Chapitre 4 - 5 : Des jours nostalgiques (Alphonse)

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Je restai morose toute la matinée. Le temps s'était couvert dans la nuit et ne se prêtait plus trop à des promenades à l'extérieur. Winry était toujours aussi irascible, Pinako se passait toujours aussi parfaitement bien de moi, et moi, je découvrais toujours plus en détail ce sentiment que la présence permanente de mon frère m'avait empêché de connaître : le désœuvrement de l'enfant livré à lui-même. Et finalement, comme le font bien des enfants s'ennuyant un jour de pluie, j'avais atterri dans le seul endroit de la maison que je ne connaissais pas par cœur : le grenier.

J'avais fini par monter l'échelle et détacher le loquet qui fermait la trappe avant de la pousser dans un gros grincement. Je m'étais ensuite faufilé dedans avant de la refermer. La pièce était envahie de bric et de broc entassé, et le tout était recouvert de poussière, de toiles d'araignées et de crottes de chauve-souris. La pluie crépitait bruyamment sur le toit de la maison, et la lumière terne filtrait par l'unique fenêtre de l'étage, éclairant le tout en lui donnant des airs sinistres. Je jetai un regard circulaire à la pièce encombrée. Les lieux étaient un peu lugubres, mais au moins j'avais de quoi m'occuper quelques heures en étudiant son contenu.

Je commençai par fureter, passant entre les cartons, découvrant une rangée d'étagères tout au fond de la pièce ou étaient entreposés de nombreux livres. Je frottai les dos et penchai la tête pour voir leurs titres, et découvris essentiellement des livres de médecine. Je supposai que c'était la bibliothèque des parents de Winry, qui étaient morts lors de la guerre d'Ishbal.

Cela pourrait me faire de la lecture. Je continuai mes recherches, ouvrant les cartons qui contenaient les cours d'école de Winry, dont je reconnaissais l'écriture tout en rondeur, ainsi que des notes soigneuses de procédés médicaux, sûrement celles de son père. Je les feuilletai, me surprenant à lire certaines pages avec attention, mais bien incapable de comprendre tout ce qui y était dit. Un peu plus loin, il y avait aussi des plans d'automails annotés et archivés, ainsi que des pièces abîmées qui avaient été stockées dans une boîte, sans doute dans l'intention d'être réutilisées.

Je forçai un peu pour ouvrir une malle dont la poignée avait rouillé, la dernière chose que je n'avais pas fouillée dans ce coin-là. Quand elle s'ouvrit, je découvris, un peu déçu, qu'elle contenait simplement des vêtements, et un petit sachet de lavande complètement décoloré par les ans. Mais cette déception s'arrêta quand je reconnu le vêtement qui se trouvait sur le dessus. Je le dépliai pour m'en assurer, confirmant mon impression. J'avais déjà vu cette robe : Maman la portait sur la photo qui était accrochée dans le salon quand j'étais enfant.

- Des affaires de Maman ? Qu'est-ce qu'elles font là ? murmurai-je pour moi-même, fouillant un peu plus avant.

Je dépliai les robes les unes après les autres, avant de les empiler dans le couvercle de la lourde malle. Je ne connaissais presque aucune d'entre elles, mis à part celles que j'avais vues sur les photos qui dataient d'avant notre naissance, à mon frère et moi. Je supposai que c'était ses vêtements de jeune fille et qu'ils étaient devenus trop petits pour elle après nous avoir portés. Je n'avais aucune idée de la raison pour laquelle cette malle était arrivée là, mais après le choc que j'avais eu en découvrant que la maison avait disparu, retrouver une trace de Maman m'émut au point de me faire monter les larmes aux yeux. Je dépliai chaque vêtement, et à chaque fois, j'arrivai presque à l'imaginer dedans, tant son souvenir était vivace. Après tout, si nous avions tenté de la faire revenir, c'était parce que nous ne parvenions pas à l'oublier.

Pour cette raison, quand je plongeai dans la malle et découvris que j'arrivais au bout, je me sentis très déçu ; mais je n'étais pas au bout de mes surprises. En tapotant au fond de celle-ci, je sentis un relief bizarre dans le velours qui tapissait l'intérieur. Je tâtai et reconnus la forme d'un livre. En tirant un peu, ici et là, je réussis à détacher la couche de tissu qui le dissimulait. Je découvris alors que le fond de la malle était tapissé de carnets disparates. Intrigué, j'attrapai l'un d'eux et l'ouvris à la première page, sur laquelle était sobrement écrit :

« mars 1897 – septembre 1897 ».

Je tournai les pages pour lire ce qui s'avéra être une sorte de journal intime, tenu assez régulièrement, avec une écriture propre et élancée. C'était, sans aucun doute, l'écriture de Maman. Je feuilletai, lisant ici et là, attrapant des fragments de vie quotidienne.

« 10 mars. Giboulées.

Aujourd'hui, Maman et moi devions ramasser les choux kale pour aller les vendre au marché demain, sous la pluie. En début d'après-midi, il s'est mis à grêler, et nous avons dû nous réfugier sous les arbres. Bien sûr, elle s'est plainte de mon manque d'efficacité. En même temps, c'est tout sauf le métier de mes rêves. »

« 19 mars. Pluies.

Les leçons de violon avec Martin se passent bien. Il progresse vite, pour autant que je puisse en juger. C'est toujours un plaisir de pouvoir entendre de la musique, j'espère que je pourrais bientôt avoir mis de côté assez d'argent pour m'offrir un gramophone et écouter quelques disques chez moi. Ce soir, quand je suis rentrée après être allée voir Sarah, j'ai trouvé ma mère en pleurs. Cela fait un an que Papa est mort. »

« 21 mars. Giboulées, mais un beau soleil d'après-midi, temps couvert la nuit.

Aujourd'hui, c'était la fête du printemps. L'installation sous la pluie était assez épique, et la grêle a déchiré le gros de nos fanions à midi, mais il a fait beau temps pour la fête elle-même, qui a été merveilleuse. J'avais un peu le trac de rejouer du violon en public, cela faisait tellement longtemps... Mais ça s'est bien passé, tout le monde a dansé, on m'a invité plus d'une fois, et j'ai sans doute un peu trop bu. J'aurais voulu que cette nuit ne finisse jamais. Mais toutes les bonnes choses ont une fin, sans doute.

J'aimerais tellement retourner à East City et recommencer à chanter et danser, mais je ne peux pas abandonner Maman maintenant. A nous deux, on a déjà du mal à s'en sortir avec tout ce qu'il y a à faire. Dans quelques mois, peut-être, quand on aura revendu une partie des terres et mis un peu d'argent de côté. »

Ma grand-mère... Je ne l'avais jamais connue, mais si j'en croyais ce que je lisais, ce n'était pas une femme facile. Je découvrais tout un nouveau monde, un monde où ma mère était toute jeune, où la guerre était lointaine, où les parents de Winry étaient vivants. Avec le sentiment d'avoir trouvé le plus précieux des trésors, je ramassai tous les carnets qui formèrent une pile d'une trentaine de centimètres de haut à eux tous, me dirigeai vers la fenêtre du grenier pour glaner un peu de lumière, et posai la pile après avoir chassé un peu la poussière. Je m'assis face à la fenêtre, et commençai à feuilleter les carnets pour retrouver l'ordre chronologique. Pour plusieurs heures, peut-être même plusieurs jours, je n'allais pas m'ennuyer. J'avais de la lecture, l'épopée banale de la jeunesse de ma mère. Et rien ne pouvait me passionner davantage à cet instant.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant