Chapitre 3 - 1 : Face à face (Edward)

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Je me réveillai en sursaut en entendant quelqu'un pousser la porte en discutant. Je redressai la tête, les yeux encore collés de sommeil, et vis Breda et Havoc à l'entrée de la porte. Le plus rondouillard des militaires m'adressa un hochement de tête et un sourire pas rancunier pour un sou. En revanche, à ma vue, Havoc se figea comme un renard pris dans les phares d'une voiture. Je repensai à la discussion que j'avais eue avec Hawkeye et réalisai avec un peu de honte que je l'avais réellement traumatisé. Pour me repentir, je lui adressai un sourire aussi amical que possible en remballant mes affaires pour lui laisser son bureau.

Tandis qu'il s'asseyait à sa place avec une certaine prudence, j'empruntai le bureau de Fuery pour finir de recopier mon texte. Il ne restait que quelques lignes avant de pouvoir rendre ce précieux dossier à Mustang. Et je ne savais pas trop à quoi m'attendre de sa part. Mon tempérament optimiste penchait plus pour l'hypothèse du moqueur impitoyable. Aussi n'étais-je pas trop pressé de poser le point final. En même temps, ce foutu papier avait traîné bien trop longtemps, et tant que je ne l'aurais pas rendu, je ne serais pas libéré de ce poids.

Et puis, il faudrait se mettre à parler de sujets plus sérieux. Il y avait un combat à mener contre les Homonculus, et c'était un sujet des plus délicats à aborder. Quand j'y repensais, mes déboires physiques de ces derniers temps semblaient être bien peu de chose, même si au simple souvenir de mon réveil de cette nuit, je me sentais à nouveau assez mal. A cet instant, je saignais, et je ne pouvais rien faire d'autre qu'attendre que ça se passe et dissimuler de mon mieux le fait que je me sentais affreusement sale et que mes entrailles étaient courbaturées. Au moins, la sieste involontaire que j'avais faite après notre arrivée au bureau, à Hawkeye et moi, m'avait redonné un peu d'énergie. C'était toujours ça de gagné.

Je sentais l'incertitude dans le regard d'Havoc quand il croisait le mien, mais les autres semblaient ne rien remarquer de particulier, à mon grand soulagement. Peut-être qu'aujourd'hui, personne d'autre n'allait me découvrir. Ce serait une bonne nouvelle. Falman nous rejoignit un peu plus tard, et quand Fuery arriva à son tour, il ne me restait plus qu'une ligne de texte à écrire. Il eut la gentillesse de me laisser la finir avant de lui céder la place.

Je me retrouvai donc debout dans la pièce, au centre de l'attention bien malgré moi.

- Bon, fis-je avant de laisser planer un silence. Je vais me jeter dans la gueule du loup.

- Bonne chance, lança Fuery d'un ton encourageant.

Je pris une grande inspiration avant de toquer à la porte, me sentant la gorge serrée et la peau moite. Pourquoi étais-je aussi stressé ? Sans doute à cause de ce rapport qui pourrait devenir une ouverture pour percer mon secret.

- Entrez.

J'ouvris la poignée et passai le seuil à contrecœur, sentant l'odeur familière qui planait dans son bureau. Je ne me la rappelais pas aussi entêtante. L'homme aux cheveux noirs leva les yeux vers moi, et je vis un sourire un rien carnassier éclairer son visage à ma vue.

Et voilà, je vais me faire écharper verbalement, pensai-je en déglutissant.

- Eh bien, je me demandais si tu allais remettre les pieds dans mon bureau un jour, Fullmetal. Le rapport est prêt ?

- Le voici, répondis-je en tendant la liasse de feuilles d'un ton froid.

- J'aurais droit à un mot d'excuse pour ton petit retard ? commenta-t-il ironiquement en prenant le dossier que je lui tendais.

Je tiquai à ce mot et serrai les dents, mais ne dis rien. Je savais qu'il crevait sûrement d'envie de me voir perdre son sang-froid et lui hurler dessus. Il faut dire que jusque-là, pas une entrevue dans son bureau n'avait fait exception à la règle. Mais aujourd'hui, même si j'étais en rage, je me méfiais davantage de mon impulsivité. La leçon du duel de bouffe qui, en me rendant malade, avait conduit à ce que Havoc me découvre avait été suffisamment cuisante comme ça.

- Ou devrais-je dire oubli, n'est-ce pas ? Ce sont tes propres termes. Pas très professionnel, tout ça.

- Colonel, étant donné la complexité de la mission, j'ai eu besoin d'un délai supplémentaire pour rédiger le rapport qui...

- Complexité ou pas, il s'en est fallu de peu pour que je décide de t'empaqueter pour t'envoyer en personne à East city en me disant que ça irait plus vite. Après tout, tu dois être assez petit pour rentrer dans les dimensions autorisées pour les colis, n'est-ce pas ?

- Colonel, est-ce que vous sous-entendez que je suis un nabot qu'on pourrait envoyer par la poste ? ! dis-je d'une voix qui devenait plus forte et tremblante malgré moi.

- Je ne sous entends pas, je le dis. J'ai attendu ton travail plusieurs jours, je me suis fait harceler par Grumman, car figure-toi que ton compte-rendu est obligatoire pour procéder au jugement des vingt-six personnes actuellement en garde à vue. Je me permets d'être un peu cynique parce que ton comportement est vraiment irresponsable.

- Et quel adulte responsable envoie un ado de quinze ans enquêter au milieu des casinos et des bordels ? !

- Si cette question te taraude vraiment, tu n'auras qu'à la poser à Grumman. Personnellement, je n'ai fait qu'obéir aux ordres. Et si tu veux qu'on te respecte en tant qu'adulte, n'invoque pas ce genre d'arguments faciles.

Je m'empourprai, prêt à me mordre la langue, tandis que l'homme baissait les yeux sur son rapport pour le feuilleter, faussement indifférent à ma réaction. Je ne devais pas hurler. Je ne devais pas laisser éclater ma colère, je risquais de monter dans les aigus malgré moi et d'ajouter cela à la longue liste d'indices que je semais sur mon passage. Je repensai à la tête choquée de Havoc quand il m'avait vu sans mes bandages, et ma résolution reprit de son aplomb. Entre tous, je ne voulais pas que Roy Mustang le sache. Je ne voulais pas lui laisser d'autres points faibles.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant