Hawkeye était passée visiter le Colonel avant d'arriver au travail, et mon frère et moi, après avoir fait faire une longue promenade à Black Hayatte, étions arrivés avant elle dans le bureau, retrouvant le reste de l'équipe. Effectivement, en l'absence de leurs supérieurs, Havoc, Breda et Fuery, et même Falman étaient de sacrés cossards. En poussant la porte, un cri étouffé nous accueillit.
- Vite, Havoc !
En entrant, je vis le grand blond tenter de cacher précipitamment ce qui se trouvait sur son bureau. Dans son geste maladroit, l'un des magazines s'ouvrit, laissant voir une photo de femme en petite tenue.
- Ça va, c'est juste Ed et Al, fit remarquer Fuery avec un sourire.
Tout le monde se détendit immédiatement.
- Sérieusement, les gars ? soupira Edward d'un ton profondément désabusé. Hawkeye n'est pas là, et tout ce que vous faites, c'est regarder des revues de cul ? Vous n'êtes pas censés bosser, là ?
- C'est bon, Ed, fais pas ton rabat-joie, on est entre mecs, on peut bien rigoler un peu ! répondit Breda d'un ton un peu potache. T'inquiètes pas, on te laisse voir, si tu veux !
- Ça m'intéresse pas, répondit mon frère d'un ton froid tout en rougissant jusqu'aux oreilles.
La situation avait de quoi le mettre mal à l'aise. Havoc savait que, pour mon frère coincé dans son corps de fille, la proposition de Breda était quelque part entre l'embarrassant et l'humiliant, mais pour les autres, sa réaction était juste décevante.
Et moi, j'en avais un peu honte, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir un peu curieux. J'étais partagé entre l'envie de rejoindre mon frère qui s'était installé dans le coin le plus à l'écart du bureau et avait attrapé un journal qui traînait pour le lire, et celui de me joindre au groupe de militaires qui avait déjà ressorti les revues. En fait, j'étais TRÈS curieux.
- Et moi, je peux voir ? demandai-je en rougissant.
Les militaires relevèrent la tête et ouvrirent des yeux ronds, et j'entendis le froissement du papier journal que mon frère avait baissé pour me regarder d'un air presque choqué. Il y eut un silence épaté, où les militaires semblaient coincés entre l'admiration et la gêne. Je réalisai qu'à dix ans, pour eux, j'étais un gamin, et qu'ils n'étaient pas sûrs de pouvoir accepter. Leur regard glissa vers Edward, demandant implicitement son avis. Il réalisa qu'il était de nouveau au centre de l'attention, et se mit à rougir de plus en plus, gêné et furieux à la fois.
- Oh et puis merde, s'il a envie, marmonna-t-il en replongeant le nez dans son journal. Faites ce que vous voulez.
Je m'approchai du bureau d'Havoc et des autres adultes qui me lançaient des coups d'œil goguenards et complices. Je réalisai que de manière improbable, j'avais gagné des points aux yeux de l'équipe avec ma requête saugrenue. Ce n'était pas la raison pour laquelle j'avais posé la question, et à l'idée de pouvoir voir des femmes nues ou presque, mon imaginaire inexpérimenté s'échauffait déjà. Malheureusement, la porte s'ouvrit brutalement, laissant passer une Hawkeye encore plus inflexible que d'habitude, et mes espoirs furent déçus. Les magazines retombèrent dans le tiroir du bureau d'Havoc pour ne plus en ressortir.
- Havoc, Edward, j'ai vu le Colonel ce matin, il soupçonne le Front de Libération de l'Est d'avoir une taupe dans le QG de Central, et donc, le transfert d'être la cible d'une nouvelle attaque. Il a ordonné d'avancer le départ de quatre heures et de changer d'itinéraire.
- Quoi ? ! s'exclama Havoc.
- En changeant le programme au dernier moment, on coupe court à toute attaque planifiée.
- On coupe court à toute planification tout court !
Je tournai la tête vers Edward, ne sachant pas quoi penser de l'annonce. J'avais vu Edward se faire ballotter de mission en mission, alors ce revirement de dernière minute ne m'étonnait pas vraiment de la part de son supérieur. Mon frère scrutait attentivement Hawkeye, la jaugeant manifestement.
C'est vrai... Les Homonculus, les terroristes... il faut se méfier de tout.
- Bon, ben allons-y ! répondit mon frère, posant le journal et reprenant sa besace.
- Quoi ? Mais... bredouilla-t-il d'un ton un peu déçu.
- Ne t'inquiète pas, lança Breda d'un ton solennel en lui posant une main sur l'épaule. On va s'occuper de tes dossiers en ton absence.
Je crois qu'il y a un sous-entendu dans cette phrase, pensai-je avec hésitation en repensant aux revues érotiques que le militaire avait dissimulé dans le tiroir de son bureau.
.oOo.
C'est ainsi que je me retrouvai embarqué dans ma première mission au sein de l'armée. Nous étions tous les quatre allés au bureau où étaient les subordonnés que le Colonel avait désignés pour la mission, arrachant les militaires à leurs dossiers. Hawkeye nous accompagna jusqu'à la prison où elle présenta un papier signé de la main de Mustang stipulant que le transfert devait avoir lieu en avance. La présence d'Edward, son autorité naturelle et l'aval de son supérieur eurent raison de la méfiance des gardiens, et peu de temps après, Bald nous fut livré, les pieds menottés, un bras plié et couvert de cordes. Je réalisai alors qu'il était manchot.
- Ou est son automail ? demanda Edward.
- Il est là, dans la valise, expliqua l'un des gardiens. Il passait son temps à essayer de nous tuer avec, alors on a fini par le lui retirer.
Edward hocha la tête d'un air compréhensif, mais posa la valise sur la table pour l'ouvrir. Il y trouva un bras métallique qui tenait plus de l'arme que de la prothèse, le souleva, le plia pour l'observer soigneusement sous toutes les coutures, démonta le support pour vérifier qu'il n'y avait rien d'autre que l'automail dans la valise, sous l'œil noir du prisonnier. Puis il chargea de nouveau la mallette et la referma, avant de me la tendre.
- Tiens, Alphonse, je te confie ça.
Tout le monde sembla surpris, à juste titre, de le voir confier un objet aussi important à un enfant. Mais je pris la valise avec une expression résolue, touché qu'il me donne une responsabilité digne de ce nom, en public en plus. Il avait pris en compte ce que je lui avais dit l'autre jour... je n'avais plus qu'à être à la hauteur.
C'est entouré d'une sévère escorte que le terroriste fut amené jusqu'à la voiture. Havoc le fit entrer dans la fourgonnette. Havoc et l'un des militaires que ne connaissais pas s'installèrent à l'avant, et tous les autres, moi y compris, rejoignirent le prisonnier à l'arrière. L'ambiance était assez sévère, entre la haine qui perçait le regard de Bald et la tension des militaires prêts à lui sauter au cou à la moindre incartade. Seule Hawkeye restée hors du fourgeon, semblait être épargnée par cette tension. Elle se retourna en faisant claquer ses talons dans un réflexe de salut militaire.
- Le Colonel m'avait demandé de vous accompagner au lancement de la mission, mais partir de là, je pense que vous pouvez vous débrouiller sans moi. Edward, je te confie l'ordre, lança-t-elle en lui tendant le papier officiel. Quant à vous, n'oubliez pas qu'en qualité d'Alchimiste d'Etat, Edward Elric a un grade équivalent à celui de Commandant. Ne vous avisez pas de disputer ses ordres.
Les hommes firent un salut militaire à Hawkeye avant qu'elle referme le véhicule. Jean Havoc se proposa pour reprendre le volant, et le trajet s'engagea ainsi. J'étais assis, presque pelotonné à côté de mon frère, couvant la mallette que j'avais sur les genoux. Dans le silence pesant du fourgon, je compris assez rapidement que le trajet promettait d'être long et ennuyeux.
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Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-city
FanfictionAprès sa tumultueuse mission à Lacosta, Edward est de retour à Central ou il espère pouvoir prendre un peu de repos avant de retrouver son frère. Seulement, entre la curiosité de l'équipe de Roy Mustang, les ennemis sortant de l'ombre et les secrets...