Chapitre 1 - 2 : Virilité mal placée (Jean)

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Des pas peu délicats se firent entendre dans le couloir, allant crescendo jusqu'à ce que la porte s'ouvre et s'abatte contre le mur et qu'entre un petit blond vêtu de noir et d'un manteau rouge. Il semblait à la fois énervé et content d'arriver dans la pièce.

- Bon sang, c'est pas trop tôt ! s'exclama-t-il d'une voix étrangement rauque. J'ai cru que je n'arriverais jamais à trouver votre nouveau bureau ! Vous êtes vraiment planqués !

- Bonjour, Edward, répondit Kain Fuery, sans doute le militaire le plus poli de la planète.

Je ne pouvais pas m'empêcher de me demander en le voyant si, lâché sur un champ de bataille, il ne dirait bonjour aux ennemis avant de leur tirer dessus.

- Bonjour, Fuery ! fit Edward en agitant une main un peu machinale. N'empêche, j'ai tourné pendant des plombes pour vous trouver.

- C'est sûr que c'est plus grand que le QG Est, hein ? commenta Breda d'un ton joyeux.

- Alors, ta mission s'est bien passée ? demanda Fuery d'un ton curieux. C'était bien, Lacosta ?

A ces mots, l'adolescent ferma la bouche et rougit jusqu'aux oreilles. Je redressai la tête, surpris par ce nom à la fois lointain et familier.

- Lacosta, c'est pas la ville où il y a des putes et des casinos à tous les coins de rue ? demandai-je d'une voix un peu mécanique.

- Si, marmonna Edward, les joues carmin, le regard fuyant sous les rires des militaires.

- Petit coquin, tu as fait des choses intéressantes là-bas ? fit Breda en haussant les sourcils, visiblement d'humeur gauloise.

- J'ai mis sous les verrous le plus gros notable de la ville pour enlèvement, meurtre, prostitution et détournement de fonds, je pense que c'était une « chose intéressante », répondit le petit blond avec autant d'aplomb que possible, bien que ses joues n'aient pas encore retrouvé une couleur normale. Dans la foulée, ça a mis à jour la corruption du Commandant de la caserne de la ville et d'un certain nombre d'autres personnes.

- Hé bien, tu n'as pas chômé ! siffla Fuery. Je me demande toujours comment tu fais pour t'acquitter de missions pareilles.

- ...C'est le génie, voilà tout, répondit le petit blond avec un sourire à la fois prétentieux et attendrissant.

Et pour qu'il y ait des génies comme lui, il faut qu'il y ait des gens comme moi, pensai-je avec un peu d'amertume. Breda et Fuery étaient d'humeur bavarde, et Hawkeye coupa une discussion qui s'annonçait longue en posant la question fatale.

- Vous venez remettre votre rapport au Colonel, je suppose ?

Edward blêmit et porta la main à la bouche.

- Hé bien ?

- J'ai complètement oublié de le faire, murmura-t-il, mortifié.

Même les génies ont leurs faiblesses, pensai-je en retenant un sourire, réconforté de le voir faire une erreur qui prouvait qu'il restait humain malgré tout.

- Oublié ? lança la blonde en haussant un sourcil. Ce n'est pourtant pas votre genre.

- D'habitude, je le rédige dans le train, mais là...

Il jetait des coups d'œil alentours comme un animal pris au piège, se frottant machinalement la nuque en bredouillant des fragments d'excuses. A ce moment-là, j'eus une sensation bizarre en le voyant, comme si quelque chose d'indéfinissable avait changé chez lui. Il tourna la tête vers Hawkeye et cette impression s'évanouit aussi soudainement qu'elle était apparue.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant