Chapitre 10 - 5 : Passage Floriane (Edward)

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Je remontai la pente, puis obliquai à gauche, cherchant où pouvait arriver le conduit d'aération. Il n'était pas si évident de faire le lien entre les plans annotés que j'avais vu tout à l'heure et les toits inclinés sur lesquels je me trouvais. Malgré tout, une fois remonté un peu plus, je repérai un élément dépassant du toit qui n'était manifestement pas une cheminée. C'était une pièce cubique au sommet fermé dont les quatre côtés étaient fendus pour laisser passer l'air.

- On dirait bien que j'ai trouvé l'aération. Par contre, c'est bien fermé, impossible d'y glisser quoi que ce soit pour l'instant.

- Ah, mince, j'aurais dû y penser ! pesta Fuery de l'autre côté.

- Ne t'inquiète pas, un coup d'alchimie et les choses seront réglées, répondis-je en claquant déjà des mains.

Quelques secondes plus tard, j'étais penché au dessus du trou, les genoux de part et d'autre du conduit, faisant glisser le fil au bout duquel pendait le micro allumé, avec des trésors de précautions.

- Il ne faut pas que le micro se cogne sur les parois, ça risquerait de l'abîmer et surtout de nous faire repérer.

- Je sais, c'est la troisième fois que tu le dis, répondis-je d'un ton un peu cassant.

Je regardais la ligne noire se perdre dans l'obscurité du conduit. Étais-je loin, ou presque en bas ? Je n'en avais aucune idée.

- Vous commencez à entendre quelque chose ?

- Oui, mais c'est très vague, impossible de comprendre quoi que ce soit pour le moment.

- Je vois, soupirai-je. Je continue la descente, mais il ne me reste plus tant de mou que ça. J'espère que ça suffira.

- Moi aussi. Le Colonel espère beaucoup des informations qu'on pourra en tirer.

Je ne savais pas quoi répondre, alors je me contentais de continuer à faire glisser le micro dans sa chute contrôlée.

- Ah ! fit la voix du petit brun dans mes oreilles.

- Quoi ?

- On entend de mieux en mieux. On est sur la bonne voie.

- Super, répondis-je en continuant à descendre le câble, de plus en plus délicatement.

S'il entendait mieux, c'est que le micro risquait de se cogner au fond, c'était le moment d'être prudent.

- On entend parfaitement, tu peux t'arrêter là. On ne va pas tenter le diable

- Ok, répondis-je, immobilisant le fil d'une main, cherchant une des pinces que Fuery avait utilisées pour me harnacher tout à l'heure.

Je sécurisai le système, puis attendis le retour de Fuery, mais seul un long silence me répondit. Les secondes s'écoulèrent avec une lenteur pesante, durant laquelle je sentis le poids de ma solitude, l'inquiétude de savoir si j'avais été démasqué par Mustang, l'air fraîchissant de la fin de journée, la culpabilité d'avoir laissé Al en plan, et surtout la peur qu'on ne puisse pas sauver les otages. Tout cela accumulé rendit vite l'attente insupportable.

- Allo, Fuery, ça va ?

- Ah, désolé Edward, j'écoutais la discussion.

- Ça donne quoi ? demandai-je d'un ton incertain.

- ... je te mets sur écoute, c'est plus simple.

Il y eut quelques sons désagréables, crépitements, sifflements, et j'entendis moi aussi le dialogue qui avait plongé tout le monde dans un profond silence.

- ... ssés, du coup, on en fait quoi ?

- Les blessés ? On s'en fout, de toute façon ils n'en réchapperont pas, alors...

- C'est pas faux.

- Ça va être du grand spectacle ! Avec ça, si on ne fait pas la une des journaux, je ne sais pas ce qui leur faut !

- Ça va être un carnage. Heureusement que nous on ne sera plus là à ce moment-là !

- Oui. Dix minutes avant l'assaut, on se casse. Tu as bien la clé du sous-sol ?

- Oui. Je ne suis pas comme tes fous de sous-fifres, je ne tiens pas à mourir pour la cause.

- Il reste combien de temps avant l'attaque ?

- Une heure vingt-trois.

- Tu crois qu'ils vont morde à l'hameçon, les militaires ?

- Ils n'auront pas d'autre choix que d'intervenir quand on va commencer à descendre les otages.

- Peut-être qu'ils se disent que c'est que du flan.

- Peut-être qu'on devrait donner l'exemple. On a qu'à sortir le libraire pour leur faire une démonstration.

- Pourquoi pas, après tout celui-là nous a donné tellement de fil à retordre... Tu n'auras qu'à dire à Bratt de lui tirer une balle dans l'épaule, histoire de montrer l'exemple.

- Ça marche, je lui dirais ça. Il sera ravi.

Un silence.

- J'ai quand même hâte que ça soit fini... ça me stresse de penser qu'on est à côté d'autant de dynamite.

- Fais pas ta princesse, c'était ton idée de tout faire sauter.

- Je sais, mais je suis un technicien, pas un combattant. Je pensais pas me retrouver là.

- C'est ça, de s'entourer de suicidaires.

- Ouais. Bon, j'ai fini de remonter le détonateur, je ramène ça dans l'entrée, et j'explique le job à Bratt. C'est un taré, mais un taré pragmatique, il n'ordonnera pas de l'actionner avant que les militaires soient entrés dans le passage.

- Faut espérer, sinon on ne sera plus que des confettis. Dans ton prochain speech, négocie Mustang. Le but, c'est de faucher le plus de militaires possible, mais si on ne doit en buter qu'un, c'est celui-là.

- Je sais, Fay, je sais.

Le bruit d'une porte qui s'ouvre et qui se ferme, laissant entendre quelques pleurs et gémissements. Puis le silence, dans lequel on entendit juste le son de quelqu'un qui se réinstalle un peu plus confortablement avant de lâcher un profond soupir.

L'attente.

Au bout de quelques minutes, je compris qu'il n'y avait personne d'autre dans la pièce et qu'on entendrait rien de plus pour le moment. J'entendis un nouveau crépitement, puis la voix de Fuery, moins enjouée que d'ordinaire, revient résonner dans mes oreilles.

- Bon, tu as entendu.

- Ouais.

- Bulter est descendu prévenir le Colonel Mustang, je vais lui faire entendre l'enregistrement. Mais une chose est sûre...

- C'est pas une bête prise d'otage... c'est un attentat-suicide.

- Oui.

- Ça change un peu les choses.

- Ah, attend, le Colonel est revenu, il faut que je repasse l'enregistrement. Je te le remets aussi.

- Ouais.

Un petit remue-ménage auditifs plus tard, j'eus de nouveau dans les oreilles le son du micro que j'avais pendu dans le conduit. D'abord les sons de voie inintelligible, puis une avance rapide, et le début de la conversation que j'avais entendu à l'instant. 

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant