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— Alors ? a-t-il redemandé en me suivant dans la cuisine discrètement.

Je me suis retourné rapidement en haussant légèrement le coin de mes lèvres.

— Ne t'embête pas pour moi, Andrew.

— Je te dois au moins ça.

— Tu ne me dois rien du tout, ai-je murmuré.

Il m'a englobé l'épaule de sa main. Je me suis retourné à moitié et il m'a été difficile de soutenir son regard.

— Il reste des pancakes. Je viens de les faire, ça te dit ? a-t-il murmuré d'un ton posé. Je peux te les réchauffer si tu veux.

Que lui prenait-il ? Tenait-il tant que ça à se faire pardonner ? Il ne l'avait pourtant pas fait exprès, il me semble.

— D'accord.

Je me souviens de son sourire satisfait avant qu'il n'aille chercher une assiette contenant quelques pancakes empilés dans le réfrigérateur. Je le laissais faire parce que c'était ce qu'il m'avait demandé. Andrew a sorti une poêle propre du lave-vaisselle et allumé la plaque de cuisson. Trois minutes plus tard, il me demandait si je voulais de la confiture, ou quelque chose d'autre dessus. J'ai répondu que je préférais le goût sans artifice.

Il a souri.

— Je te pensais plus gourmand.

— Ah oui ? ai-je répondu après avoir avalé un croc.

Mes joues étaient en feu mais mon esprit s'était calmé. Je n'oubliais pourtant pas, c'était impossible pour moi.

— Oui. Finalement on a quelques points communs, toi et moi.

— Parce que tu les prends sans rien aussi ?

Il a fait glisser un autre pancake dans mon assiette.

— Hm. Alors, t'en penses quoi ?

— Ils sont délicieux, Andrew.

— J'espère. C'est la seule chose que je sais cuisiner.

J'ai ri discrètement.

Il ne m'a pas fallu trop de temps pour ne plus avoir faim. Andrew a tout rangé avant même que je n'ai le temps de lui proposer mon aide.

Puis nous sommes montés. Je me suis assis sur le lit refroidi par l'air extérieur, le regard dans le vide, comme perdu. Je ne pensais pas à grand-chose, ou peut-être à tout en même temps finalement. Je ne m'arrêtais sur rien, laissant les idées venir, s'envoler par la fenêtre à demi ouverte, avant qu'elles ne disparaissent pour toujours. Je me vidais la tête ; cela m'a calmé. Puis quelques minutes plus tard, je ne sais pas vraiment combien, mon regard s'est porté sur l'œuvre de Shakespeare. Posé sur la moquette, je l'y avais abandonné la veille. J'ai pensé à la saisir pour poursuivre ma lecture parce que ma curiosité me le demandait. Mais je n'en ai pas eu le temps, interrompu par trois coups légers à la porte, celle menant à la salle de bain. J'ai rapidement cligné des yeux, revenant au conscient.

— Oui ? ai-je lancé sans réfléchir.

— Je peux entrer ?

J'ai souri en entendant les mots d'Andrew. Il faisait attention à toquer, à présent. Cela me faisait plaisir.

— Vas-y.

La porte en bois a émis un léger grincement avant que le blond apparaisse timidement, comme hésitant. Rapidement, j'ai aperçu le manche de sa guitare. Il l'a soulevée un peu en ajoutant :

— Pour me faire pardonner, ça te dit ?

— Oui, ai-je répondu.

Le presque-adulte a semblé heureux, pour de vrai. Il s'est alors rapproché, et j'ai pris le temps de l'observer. Il avait troqué chemise contre t-shirt large – il y avait un tournesol dessiné dessus, je le trouvais sincèrement beau – rentrée alors dans un pantalon à la mode, typé grands évènements. Ça lui allait bien, encore une fois. Il portait aussi ses chaussettes blanches qui rappelaient la couleur du t-shirt. J'ai pensé que jamais je ne me lasserais de ses looks.

Il s'est assis contre le mur, s'enfonçant légèrement dans le matelas moelleux. Il a croisé sa jambe gauche sous l'autre, qu'il laissait retomber de l'autre côté. Il souriait et pourtant, je ne le sentais pas si sûr de lui. Andrew était comme préoccupé par une idée que j'ignorais.

Ses longs doigts se sont posés sur les cordes, il a baissé les yeux et a commencé. Il jouait l'air d'Ed Sheeran, le premier qu'il m'avait fait écouté. Ça m'a rappelé ce moment-là ou tout était si différent, alors que nous ne nous connaissions pas. Quand nous nous cherchions sans le vouloir. Peut-être qu'on s'aimait déjà.

Puis la musique a cessé et je lui ai souri. Je crois que je ne faisais que ça, à vrai dire.

— Je t'ai déjà dit que t'étais franchement doué ? ai-je murmuré en fixant ses doigts.

Il a ri et cela m'a détendu.

— Je ne sais pas...

J'ai senti son regard à la fois malicieux et malin se poser sur moi, alors j'ai levé les yeux.

— Ok, alors je te le redis : Andrew, t'es franchement doué.

— Merci Léonard.

Il a marqué une pause, s'est passé la main dans les cheveux. Un geste délicat, subtil. Mordillé la lèvre inférieure. Quelle pensée le rongeait donc ?

J'ai senti mon cœur battre un peu plus vite encore.

Puis il a attrapé le manche de l'instrument avant de le poser délicatement sur le sol. Je l'ai regardé faire, sans vraiment comprendre. Je crois qu'il m'hypnotisait rien que par sa présence. Après ça, il a hésité un peu. Après ça, il m'a regardé. Après ça, il a murmuré que la guitare n'était qu'un prétexte pour être là. 

Les pièces de théâtre ne se lisent pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant