mon père s'est levé d'un coup.
— Habille-toi, on part à sa recherche.
Terrorisé, j'ai senti les larmes me monter aux yeux. Tout allait trop vite.
En moins d'une minute, j'avais enfilé des vêtements et une paire de baskets. Mon père a été encore plus rapide. Il s'est précipité sur les clefs et son portable et on a claqué la porte. J'ai couru dans le couloir, dévalé les escaliers, et poussé la porte. Andrew. Andrew. Andrew.
— Putain ! ai-je crié, hors de moi.
Mon père m'a saisi par les épaules.
— Ecoute-moi bien. Calme-toi. Il ne peut pas être bien loin.
J'ai hoché la tête rapidement, même si au fond je n'assimilais aucun de ses mots.
— Tu as ton téléphone avec toi ?
— Oui.
— Ok, alors on se sépare, a-t-il déclaré. On s'appelle si on le trouve, d'accord ?
J'ai encore approuvé et suis parti en courant, sans lui laisser le temps d'ajouter quoi que ce soit. L'air et la peur brûlaient mes poumons. Je n'avais jamais couru à une telle allure ; le décors défilait incroyablement vite. Je ne savais même pas où j'allais. Je ne savais rien du tout, en fait. Rien. Mes jambes commençaient à s'enflammer, elles aussi. Tout semblait irréel.
Je me suis finalement arrêté. J'avais aucune idée de l'heure qu'il était, et depuis quand j'avais quitté l'hôtel. Mon père avait sûrement sa voiture, j'espérais que ça l'aide. J'ai sorti mon téléphone. Même si je n'y croyais pas, je devais essayer de joindre Andrew.
J'ai déverrouillé l'appareil, tremblant et en sueur. J'ai appuyé sur son numéro. Mes doigts serraient si fort mon portable qu'il pouvait se briser d'un moment à l'autre. Quand le répondeur s'est fait entendre, je me suis retenu de le balancer sur le bitume. Je soufflais fort. J'étais à la fois terrorisé et en colère. Contre moi-même. Qui savait ce qu'Andrew était en train de faire ? Je n'avais pas su le protéger. Je n'avais pas su le retenir.
J'ai levé les yeux. Que faire d'autre ? Je me sentais impuissant. Tout était perdu. Et à jamais. J'ai essuyé du revers de la main une larme dévalant ma joue embrasée par ma course. Autour de moi dormaient des centaines de maisons. J'étais la tâche rouge sur un infini de blanc.
Je me suis laissé tomber contre le mur de l'un des bâtiments.
— Si Andrew est parti, pensais-je, qu'est-ce que...
Soudain, mon téléphone s'est mis à vibrer. Je l'ai sorti de ma poche à toute vitesse. Mon père. Avait-il trouvé quelque chose ? J'ai répondu.
— Papa !
— Ecoute, Léonard je... a-t-il bredouillé.
Il a soufflé un bon coup. Qu'y avait-il bon sang ?
— Je suis avec Andrew.
J'ai sûrement esquissé un demi-sourire. Et pourtant, son ton grave m'inquiétait.
— Il va bien ?
— Il vaudrait mieux qu'on se parle, lui et moi, d'accord ? a-t-il répondu. Rentre tranquillement à l'hôtel. On ne sera pas longs...
Puis il a raccroché. Rien ne pouvait me faire plus penser. Douter. Être terrifié.
J'ai laissé tomber mon téléphone sur le sol rafraîchi par la nuit. Une légère brise s'immisçait dans mes cheveux. Ma tête lourde est tombée entre mes mains impuissantes et mes jambes achevées par la course ont rejoint ma poitrine. J'étais terrifié. Pourtant, il fallait que je fasse confiance à mon père. Il le fallait pour Andrew. Papa ne faisait jamais rien au hasard ; il réfléchissait. Pas comme moi, qui m'étais lancé sans direction précise. A quoi je jouais au juste ? J'étais juste un incapable.
Finalement, je ne pouvais peut-être pas sauver Andrew ni personne d'autre.
J'en savais strictement rien.
VOUS LISEZ
Les pièces de théâtre ne se lisent pas
RomanceQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...