Chapitre 12 - 3 : De retour (Roy)

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Je quittai la boutique à contrecœur, pour traverser les ruines, hélant les autres pour glaner des informations et distribuer des ordres. Havoc avait déjà l'appareil photo à la main pour commencer à préparer le dossier d'enquête, et son visage s'éclaira à ma vue.

Je réalisai que j'avais moi aussi pris des risques terribles, et que j'avais eu une chance insolente de m'en tirer avec une simple estafilade de balle perdue. Mais ce n'était pas tout. En voyant l'appareil entre les mains de mon subordonné, je pris conscience de la masse de paperasses qu'allait apporter cette affaire, et grimaçai. Autant de rapports à gérer que de militaires présents... De quoi nous occuper des journées entières. Un des militaires de l'équipe d'Armstrong accourut vers moi.

- Je peux vous aider Colonel ?

- Oui. J'ai besoin que vous apprêtiez une ambulance pour amener le Fullmetal Alchemist à l'hôpital du bois Nivert.

- Pourquoi n'est-il pas évacué à l'hôpital Ferrer, comme tous les autres ? s'étonna l'homme.

- Pourquoi vous vous permettez de discuter mes ordres ? renvoyai-je d'un ton froid, le visage soudainement fermé. Vous faites emmener le Fullmetal Alchemist à l'hôpital du Bois Nivert, et vous veuillez à ce qu'il soit soigné par le docteur Ross en personne, compris ?

- Ah, désolé Colonel ! Je vais y aller de suite Colonel ! répondit l'homme confus, qui me salua de nouveau en rougissant avant de se précipiter à l'entrée du passage.

- Edward est blessé ?! s'inquiéta Havoc, délaissant son travail. Je croyais qu'il était sur le toit de l'immeuble durant toute la manœuvre !

- Il a sauté dans la mêlée pour empêcher un homme de déclencher le détonateur, peu avant la fin de l'assaut, et s'est réfugié dans la librairie.

- Merde ! s'exclama-t-il. Je vais le voir !

Le grand blond détala, et s'arrêta au bout de trois pas pour ajouter:

- Je suis soulagé de vous voir en un seul morceau, Colonel !

Son aveu me surprit et me toucha plus que je le pensais. J'avais ouvert la bouche pour lui rappeler qu'il était censé travailler, mais la refermai. A quoi bon ? De toute façon, Edward allait probablement le rembarrer pour rester tranquille, et il allait revenir pour continuer à photographier les lieux. Et dans le cas contraire, les ruines n'allaient pas s'envoler.

Je me dirigeai vers la sortie du passage, au milieu d'un décor de désolation aux murs criblés de balles. Il n'y avait plus une vitre debout, les coffrages de bois étaient parsemés d'impacts ou brisés par les combats au corps à corps. Des éclaboussures de sang sur les murs coulaient et se noyaient au sol dans la poussière, les gravats et les éclats de verres. Le chemin était jonché de cadavres et de blessés auxquels d'autres portaient secours. La chaleur accumulée par la verrière faisait monter l'odeur écoeurante du champ de bataille. Mélange de poudre, de poussière et de sueur, de sang et d'entrailles, qui me projeta des années en arrière, lors des massacres d'Ishbal, et me noua l'estomac. J'arrivai dans la rue et retrouvai Hawkeye et Fuery, qui se précipitèrent vers moi.

-Vous avez des nouvelles d'Edward ? demanda immédiatement la belle blonde, me tirant de mon malaise.

- Il a l'air sonné, mais dit qu'il n'est pas gravement blessé, répondis-je.

Les deux militaires poussèrent un soupir de soulagement à l'unisson. Forcément, ils avaient eu de quoi s'inquiéter en perdant brutalement le contact ou en le voyant sauter. J'imaginais Fuery, criant désespérément le nom d'Edward sans recevoir de réponse, sans savoir ce qui s'était passé.

- Colonel, j'ai fait un bilan provisoire de l'opération, fit Hawkeye, professionnelle malgré ses traits encore tirés par la peur.

- J'écoute.

- Nous avons dénombré vingt-sept hommes parmi les terroristes, dont douze sont morts. Les autres sont sous contrôle, pour la plupart en train de recevoir les premiers soins.

Les soigner pour mieux les exécuter ensuite... l'armée a parfois un raisonnement qui m'échappe, pensai-je avec un soupir. Enfin s'ils sont tous hors d'état de nuire...

- Pour ce qui est des otages durant l'assaut, ils étaient quarante-huit, la plupart ont reçu des blessures légères du fait de notre mode opératoire, et sept personnes ont été reçues en urgence à l'hôpital dans un état grave. Quant à nos troupes, nous avons perdu le sergent Travis. Le pronostic vital des soldats Watson, Hodgson et Blair est engagé, et on dénombre une trentaine de blessés plus légers.

- Je vois... murmurai-je.

Je pris la feuille que me tendait Fuery et tournai la tête vers le cordon de sécurité. Une foule de reporters était sur le pied de guerre, prête à éplucher le moindre mot de ma déclaration. Je poussai un soupir.

- C'est à moi de m'y coller, hein ?

- Vous êtes le plus gradé sur l'opération, répondit simplement Hawkeye.

Je soupirai de nouveau et marchai lentement vers les harpies en lisant le contenu du rapport, tandis que la sirène des ambulances résonnait de l'autre côté de la rue. Durant les pas qui me séparaient des journalistes, les réverbères s'allumèrent, confirmant que la nuit était officiellement tombée. Je tâchai de retrouver l'expression posée et ferme que devait avoir tout personnage public.

- Colonel Mustang, pouvez-vous nous en dire plus sur ce qui s'est passé ?

- Les rumeurs parlent d'explosifs ?

- Quel est le bilan humain ?

- Que pouvez-vous dire sur les motivations des terroristes ?

Les questions et les flashs fusaient encore plus vite que les balles. Je levai la main pour capter leur attention et les empêcher de parler, puis entamai d'une voix claire.

- L'attaque du passage Floriane par le Front de Libération de l'Est est terminée. Il y avait effectivement une importante charge d'explosifs, mais grâce au travail de mon équipe, les terroristes n'ont pas pu les déclencher. Le bilan provisoire fait état de treize morts, dont douze terroristes, et le pronostic vital de nombreuses personnes est engagé. Nous avons pu éviter le pire, mais chaque mort, chaque blessé est un échec. Une enquête est d'ores et déjà prévue pour mieux comprendre les causes de ces attaques et protéger au mieux les civils.

- Quel est le nom de la treizième personne ? Est-ce un civil ou un militaire ?

- L'identification des morts est encore en cours, pour l'instant, nous pouvons seulement vous dire que c'était un militaire.

C'était faux, bien sûr, mais il était hors de question que ce soit la radio qui annonce aux proches du soldat Travis qu'il était mort lors de l'attaque. Une personne chargée de cette tâche allait les contacter dans l'heure à venir et tâcher de les épauler dans l'épreuve.

- Comment va se dérouler l'enquête ?

- Sera-t-il possible de prendre des photos des lieux ?

- N'y a-t-il pas un risque pour les boutiques du passage Floriane de souffrir des suites de l'attaque ?

- Afin d'éviter les fuites qui pourraient nuire à notre travail, le déroulement de l'enquête restera secret tant que le réseau ne sera pas démantelé. Aucune photographie civile ne sera autorisée tant que les blessés ne seront pas tous évacués et la zone totalement sécurisée. Les démineurs sont actuellement au travail, en équipe avec les photographes de l'armée. Pour obtenir des photographies des lieux, il faudra contacter le bureau des enquêtes pour obtenir une copie de certaines de ces photos et une autorisation de publication, ou faire une demande à la préfecture pour venir sur les lieux sous escorte.

Je repris mon souffle et continuai.

- Ces règles sont bien sûr essentielles pour la préservation de votre sécurité et le bon déroulement de l'enquête. Une fois l'investigation sur les lieux terminée, l'État prendra en charge les frais de restauration du passage Floriane. L'impact économique est plus difficile à mesurer, mais des dispositifs de protection pourront être mis en place à la demande des propriétaires des lieux afin que leurs clients puissent revenir en toute sécurité.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant