Le soir même, nous avons décidé d'écouter Karen. Alors, nous avons quitté la maison confortable des Maxwell pour goûter à la fraicheur d'une nuit d'été londonienne. Andrew nous a emmenés sur les bords de la Tamise, dans le quartier de Chelsea. Si le fleuve à notre droite était dépourvu d'animation, la route que nous longions l'était davantage. Je comprenais pourquoi le blond avait décidé de venir ici ; rares étaient les passants. Nous nous sommes tus un instant, après s'être plongés dans un énième débat concernant le théâtre. J'ai levé les yeux vers les hauts bâtiments qui nous surplombaient, immenses, sur lesquels s'étendaient les ombres des multiples lampadaires. En briques rouges étaient-ils, je leur trouvais un charme particulier. Cette uniformité s'étendait jusqu'au bout de Chelsea Embankment, d'après Andrew. Il arrivait qu'un bus apparaisse, et même quelques voitures, mais rien de ça ne semblait perturber le garçon que j'aimais. Il devait craindre la foule, ou la solitude. Je me demandais si ma présence calmait son esprit. Peut-être.
— Regarde à gauche, a-t-il murmuré en posant sa main chaude sur mon épaule.
J'ai tourné la tête.
— C'est le Chelsea Physic Garden. C'est dommage que tu ne puisses pas en voir la beauté maintenant. Il faut absolument que je t'y emmène une fois.
J'ai souri en regardant la grille noire qui laissait entrevoir des dizaines de haies avant de me tourner vers Andrew. Ce dernier affichait un air apaisé et il était encore plus beau. En rentrant de la sortie de l'après-midi, il avait pris une douche et changé ses vêtements. Alors il sentait encore plus la vanille, et j'aimais ça. Il avait revêtu un jean large et un pull léger. En l'observant j'ai eu envie de passer mes mains en dessous. J'espérais en avoir l'occasion avant que Connor revienne ; je ne savais pas comment on allait faire. Mais ce dont j'étais certain, c'est que je voulais profiter de cette soirée avec le garçon dont j'étais amoureux comme si c'était la dernière qu'il me restait à vivre.
Nous avons repris l'avancée lente et quasiment silencieuse. Au loin, nous entendions des moteurs et parfois des sirènes. Mais tout ça ne comptait pas, ce n'était pas dans l'espace qui semblait n'appartenir qu'à nous. J'ai soudain eu l'envie de tourner à gauche, pour changer. C'est ce que nous avons fait, avant de nous engager sur Paradise Walk. Le nom sonnait bien, et collait à la soirée que nous étions en train de passer. Mais j'ai fini par découvrir un rue sombre et étroite, plongée dans une obscurité inquiétante. Les maisons se ressemblaient toutes : des murs de briques claires, une porte un peu enfoncée et des fenêtres carrées. Rien à voir avec le charme de Chelsea Embankment. Cependant, nous y étions à présent alors il fallait faire avec ; je me rassurais en pensant que le chemin n'était pas éternel. Au moment où j'ai aperçu la rue suivante – nous n'y étions plus qu'à une petite dizaine de mètres – une apostrophe masculine et agressive nous a surpris, Andrew et moi. Elle venait de derrière, alors nous nous sommes retournés en se lançant un regard confus au passage. C'était un garçon de notre âge, seul. Il venait d'un pas rapide à nous. Déterminé. Que voulait-il ? Des questions ont fusé, dans ma tête.
— Un problème ? ai-je lancé.
Il n'était plus qu'à cinq mètres, plus ou moins.
— C'est pas à toi, que j'veux parler. C'est à Andrew.
Ce dernier s'est immédiatement raidi, il serrait la mâchoire et les poings.
— Qu'est-ce que tu veux ? a-t-il marmonné.
— Parle plus fort, tapette. T'as peur de moi ou quoi ?
Le visage de l'inconnu s'est révélé à la lumière d'un lampadaire, sous lequel il s'est arrêté. C'était à deux mètres de nous ; je n'allais pas avoir à courir pour lui en foutre une. Mon cœur battait à mille à l'heure mais il ne fallait pas que ça se fasse voir.
— Jim, casse-toi, a-t-il répondu, plus fort.
Le personnage, un gars maigrelet aux cheveux blonds et à l'allure de bourge, a croisé les bras et plissé les yeux pour se donner un air malin. C'était juste un gros con.
— Hum, non. C'est ton nouveau mec ? Noah t'a laissé en plan ?
Mes joues ont commencé à brûler. C'était à cause d'un connard en son genre qu'Andrew avait le cœur mutilé depuis deux ans. D'un coup, je me suis rué vers lui pour lui agripper fermement le col de son polo Ralph Lauren rose. Ma respiration se faisait de plus en plus forte. Ce Jim me mettait hors de moi. Derrière, Andrew m'a appelé. Pour la première fois, je ne l'ai pas écouté. Je voulais régler ça moi-même, bien que ce n'était pas dans mes habitudes de réagir de la sorte.
— Ferme ta gueule, et casse-toi. C'est compliqué à comprendre ?
Son visage si près du mien me dégoûtait.
— Ton mec ne sait toujours pas se défendre lui-même ? a-t-il sifflé. Désespé...
Je lui en ai collé une dans le ventre pour le couper. Ca a fonctionné, puisqu'il a commencé à tousser fort. Après, je suis allé rejoindre Andrew et lui ai dit qu'on s'en allait. Mais il n'a pas fallu dix secondes à Jim pour nous rattraper à nouveau. Il m'a agrippé le bras droit pour que je me retourne. Et le gros porc m'a craché dessus.
Du moins, il a tenté. Sa bave a coulé le long de son menton.
— On reparlera de cette histoire de virilité. A la prochaine, Jim.
Puis nous sommes partis, le laissant en plan dans sa honte. J'étais satisfait.
***
Étrangement, j'adore ce chapitre ;)
A bientôt,Faustine
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Les pièces de théâtre ne se lisent pas
عاطفيةQuand il apprend avoir obtenu le bac avec mention, Léonard est fou de joie. Il peut enfin réaliser son rêve : partir un mois à Londres dans une famille d'accueil. C'est ce que lui avaient promis ses parents. Parler anglais, c'est sa motivation. De...