Chapitre 8 - 8 : La traque (Edward)

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- Eh bien, tu en fais une tête, Fullmetal ! commenta-t-il en regardant mon expression défaite.

- La fatigue, Colonel, répondis-je d'un ton un peu absent. Juste la fatigue.

- Je veux bien le croire, si tu as passé tes dernières nuits à traquer Barry le Boucher, tu dois être épuisé.

Il ponctua sa phrase d'un grand bâillement qui me fit bailler à mon tour. L'épuisement me retomba dessus.

- Je suis crevé, marmonna l'homme en se grattant l'arrière de la tête, ébouriffant ses cheveux noirs. Je ne suis plus un jeunot comme toi qui peut enchaîner les nuits blanches dans douleur.

- C'est pas beau de vieillir, commentai-je d'un ton taquin.

- Eh, ne recommence pas à être impertinent ! s'exclama-t-il avec un sourire.

- Non, mais ne vous inquiétez pas, vous allez bientôt être débarrassé de moi, répondis-je en m'étirant.

- Tu comptes aller où ? C'est un peu tard pour prendre une nuit à l'hôtel ou au dortoir du QG.

- Je ne sais pas... Je vais sûrement traîner un peu dans les rues en attendant l'ouverture des premières boulangeries, ça m'aérera l'esprit, répondis-je en me levant à contrecœur, un peu maladroit sur mes deux pieds.

- ... Tu peux rester dormir dans le salon, si tu veux.

Je me figeai, surpris. J'avais cru comprendre que Mustang était quelqu'un d'assez secret, pour ne pas donner son numéro ni son adresse aux autres. Le privilège que j'avais en ayant le droit de le déranger chez lui était dû, je le savais, au fait que nous avions un ennemi commun ; mais cette nuit, j'avais le sentiment d'avoir abusé de ce privilège. Il aurait été légitime de sa part de me foutre dehors vers une ou deux heures du matin après avoir appris ce qui s'était passé et m'avoir sommairement remonté le moral, et clairement, rien ne l'obligeait à me proposer de dormir dans son canapé. Alors pourquoi ?

tait-ce de la pitié pour moi ? Ou de la sympathie ? Est-ce que je pouvais vraiment rester ?

Son canapé était moelleux à se damner, et me reposer un peu me ferait le plus grand bien. Mais l'idée de dormir chez lui me mettait mal à l'aise. Et si je parlais dans mon sommeil ? Et si mes bandages se défaisaient dans la nuit, comme c'était souvent le cas ? J'avais vu la réaction choquée d'Havoc quand il avait découvert qu'une paire de seins avaient poussé sur mon torse, je n'avais aucune envie de réitérer l'expérience avec Mustang. Je n'avais pas envie qu'il me regarde différemment.

- C'est gentil, mais ça me gênerait de rester, répondis-je avec un sourire penaud. J'ai déjà traîné bien assez longtemps chez vous, je ne vais pas vous encombrer davantage. Et puis, marcher me fera du bien.

Un instant, il avait ouvert la bouche, comme pour dire quelque chose, puis avait renoncé. Je me dirigeai mollement vers l'entrée ou mes chaussures traînaient, encore trempées. Il faudrait que je répare ma semelle gauche, que le hachoir de Barry avait fendu de tout son long. Et mon manteau, aussi... Le sol tanguait un peu sous mes pas, me faisant sentir que j'étais encore loin d'être sobre. Tandis que je me baissai, je sentis le sang me monter à la tête.

Je n'avais vraiment pas envie de partir. Je n'avais vraiment pas envie d'être seul. Même si je savais pertinemment que l'idée était mauvaise, je regrettais déjà d'avoir refusé son offre, et j'avais un pincement au cœur à l'idée de quitter cette pièce et sa présence rassurante. Quand je relevai la tête et décrochai mon manteau de la patère pour le remettre dans des gestes un peu maladroits, je croisai le regard éteint de fatigue de mon supérieur hiérarchique.

- Bonne nuit, Colonel. Vous avez l'air d'en avoir besoin.

- Toi aussi, bonne nuit.

- Je ne compte pas me coucher tout de suite.

- Bonne journée, alors, répondit-il sur le même ton. Tâche de ne pas oublier de dormir de temps en temps, sinon tu ne vivras pas bien vieux.

- Ne vous inquiétez pas, je suis capable de me prendre en main, répondis-je en me forçant à lui adresser un large sourire avant de pousser la porte pour ressortir. A plus.

Je refermai la porte derrière moi, un peu trop vite, puis avançai à pas incertains dans le couloir sous l'effet conjugué de l'alcool et de la fatigue. Je me sentais profondément triste. Je repensais à Al, à l'armée, à mes nombreux rapports falsifiés, aux Homonculus... et je réalisai que mon frère me manquait terriblement. Quand Al n'était pas là, j'étais trop impulsif, je prenais de mauvaises décisions. J'avais besoin de lui, profondément. Je voulais le revoir, le serrer dans mes bras. Je tâchai de chasser de mon esprit la tristesse que j'avais à partir d'ici et me raccrochai à cette pensée bien plus logique.

En y pensant, en quittant l'immeuble de Mustang à l'heure la plus déserte de la nuit, je pris cette résolution. Je me jurai à moi-même que quand je retrouverais Al, je lui raconterais tout. Pas seulement les derniers événements qui s'étaient déroulés en son absence, mais aussi les moindres détails de ces souvenirs qu'il avait perdu. Je lui raconterais toutes ces aventures qu'on avait eues ensemble, toutes les horreurs, toutes les joies que nous avions partagées.

Je lui devais bien ça.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant