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La chambre était vide. J'avais marché lentement, pourtant. Pendant au moins trente minutes. Mais ils n'étaient pas là. Pas encore. Nous approchions les cinq heures.

Je me suis laissé tomber sur le lit du bas en soufflant profondément. J'étais terriblement angoissé car je n'avais aucune idée de ce qu'il s'était passé, et pourquoi mon père devait lui parler. Il y avait tellement d'hypothèses possibles !

C'est alors que des bruits de pas m'ont alerté ; je me suis redressé immédiatement. Il y a eu le bruit de la clef de l'hôtel, puis le grincement léger de la porte. Ils sont entrés. Andrew suivait mon père, replié sur lui-même. Les vaisseaux sanguins de ses yeux étaient dilatés, lui donnant un regard rouge. Il avait l'air désespéré.

Je me suis levé et l'ai serré dans mes bras, presque jusqu'à l'étouffer. Sa peau était glacée là où elle était à découvert. Combien de temps était-il resté dehors ? J'étais soulagé qu'il soit là. J'ai lancé un coup d'œil à mon père ; son léger sourire était crispé. J'avais besoin d'explications.

Alors que je desserrais mon étreinte, prêt à me séparer d'Andrew, à poser mes questions, celui-ci m'a ramené à lui. Cela m'a surpris. Je l'ai laissé faire, me fondant à son corps qui se réchauffais doucement. Son parfum vanillé me rappelait encore tous ces moments passés à ces côtés en si peu de temps. Je l'aimais totalement. Peut-être que c'était ça qui me faisait perdre les pédales.

Entre autres.

— Il faudrait dormir un peu, a suggéré mon père à voix basse.

Andrew s'est détaché de moi, presque confus. Comme s'il avait oublié que papa était à côté.

— Oui, a-t-il soufflé.

Je n'ai pas osé ajouter quoi que ce soit. Alors, chacun s'est déshabillé rapidement dans un silence total. Nous avons rejoint nos lits. Andrew est venu se coincer contre moi, doucement, son dos contre mon torse. J'ai posé mes lèvres sur son épaule, espérant profondément qu'il allât mieux. Mes bras ont entouré sa taille.

— Ça va ? ai-je murmuré.

Je parlais si bas que mon père, en dessous, ne pouvait pas entendre. De toute manière, il n'allait pas tarder à se rendormir.

Andrew s'est retourné, remuant sous le drap commun. Ses yeux brillaient, et il semblait avoir chaud. L'une de ses mèches blondes retombait sur son front.

Pour seule réponse, il a haussé les épaules. Il a fini par ajouter, quelques secondes plus tard :

— Ton père est génial. Tu as de la chance de l'avoir...

J'ai souri avant de chercher sa main sous la couette.

— Ta mère aussi, tu sais.

— Oui c'est vrai.

De mon pouce, j'ai caressé timidement sa peau.

Il a ajouté :

— Je... je pensais que tout était de ma faute...

— Je sais, ai-je soupiré. Je sais.

— Ton père m'a fait comprendre que... ce sont des choses qui arrivent, malheureusement.

— De quoi ? D'avoir un connard pour père ? ai-je ri. Désolé.

Il a pouffé à son tour.

— Ouais, c'est tout à fait ça !

J'ai tenté de reprendre mon sérieux avant de lui demander, enfin :

— Pourquoi tu es parti ?

Il a soudain entrouvert les lèvres, troublé. J'ai froncé les sourcils.

— Pour en finir.

— En finir ? ai-je répété.

— Avec... tout. Je... pensais que c'était la solution à tout.

— Non. Non ça ne l'est pas et ça ne le sera jamais !

J'ai serré sa main entre mes doigts.

— J'ai beaucoup parlé avec ton père, je ne suis plus si sûr de mes idées...

— Abandonne-les.

— ...

— Je t'en prie. Je tiens à toi.

Ses yeux écarquillés scrutaient les miens, plissés.

— Je suis désolé. Tu sais que je t'aime. Je ne ferai plus ça. Pardonne-moi. S'il te plaît.

J'ai lâché sa main pour saisir son visage.

— Tout va s'arranger. Notre seul problème, c'est ton père.

Il a hoché lentement la tête en fuyant un instant mon regard.

— On en a parlé avec ta mère. Puisqu'ils ne sont pas mariés... ça devrait aller. Elle doit réfléchir. Tu sais que ce n'est pas facile.

— Oui. Merci Léonard, je... je ne savais pas.

— Je veux faire tout ce que je peux pour vous.

— Et nous, on compte pour du beurre ?

— Et nous, ai-je confirmé avec un sourire.

En bas, mon père s'est mis à ronfler. J'ai embrassé Andrew en vitesse, timide. Celui-ci a répondu par un sourire.

— On appelle Karen demain, d'accord ? ai-je soufflé.

Il a approuvé d'un signe de tête avant de se pencher, à son tour, vers mes lèvres désireuses.

Ne surtout pas perdre espoir. Jamais.

Les pièces de théâtre ne se lisent pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant