Lui et moi restons l'un en face de l'autre sans bouger. Mes yeux bleus sondant le brun des siens. Cet homme est un inconnu pour moi. Pourtant il me semble familier. Et c'est sans doute cela le plus étrange. C'est Susan qui finit par rompre ce moment, qui n'a probablement pas durer plus de quelques secondes.
_ Euh pardon, Vous êtes ? redemande Susan comme si elle n'avait pas entendu ou assimilé ce que je venais de dire.
L'homme en face de moi quitte enfin mon regard et se tourne doucement vers Susan qui se tient désormais à la porte, pour rester debout. Il est vrai que quand on a connu ma mère, on a clairement du mal à l'imaginer avec un biker. Et l'homme qui se tient devant nous, est l'archétype même du biker, jean, cuir, bottes, moto, tout y est.
_ Jake O'Connell. Je suis le mari de Lisa et le père de Catriona, reprend-t-il posément alors que Susan fait simplement non de la tête comme si elle n'arrivait toujours pas à croire à ce qui se passait sous ses yeux.
Susan me regarde prête à lui fermer la porte au nez. Elle attend juste mon approbation quand ses yeux finissent par se porter sur la lettre que je tiens encore dans ma main.
_ Cat, finit-elle par me dire, c'est . . . c'est vrai ? Reprend-t-elle.
J'acquiesce incapable de faire plus. Susan se décale pour le laisser entrer avant de dire simplement.
_ Bien, je vais dire que tu es fatiguée et leur demander à tous de partir.
Puis elle se dirige vers le salon non sans quelques regards en arrière comme si elle ne croyait toujours pas ce qui venait de se passer sous ses yeux.
C'est mon père qui reprend la parole en premier quand Susan s'est suffisamment éloignée.
_ Est-ce que . . . enfin . . . je peux entrer ? Finit-il par me demander des plus poliment. Son timbre doux et chaleureux me semble familier mais c'est impossible car je ne le connais pas.
_ Oui, dis-je en me décalant à mon tour.
Je le vois se retourner vers le blond qui les accompagne et son visage change du tout au tout. Ce dernier répond d'un signe de tête et semble comprendre ce qu'il doit faire alors que mon père n'a pas prononcé le moindre mot. L'homme commence à faire le tour de la maison l'œil aux aguets accompagné du brun qui semble clairement moins à l'aise.
_ Tes amis peuvent rentrer, s'ils le souhaitent, dis-je en jeune fille bien élevée.
Sans un regard en arrière, il entre dans la maison en me remerciant de mon offre mais que ce n'est pas la peine. Je lui indique le chemin de la cuisine car au salon, Susan tente toujours de faire partir les quelques collègues et amis de ma mère venus lui rendre un dernier hommage. Je l'invite à s'asseoir à un des tabourets.
_ Vous . . . tu . . . vous enfin, commençais-je mais il me coupe aussitôt.
_ Je crois qu'on peut se tutoyer. Tu en penses quoi ?
_ Oui, tu as probablement raison, répondis-je à mon tour.
Cet homme qui est mon père, d'après le courrier de ma mère, inspire et expire doucement avant de reprendre la parole.
_ Bien que sais-tu de moi exactement ? Je crois que le plus simple est de commencer par là.
_ Rien, lui répondis-je laconique en m'appuyant contre le plan de travail.
L'homme devant moi semble vaciller un court instant et je parierai fort que ce n'est clairement pas dans ses habitudes.
_ Pour moi, tu es mort dans un accident de moto alors que maman était enceinte. Elle ne parlait jamais de toi et au fil des années, je n'ai plus posé de questions non plus.
_ Alors comment tu as su ? Me demande-t-il en essayant de reprendre le dessus.
Je lui montre la lettre de ma mère. Voyant qu'il hésite, je la lui tends et il finit par la prendre. Je ne peux pas le regarder quand il la lit. Je ne sais pas pourquoi mais cela me semble au-dessus de mes forces. Et j'ai de la chance car c'est le moment que choisit Susan pour réapparaître.
_ Cat, les derniers invités sont partis. Je dois rentrer, Mike est débordé avec les enfants. Tu . . . tu veux venir ? Me demande-t-elle.
Cette invitation est une façon polie de me soustraire à ce qui se passait et qu'elle même avait beaucoup de mal à comprendre.
_ Ça va aller Susan, lui répondis-je en la raccompagnant à la porte. Je te remercie pour tout, terminais-je en la serrant dans mes bras.
_ Alors c'est . . . c'est bien ton père ? Me redemande-t-elle.
_ Oui apparemment, lui répondis-je en lui désignant mon père en train de lire la fameuse lettre.
Elle le regarde un instant avant de poser ses mains sur mes épaules.
_ Cat, écoutes bien ce que je vais te dire. Peut importe ce qu'il se passera dans ta vie ou les décisions que tu prendras. Il y aura toujours de la place pour toi à la maison. Tu peux venir quand tu le souhaite tu seras toujours la bienvenue.
_ Pourquoi j'ai l'impression que tu me fais tes adieux ? Lui demandais-je les yeux humides car au fond de moi, je sais déjà que je vais suivre mon père. Même si cette simple idée me terrorise.
_ Ma belle, je ne pense pas qu'il soit là pour un simple bonjour de courtoisie. C'est ton père et que tu veuilles le connaitre me semble normale même si on ne sait pas d'où il sort, me dit-elle avec un sourire en se mouchant.
_ Mais je . . . je ne sais pas ce que . . . , commençais-je.
_ Catriona ma chérie, que dit ta mère dans la lettre. La connaissant, elle a du te donner des indications, reprend-t-elle sérieuse mais souriante. Je hoche la tête sachant ce qu'elle attend.
_ Alors fais le. Mike et moi, on sera toujours là pour toi quoiqu'il se passe.
_ Merci Susan, lui répétais-je en la serrant dans mes bras. Sans toi je ne sais pas si j'y serais arrivée.
_ Bon, faut vraiment que j'y aille ma belle, reprend-t-elle les yeux humides. Sinon, je risque de retrouver Mike ligoté sur une chaise, termine-t-elle en souriant. Et je dois admettre que moi aussi j'esquisse un sourire en visualisant la scène.
_ Au revoir, dis-je tristement en la voyant regarder sa voiture.
Je reste sur le pas de la porte à regarder la voiture de la meilleure amie de ma mère s'éloigner. Et pendant un bref instant, j'ai l'impression que se sont tous mes souvenirs d'enfance qui partent loin de moi avec elle. Me laissant ainsi seule face à un avenir que je ne maîtrisais pas le moins du monde.
_ Catriona, m'interpelle cet homme qui est sans nul doute mon père.
Je me retourne pour lui faire face et l'incite à poursuivre. Et là, il me lâche ce que à quoi je m'attendais mais en même temps que je redoutais depuis la lecture de la lettre de ma mère.
_ Je voudrais que tu rentres avec moi à Portland, . . . et ce dès ce soir, termine-t-il en me regardant droit dans les yeux.
Je ne dis rien, ferme la porte et me dirige vers les escaliers.
_ Catriona, tu . . ., commence-t-il avant que je ne l'interrompe.
_ Je vais faire mon sac, lui répondis-je simplement avant de monter jusqu'à ma chambre.
Une fois dans celle-ci, je sors mon sac de voyage rangé sous mon lit. Est-ce que j'allais vraiment tout plaquer et suivre cet homme qui se présente comme mon père ? En même temps quel autre choix avais-je ? Et puis c'est ce que demandait ma mère. Alors même si je n'avais pas intégré tout ce qu'il se passait. Alors j'allais suivre le conseil de ma mère. Maintenant, il fallait que je fasse rentrer dix-sept ans de souvenirs dans un simple sac de voyage.
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TEARS, WEAPONS AND BLOOD
General FictionCatriona va fêter ses 18 ans dans quelques mois. Elle partage sa vie entre le lycée, et sa mère, Lisa infirmière au Cedar Sinai de Los Angeles. Jusqu'au jour où tout son univers bascule. Un accident de voiture, de ceux qu'on ne croit arriver qu'aux...