Chapitre 3 - 4 : Face-à-face (Edward)

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« RDV à 19 h
11B rue des deux sœurs,
fond de cour, porte d. »

J'avais jeté un nouveau coup d'œil au papier que m'avait confié Mustang quelques heures plus tôt. J'étais bien au lieu prévu. J'avais eu un peu de peine à trouver cette rue minuscule, qui n'était pourtant pas très loin du quartier général de Central. J'avais abandonné Hawkeye en lui disant que j'avais quelque chose à faire ce soir-là et que je rentrerais chez elle plus tard.

En attendant, adossé au mur à côté de la porte, dans cette cour intérieure au mur de pierres soigneusement sculptées, avec son sol pavé et ses glycines courant le long des murs, dans la torpeur de cette soirée encore douce après une journée gorgée de soleil, j'avais le sentiment de ne pas être à ma place.

Pire, s'il y avait eu des moments dans la journée où j'avais réussi à occulter l'existence de mes règles, celles-ci me revenaient en pleine face, me vrillant le bas-ventre d'une douleur que je ne reconnaissais pas. Je me sentais sale, et j'avais l'impression qu'il émanait de moi une odeur persistante, et que ma « situation » était écrite en toutes lettres sur mon front. Je serrai les dents à cette idée. J'avais soufflé un mot à ce sujet quand je m'étais retrouvé seul avec Hawkeye, les oreilles rouges, presque larmoyant d'embarras, et elle m'avait rassuré de son mieux en disant que non, personne ne s'en doutait, et que ce sentiment somme toute courant n'était rien de plus qu'une impression.

Je faisais tourner ces mots en boucle dans ma tête pour me rassurer. J'entendis des pas et relevai la tête, voyant arriver Roy Mustang. Rien d'étonnant puisqu'il m'avait donné rendez-vous ici même, mais je sentis monter comme une bouffée d'angoisse. Il traversa la cour en ne me jetant qu'un bref regard, sortant un trousseau de clés de sa poche qu'il utilisa pour ouvrir la porte à côté de laquelle j'étais adossé. Il se glissa dans l'entrée plongée dans la pénombre en me faisant signe de me suivre sans un mot.

Je décollai du mur et emboîtai le pas, passant dans un couloir à l'éclairage tamisé avant de commencer à gravir un escalier dont les marches étaient couvertes d'un tapis rouge qui étouffait mes pas. L'immeuble était de petites dimensions, mais il en dégageait une impression de confort et de luxe. Les murs étaient lambrissés, le bois des marches et la rambarde récemment lustrés diffusaient une forte odeur de cire et de térébenthine.

En fixant le dos de la silhouette que je suivais, je me demandai si nous allions chez lui, et ce qu'il avait à me dire. Une fois arrivé au troisième étage, il obliqua à droite dans le couloir et ouvrit une porte. Il entra et alluma la lumière, m'invitant à le suivre. Je sentis une vague de peur idiote m'envahir, mais je fis les quelques pas qui me manquaient pour passer le seuil. Une fois arrivé là, j'examinai la pièce où je venais d'entrer tandis que l'homme fermait la porte derrière moi. L'espace d'un instant, je fus assez près de lui pour sentir un effluve chaud, une odeur douce et épicée à la fois. L'odeur de son parfum, parfaitement perceptible pour mon odorat qui s'était aiguisé depuis l'accident du cinquième laboratoire.

J'étais dans l'entrée, où se trouvaient les portes d'un grand placard dans le mur attenant au couloir, et quatre portes sur le mur d'en face. A ma gauche, la première porte était ouverte sur le salon, encombré de cartons pas encore déballés et de meubles installés à la va-vite. La première pensée qui me sauta à l'esprit était que les lieux semblaient étonnamment petits comparés à la maison occupée par la famille de Hugues. Le Colonel, avec son grade et son statut d'Alchimiste d'état, avait sûrement de quoi posséder beaucoup mieux que ça, lui qui n'avait ni femme ni fille à charge. Et pourtant, c'était manifestement ici qu'il logeait. Je réalisai alors qu'il enlevait ses chaussures.

- Est-ce que je dois aussi... ? marmonnai-je d'un ton hésitant en désignant mes propres pieds.

- Je préférerais, oui, répondit-il simplement.

Je m'en débarrassai en calant mon talon de l'autre pied, sans prendre la peine de me baisser, puis abandonnai mes chaussures dans un coin avant d'entrer dans le salon où il m'attendait.

- Iris Swan, lança l'hôte en guise de préambule, le regard sévère.

Je me sentis tétanisé en l'entendant prononcer le nom de ma fausse identité. Ces simples mots me faisaient plus d'effet que si on m'avait versé un baquet d'eau glacé sur la tête. Entendre le nom que j'avais emprunté pour mieux piéger Ian Landry quelques jours auparavant n'était en soi pas très agréable et j'espérais pouvoir enterrer profondément cette histoire en priant pour que personne ne le sache jamais ; mais quand c'était les premiers mots prononcés dans une conversation en tête-à-tête, il y avait de quoi être franchement inquiet.

- Quoi ? fis-je d'une voix dont j'espérais avoir masqué le tremblement.

- Iris Swan, répéta-t-il d'un ton irrité. La jeune femme qui t'a aidé lors de ton enquête à Lacosta.

- Je sais qui elle est, répondis-je d'un ton cynique.

« Mieux que personne », me retins-je d'ajouter. Je parvenais de nouveau à respirer, mais je sentais mon cœur battre douloureusement contre mes côtes. Comment pouvait-il être aussi oppressant ?

- Bien sûr, que tu sais. Ce qui m'agace, c'est que tu ne vois pas pourquoi j'en parle.

- Non, je ne vois pas, mentis-je en plantant mon regard dans le sien, craignant de comprendre d'où venait l'expression de reproche que je croyais lire dans son regard.

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant