J'entendis quelqu'un toquer à la porte et relevai le nez du dossier que j'étais en train de consulter.
- Entrez !
La porte s'ouvrit et laissa passer une des dernières personnes que je m'attendais à voir : les cheveux châtains en bataille, des grands yeux masqués par d'énormes lunettes carrées, un visage rond barré par une expression peu affable... C'était la bibliothécaire qui m'avait hurlé dessus durant les funérailles de Hugues. Comment s'appelait-t-elle déjà ? Il ne me fallut pas longtemps pour que son nom exact me revienne.
- Oh. Shiezka. Que me vaut l'honneur de votre visite ? demandai-je poliment malgré ma surprise.
Elle eut un petit mouvement de surprise en m'entendant prononcer son nom, comme si elle était convaincue que je ne la connaissais pas. Elle avait l'air un peu désemparée, comme si elle faisait face à quelque chose qui la dépassait.
- Je peux... fermer la porte ? demanda-t-elle d'un ton embarrassé, sans perdre complètement la défiance qu'elle avait envers moi.
- Oui, bien sûr, fis-je avec une froide politesse. Vous pouvez aussi vous asseoir.
Elle obtempéra et s'assit face à moi, et je lus beaucoup de sentiments contradictoires dans son regard. Colère, haine, tristesse... Espoir ?
- J'ai reçu une lettre chez moi ce matin, fit-elle d'une voix basse. Enfin, une lettre, c'est un bien grand mot. Une enveloppe contenant un mot de deux lignes, et une deuxième enveloppe, qui vous est destinée, expliqua-t-elle en la sortant de la poche de sa veste.
- Oh. C'est étonnant, commentai-je simplement en prenant ce qu'elle me tendait.
Je pris l'enveloppe, et la retournai. « Pour Roy Mustang ». Mon nom était tracé en grosses lettres anguleuses et irrégulières. Je reconnaissais parfaitement cette écriture chaotique, et je retins mon souffle, sentant ma gorge se nouer et mon cœur battre plus vite. Je l'ouvris avec mon coupe-papier, en espérant que mes mains ne tremblent pas trop. Si c'était bien ce que je croyais... Oh bon sang, si c'était ça...
Je tirai de l'enveloppe une carte postale sur laquelle était écrite une simple ligne de cette même écriture si familière.
« Je t'en ai trouvé une belle. »
Pas de signature, pas un mot de plus, rien. Je retournai la carte et explosai de rire nerveusement.
- Qu'est-ce qu'il y a ? s'exclama la jeune militaire en se penchant vers le bureau, surprise par ma réaction et un peu fébrile.
J'étais incapable de répondre, secoué par un fou rire que je ne parvenais pas à brider. C'était une explosion de joie et de soulagement qui me dépassait complètement. Au dos de la carte postale, il y avait une photo de poule, mais pas n'importe laquelle : une race blanche, dont les plumes formaient comme un pompon sur sa tête et lui retombait sur les yeux, lui donnant des airs de lendemain de cuite, et qui ressemblait à une grosse peluche.
L'idée de dégotter une carte aussi improbable et y ajouter ce commentaire idiot ne pouvait être l'œuvre que d'une seule personne, je le savais. Et avoir cette carte entre mes mains me donnait envie de serrer n'importe qui dans mes bras et de l'embrasser, de danser de joie sur mon bureau... mais en tant que militaire arriviste, je ne pouvais pas me le permettre, et après un moment d'hilarité, je tâchai de retrouver une contenance en prenant quelques grandes inspirations, sans parvenir à faire taire l'irrépressible sourire qui grignotait mon visage.
- Qu'est-ce que c'est que cette carte ? murmura la femme qui avait été le témoin perplexe de cette explosion d'émotion.
- Ah, ce n'est rien, rien que je ne puisse expliquer en tout cas, répondis-je en essuyant la larme qui avait coulé sur ma joue pendant mon bref fou-rire.
- Colonel Mustang, je reconnais cette écriture, souffla la militaire d'un air extrêmement sérieux.
- Je me doute que vous la reconnaissez, le contraire aurait été décevant de votre part.
- Mais c'est impossible que... que ce soit...
- C'est pourtant lui.
- Mais alors... Pourquoi, comment... ?
- Je ne dirais rien de plus à voix haute.
- Pourquoi ?
Je me penchai à mon tour au-dessus du bureau, pour lui murmurer ma réponse, et elle s'approcha à son tour, sa curiosité l'emportant sur l'inimitié.
- Primo, parce que je vous pense capable de deviner ce qui vient de se passer sans que je mette des mots dessus pour vous l'expliquer. Deuxio, parce que c'est un secret, et que je ne prononcerai pas un mot à ce sujet dans l'enceinte de ce bâtiment. Je préfère ne prendre aucun risque.
- J'ai un gros problème de logique à résoudre, répondit-elle en toute honnêteté. Il y quelque chose d'impossible dans ce que je crois comprendre.
- Aussi impossible que ça puisse paraître, je peux vous dire que c'est le cas.
A ces mots, son visage fut enfin envahi par un sourire émerveillé. Elle était un peu comme Edward, ce genre de personne dont on ne pouvait ignorer les sentiments tant ils étaient gravés sur leur visage.
- Mais comment... Comment ? chuchota-elle, les yeux brillants.
- Si vous voulez savoir comment, demandez au Fullmetal, répondis-je avec un sourire. Sur ce coup-là, je n'y suis pas pour grand-chose.
Elle hocha la tête avant de se relever, peinant à dissimuler son sourire. Je la comprenais, j'étais dans le même état.
- Il faut que je retourne travailler, je suis déjà partie longtemps. Si je peux faire quelque chose pour vous aider...
- Est-ce que vous pourriez rassembler de la documentation sur cette personne pour nous ? demandai-je en lui tendant un papier ou j'avais écrit le nom de Juliet Douglas. Discrètement ?
- Oui, je tâcherai de faire ça, répondit-elle en hochant vigoureusement la tête, après avoir lu le nom et glissé le papier dans la poche de sa poitrine. Merci !
- Pourquoi vous me remerciez ? Je n'y suis pour rien, répondis-je, peinant aussi à retrouver une expression neutre. Ce n'est pas moi qui ai envoyé cette lettre.
- Je sais que ce n'est pas vous, répondit-elle avec un regard pétillant.
La bibliothécaire resta quelques secondes devant la porte, prenant quelques inspirations pour faire taire l'émotion qui l'avait envahie, et tâcher de retrouver l'expression de colère qu'elle aurait logiquement dû avoir en quittant le bureau de quelqu'un qu'elle avait insulté lors de sa dernière rencontre. Elle partit finalement en claquant la porte derrière elle, me laissant seul, en train de faire tourner cette carte postale dans mes mains. Vraiment, je n'en espérais pas tant...
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Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-city
FanfictionAprès sa tumultueuse mission à Lacosta, Edward est de retour à Central ou il espère pouvoir prendre un peu de repos avant de retrouver son frère. Seulement, entre la curiosité de l'équipe de Roy Mustang, les ennemis sortant de l'ombre et les secrets...