Chapitre 3

10.7K 522 35
                                    

_ C'est bon j'arrive ! Beuglais-je de mon lit, furieux d'être tiré de mon sommeil alors qu'hier nous avions fêté le non-lieu d'Alvaro, non-lieu obtenu par James Morgan notre ténor du barreau. Alvaro avait fait des siennes. Il avait encore envoyé bouler deux flics lors d'un simple contrôle de routine. Il est vrai que le club est  surveillé de près ces derniers temps. Et pour Alvaro ce n'est pas toujours facile de rester zen, et puis pour être honnête, il aime faire marcher les flics. Mais visiblement ces derniers n'ont pas le même sens de l'humour que lui. A la décharge du policier, Alvaro s'était un peu lâché, quinze jours d'arrêt pour le flic en question. Mais quand je lui ai demandé ce qu'il s'était passé. Il m'a répondu juste une discussion un peu . . . sportive en se marrant. Enfin Morgan est un bon avocat et avait réussi à trouver la faille dans l'arrestation d'Alvaro, lui évitant la case prison.

J'arrive devant ma porte d'entrée en finissant d'enfiler mon tee-shirt. Je l'ouvre en maugréant et me trouve nez à nez avec mon père.

_ Tu pouvais pas utiliser ta clé si tu avais besoin d'un truc. On n'est pas tous insomniaques. Bordel t'as vu l'heure, m'agaçais-je un peu plus en voyant que c'est lui. Surtout qu'il sait que je déteste qu'on me réveille pour rien.

Il entre placide comme à son habitude, passe sur le côté sans dire un mot. Cette attitude calme et détaché avait été sa marque de fabrique. Ce n'est pas un grand bavard mais en l'observant bien son comportement me semble bizarre sans vraiment savoir pourquoi. Il y a un truc qui cloche mais quoi. Pour l'instant, il me faut un café, que je me prépare en lui tournant le dos. Même si j'essaie de rester calme, le fait qu'il débarque à onze heures alors que je suis rentré à sept heures, et qu'il ne me dise pas pourquoi il est là commence à doucement mais sûrement me mettre les nerfs.

_ Bon tu es pas là pour une visite de courtoisie ? Y a un problème au club ? Demandais-je sans le regarder. Mon père est le fondateur du club même s'il ne siège plus dans le cercle. Et s'il est bien connu pour quelque chose, c'est qu'il n'a pas l'habitude de parler pour ne rien dire. Et que s'il se déplace, c'est qu'il y a un truc grave.  

Je finis par me retourner vers lui avec ma tasse à café toujours à la main quand je remarque qu'il  a les yeux rouges . . . comme si . . . comme s'il avait pleuré. Ce que je peine à croire car même quand on avait enterré ma mère, qu'il adorait plus que tout, il n'avait pas versé une seule larme.

_ Tu vas me dire ce qui va pas, essayais-je de dire fermement alors que ma voix traduit juste l'angoisse qui monte sournoisement en moi.

Toujours sans dire un mot, mon père s'approche de moi, me prend la tasse des mains et la pose sur le plan de travail avant de me serrer dans ses bras. Sa prise se resserre autour de moi comme s'il veut me contraindre, puis il commence à chuchoter à mon oreille.

Mon cerveau entend ce que mon père me dit mais l'intègre difficilement tant la douleur que je ressens est forte. Des images horribles sur ce qu'elle avait vécu s'imposent à moi. Je finis alors par m'effondrer dans les bras de mon père. Ma bouche s'ouvre pour crier mais aucun son ne sort. Même si elle était partie il y a dix-sept ans, je n'avais pas cesser une minute de l'aimer. Je comprends alors mieux pourquoi mon père avait voulu me l'annoncer avant que j'arrive au club. 

Je ne sais plus vraiment combien de temps je reste assis par terre, le dos contre un des meubles de cuisine, mon père à mes côtés. Quand Lisa était partie avec la petite, j'avais eu le cœur brisé mais j'avais fini par l'accepter. Ma mère était morte sous mes yeux suite à un règlement de compte quand j'avais huit ans. Alors même si je n'ai pas pardonné sa décision et la séparation qu'elle nous imposait. J'ai compris pourquoi elle a pris cette décision pour le moins radicale. Mais cela n'a au final servi à rien car elle est morte. 

Je me redresse et tends la main à mon père pour l'aider. Il râle dans sa barbe mais accepte. C'est qu'il est plus tout jeune l'animal même si c'est un sacré motard et un tireur hors paire.

_ Tu comptes faire quoi fiston ? 

_ Protéger ma fille. Et venger sa mère une fois que je saurai ce qu'il s'est passé, lui répondis-je d'une voix blanche. 

_ C'est toi le patron, termine-t-il en se dirigeant vers la porte. Puis avant de la franchir, il se retourne et reprend

_ Tu vas dire quoi au club ?

_ Le minimum pour l'instant. On récupère Cat dans tous les cas. Car tant que je ne sais pas ce qui s'est passé, je la veux sous protection. Pour le reste, chaque chose en son temps. On doit régler certaines affaires avant, dis-je calmement. Je redeviens maître de moi et le Président du club . Je me  dois de garder la tête froide et de faire les choses dans l'ordre. 

J'avale mon café devenu froid, prend une douche et avant de m'habiller j'envoie un message à Alvaro. On a du boulot et pas mal de choses à remettre en ordre. Alvaro a répondu dans la seconde, je lui ai demandé de réunir le cercle restreint au Bar dans trente minutes. Ce type a un foutu caractère mais c'est un mec sur lequel on peut compter en toute circonstance. Je pense, non je suis certain que le club passe avant tout pour lui. Et c'est en partie pour cela que j'en avais fait mon second en le nommant Vice-Président. 


Susan m'a ramenée chez moi et bizarrement la seule chose à laquelle je pensais. C'était mon vélo qui était resté à la fac. Je n'arrive plus à pleurer. Je me sens totalement vide de tout et las. Je ne sais pas comment va se passer la suite, les funérailles, la maison, . . . Susan voudrait que j'aille dormir chez elle mais je ne veux pas, je ne peux pas. Je ne veux pas quitter la maison, car c'est la seule chose qui me relie encore à elle. 

Arrivée à la maison, mes pas me conduisent dans la chambre de ma mère. J'entends Susan avoir une discussion animée dans le salon. Je n'écoute pas, après tout ce ne sont pas mes affaires. Sans réfléchir, j'ouvre sa penderie et passe ma main sur ses vêtements, me rappelant ainsi les occasions où elle les avait portés. Mais aussi le fait qu'elle ne les portera plus jamais.

_ Qu'est-ce que tu fais ? Me demande gentiment Susan avant de reprendre la gorge serrée. Tu sais on peut choisir la tenue pour la cérémonie demain. Tu devrais te reposer un peu ma jolie.

Moi j'avais perdu ma mère et elle sa meilleure amie. Me concentrer sur la peine de Susan me permet un instant d'occulter la mienne même juste un instant. 

_ Oui tu as raison, lui répondis-je avec une voix qui ne m'était pas familière.

On se regarde quelques instants puis elle me tend la main et m'invite à m'asseoir avec elle sur le bout du lit. Elle inspire longuement puis expire doucement avant de me mettre une enveloppe dans les mains. 

_ Je ne sais pas ce qu'il y a dedans. Ta mère m'a juste fait promettre de te la remettre s'il devait lui arriver quelque chose. C'est comme si elle avait toujours su, poursuit-elle en baissant la voix. Tu veux probablement être seule pour la lire, termine-t-elle en se levant avant de quitter la pièce.

Je me retrouve de nouveau seule avec entre les mains les derniers mots que je lirai d'elle. Je ne sais pas quoi faire. Mes larmes, que je croyais taries, contre toute attente recommencent de nouveau à me brouiller la vue. La fatigue et les émotions de la journée m'assomment. Je finis par m'endormir en pleurant sur son lit, cette enveloppe toujours fermée entre mes mains.







TEARS, WEAPONS AND BLOODOù les histoires vivent. Découvrez maintenant