Chapitre 12 - 2 : De retour (Roy)

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Au milieu de la panique des otages, bousculé dans les gravats, je sentis quelqu'un détacher mes liens et je me lançai au combat sans attendre. Avec la foule désorganisée, la poussière et les explosifs, il était hors de question que j'utilise mes pouvoirs alchimiques. J'assommai donc un des terroristes par derrière et récupérai son arme. 

Pendant que l'équipe d'Armstrong, qui avait emprisonné les terroristes fuyards quelques minutes plus tôt, évacuait les otages par le sous-sol, dirigeant les valides, portants les blessés, leur chef et une poignée d'autres avaient ouvert un tir nourri sur les terroristes, qui étaient pris en tenaille entre les militaires qui investissaient le passage et ceux qui les avaient attaqués par le sous-sol. Au milieu de tout ça, quelques coups de fusil d'une précision redoutable abattaient un terroriste ici ou là. Hawkeye avait vraiment du talent.

Escaladant les gravats tout en les utilisant comme protection contre les balles qui ricochaient de toutes parts, je remontai le gouffre pour me lancer dans la mêlée. La mitraillette que j'avais dans les mains était lourde et peu maniable, moi qui n'étais pas doué avec les armes à feu, je comprenais les difficultés de nos ennemis à répliquer efficacement.

Je m'appliquai à couvrir les civils en visant toute personne qui faisait mine de vouloir s'attaquer à eux. L'arme, peu précise mais brutale, était bien suffisante pour les dissuader. Je tournai la tête vers l'entrée du passage, et vis le détonateur, fixé au chambranle de la porte. Je vis aussi un homme, plaqué contre la vitrine d'en face, en train de le fixer, les yeux exorbités.

Je compris aussitôt qu'il allait tout tenter pour nous faire exploser, et pestai en essayant d'orienter la mitraillette qui se coinça dans les gravats, alors que le terroriste s'était déjà lancé au milieu des balles. Je sentis le sang refluer de mon visage, je n'aurais pas le temps d'ajuster le tir, il était déjà trop tard.

À ce moment-là, une silhouette habillée de rouge surgit comme un boulet de canon tombé du ciel, s'écrasa sur l'homme. Emporté par son élan, ils roulèrent tous les deux jusqu'à la devanture de la librairie, qui s'ébranla sous le choc.

Mon cœur rata un battement. Nous étions sauvés.

Mais lui ?

Je serrai la mâchoire, guettant un mouvement de sa part entre deux tirs, bien plus angoissé que je ne pouvais me l'avouer. J'avais senti des bandages à travers ses vêtements en le tirant en arrière, à croire que Barry le Boucher l'avais plus amoché que je le pensais. Était-il encore blessé ? Je n'avais pas eu le temps de lui poser cette question avant l'assaut... maintenant je n'étais pas sûr de pouvoir la lui poser du tout.

J'entendis vaguement son cri à travers les coups de feu, et le vis ramper à l'intérieur de la boutique pour se protéger. Je lâchai un soupir de soulagement. Il semblait mal en point... mais qui ne le serait pas après une chute de trois étages ? Au moins, il était vivant.

Je repris mon ascension, neutralisai un terroriste qui ne m'avait pas vu en lui tirant dans la jambe. Nous avions pris le dessus, la victoire ne faisait maintenant plus de doute. Il ne restait plus que quelques hommes qui reculaient face aux tirs nourris des militaires, la fin était imminente.

Un mouvement capta mon attention dans la boutique d'en face. J'entrevis des mains, des coudes, comme si quelqu'un se débattait. Il y avait un autre combat qui se jouait dans la librairie, un combat à main nues qui impliquait Edward.

J'attrapai la mitraillette à bras le corps et bondis vers le passage, entendant à côté de moi les cris des derniers résistants qui venaient d'être plaqués au sol ou tués par des militaires. En entrant dans la librairie, je vis l'homme au mégaphone dans la pénombre du magasin, pesant de tout son poids sur Edward, en train de l'étrangler.

Il se prit instantanément trois balles de mitraillette dans les côtes, presque à bout portant, et s'effondra, mort. Après une seconde de stupéfaction, le petit blond lâcha un couinement qui m'aurait paru ridicule à n'importe quel autre moment, repoussa l'ennemi dans un dégoût fébrile, faisant tomber le corps à côté de lui dans un bruit mou, et leva vers moi des yeux brouillés, hoquetant douloureusement.

Il était couvert de sang et de poussière, les vêtements déchiquetés par les éclats de verre, tremblant de tous ses membres, la respiration chaotique, le regard trouble, l'air terrorisé. Quelques larmes éparses avaient tracé de fins sillons dans la saleté qui couvrait ses joues, et son regard semblait me traverser sans parvenir à se fixer sur moi, comme s'il était trop bouleversé pour me reconnaître.

- Ça va ?

Il déglutit péniblement et hocha la tête sans ouvrir la bouche, puis se recroquevilla contre le mur, serrant ses genoux contre sa poitrine, peinant encore à respirer correctement. Je lisais dans ces yeux écarquillés qu'il était en état de choc. En même temps, comment lui en vouloir ? Il avait failli mourir au moins deux fois à quelques minutes d'intervalle.

Après avoir baissé mon arme, je fis quelques pas et posai un genou à terre pour me rapprocher de lui.

- Edward, c'est fini. On a gagné.

Il poussa un long soupir tremblant, et laissa sa tête basculer en arrière, fermant les yeux. Je vis sur sa joue gauche une spectaculaire entaille, sans doute laissée par un éclat de la verrière, qui saignait abondamment et coulait jusque sur sa gorge. Il aurait pu perdre un œil, il aurait pu se tuer... Ses vêtements étaient couverts de déchirures ensanglantées. Dire que je l'avais envoyé sur les toits pour le garder à l'écart de l'assaut !

La pression retombant, je sentis à mon tour une douleur vive et portai ma main au bras gauche. Une balle m'avait un peu trop approché et du sang suintait sur mon uniforme. J'allais devoir être soigné... mais c'était moins urgent que lui.

- Tu es salement amoché, commentai-je. Les secours sont en train d'évacuer la zone, ils vont bientôt s'occuper de toi.

- Je veux... commença-t-il dans un murmure épuisé. Je veux être soigné par le docteur Ross, du service d'urgence de l'hôpital du bois Nivert.

- Mais il est beaucoup trop loin ! Il vaut mieux qu'on t'emmène à l'hôpital le plus proche pour que tu sois pris en charge le plus vite possible.

- Non, Colonel, ça va... mon état n'est pas si grave, souffla-t-il en se tournant vers moi avec un vague sourire. Je suis juste... un peu... sonné.

- Tu parles, tu arrives à peine à aligner deux mots, commentai-je, les dents serrées.

- S'il vous plaît, Colonel, murmura-t-il d'un ton presque suppliant. C'est important pour moi...

Je ne comprenais pas pourquoi il s'entêtait à vouloir aller là-bas, mais il prenait ça tellement à cœur... Et je ne me voyais pas refuser cette requête à quelqu'un qui nous avait tous sauvé la vie quelques minutes plus tôt.

- Bon, ok, je vais prévenir l'équipe des secours qu'il faut t'emmener là-bas, lâchai-je en désespoir de cause.

- Merci, répondit-il en m'adressant un faible sourire, dont la sincérité me bouleversa sans que je sache trop pourquoi.

J'étais tenté de passer une main rassurante sur son front, mais je sentais qu'après sa chute et l'agression qu'il venait de vivre, ce n'était pas une bonne idée... Je me relevai et époussetai mon uniforme.

- Il faut que je retourne gérer l'organisation. Tu te sens de rester seul ici en attendant les secours ?

- Oui.

- Si tu as un problème, il y a des soldats juste à côté.

- Ça me va, répondit-il d'une voix presque apaisée, fermant les yeux.

La panique semblait être passée, le laissant juste épuisé. Il fallut me forcer à revenir sur mes pas pour passer à la suite des opérations. En tant que chef, je ne pouvais pas me permettre à rester parler avec lui trop longtemps alors que les choses étaient loin d'être terminés. 

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant