Alors que nous arrivions sur le chemin gravillonné de la maison des Rockbell, Den vint nous accueillir en courant, aboyant et quêtant des caresses. Nous entendîmes de grands cris en nous approchant, puis soudainement, une clé à molette vola avant de rebondir sur le front d'Edward, l'envoyant au tapis.
- C'est à cette heure-ci que tu rentres ? ! Je me suis fait un sang d'encre ! hurla la furie qui nous servait d'amie d'enfance depuis le balcon de la maison.
- Bon sang, Winry, il faut que tu te calmes ! beugla Edward en se redressant, sa main gauche lui frottant le front. Tu vas me tuer à force de me balancer des trucs à la tête !
- Pas moyen, tu as le crâne trop épais pour que je te fasse vraiment mal, répondit-elle avec un grand sourire. Quand à toi, Al...
Après ce premier lancer, je m'étais mis sur mes gardes, mais quand elle m'envoya une deuxième clé à molette, je ne parvins pas complètement à l'esquiver et me la pris dans l'épaule.
- Qui se casse à cinq heures du matin sans prévenir ?! Sérieusement, tu n'as pas honte de nous avoir laissées en plan comme ça ? !
A ces mots, je jetai un coup d'œil à mon frère, et le regard qu'il me rendit raffermit notre fraternité malmenée. Nous étions unis dans l'adversité.
- Winry, arrête de les bombarder, lança Pinako en passant le seuil. Ce sont de bons clients, un jour, Edward se fera entretenir ailleurs si tu continues !
- Bonjour Pinako ! m'exclamai-je en même temps que mon frère.
- Bonjour vous deux. Alors, Ed, qu'est-ce que tu as fait à tes automails pour les casser, cette fois ?
- Rien, je n'ai pas spécialement besoin de réparations.
- Tu as quand même sauté du toit d'un immeuble, tu devrais peut-être te faire examiner, non ? fis-je remarquer.
- Le Fullmetal Alchemist nous ferait l'honneur de sa présence sans raison particulière ? Ça serait du jamais vu, ironisa la vieille dame avec un sourire sardonique.
- Mamie Pinako, crois-le ou non, j'ai décidé de prendre des vacances, répondit Edward en rougissant, un peu piqué par la remarque.
- Alors, qu'est-ce que tu as cassé encore ?! s'exclama Winry, lui sautant dessus à bras raccourcis après avoir dévalé les escaliers.
- Mais... rien !
- Ouais, c'est ça, vient là que je t'examine, fit-elle en le tirant par le col.
- Winry, laisse-moi me poser, steupléé ! gémit-il sans succès.
- Non, je ne sais pas combien de temps tu vas rester, j'ai besoin de savoir rapidement le travail qui m'attends. Et puis, j'ai un cadeau pour toi !
- Je crains le pire...
Je regardai la blonde traîner mon frère jusque dans son atelier, sans autre forme de procès. C'était fascinant de voir comme Edward, qui pouvait être impitoyable avec ses ennemis, était impuissant face à Winry. Il y avait des gens contre lesquels on ne pouvait pas lutter.
Je me retrouvai seul face à Pinako. La vieille dame, mâchant sa pipe comme à son habitude, leva la tête vers moi et plissa les yeux en me fixant attentivement. Je sentis toute la culpabilité de les avoir quittés sans prévenir remonter, et j'eus tout à coup très envie de pouvoir disparaître sous terre.
- Ça va, toi ?
- Ah ? Euh, oui, bredouillai-je, surpris de ne pas recevoir de critique pour mon départ.
- J'ai appris qu'il y avait eu une prise d'otage à Central, on s'est toutes les deux demandées si vous étiez impliqués.
- Edward a participé à l'assaut de l'armée, il était en première ligne, mais n'a pas été gravement blessé fis-je d'un ton incertain. Moi... j'étais occupé ailleurs à ce moment-là.
- Je vois, fit-elle avec un demi-sourire. Tant mieux.
Si Winry nous avait accueillis avec autant de colère, était-ce parce qu'elle était soulagée de nous voir ? Je n'osai pas poser la question à Pinako. Il y a des choses qui ne se disent pas.
- Alors, comment c'était, Central-city ?
- Je n'en ai pas vu grand-chose. J'ai revu l'équipe avec qui Edward travaille, la plupart d'entre eux sont vraiment gentils.
- La plupart ?
- Eh bien... fis-je en rougissant, hésitant à l'avouer. Je n'aime pas trop le Colonel Mustang. Je le trouve très froid, presque méchant.
- Le Colonel Mustang, hein ? fit-elle d'un ton songeur en me tendant un verre d'eau qu'elle venait de verser du broc de terre cuite.
- Oui, murmurai-je, honteux de mon aveu. Il passe son temps à casser Edward, et pourtant il le respecte et lui obéit toujours.
- C'est son supérieur, en même temps, répondit Pinako en s'attablant.
Cette réponse revenait toujours. Mais non, ça ne justifiait pas à mes yeux qu'il accepte d'être traité comme ça. Je m'assis à mon tour, silencieux, l'œil sombre.
- Tu sais, c'est le Colonel Mustang qui a redonné un but à ton frère. Tu ne t'en souviens pas, puisque c'était peu de temps après la transmutation. Ses blessures étaient profondes et son regard s'était éteint. Il avait perdu tout espoir et portait la culpabilité de t'avoir fait perdre ton corps.
- Et qu'est-ce qui s'est passé ?
- Le Colonel Mustang passait dans la région parce que vos exploits alchimiques avaient commencé à remonter jusqu'à l'armée, et qu'il devait recruter de nouveaux Alchimistes d'Etat. Il a tenu à vous rencontrer malgré votre jeune âge, et a parlé de l'armée. Il a eu des mots très durs, j'avoue avoir eu envie de le foutre dehors. Mais il a secoué Edward et lui a redonné de l'espoir. En lui disant qu'autre chose était possible, il lui a donné le cran de se faire poser des automails, d'étudier et de passer l'examen d'Alchimiste d'Etat dans l'espoir de retrouver ton corps. Sans lui, je ne sais pas où vous en seriez aujourd'hui.
Je restai silencieux. J'imaginais très bien la scène, paradoxalement. Je me souvenais de l'expression d'Edward dans ses premiers jours d'hospitalisation après le cinquième laboratoire, quand il avait pris de plein fouet le choc d'avoir un corps féminin. Il avait sombré dans une profonde apathie, et même ses yeux semblaient avoir perdu tout éclat. En projetant ce souvenir avec son récit, j'arrivais à me représenter dans quel était de détresse il devait être à ce moment-là, et à quel point j'avais pu me sentir impuissant.
- Je comprends que tu aies des sentiments mitigés pour cet homme, moi-même, je ne lui porte aucune affection. Mais le fait est que c'est une personne importante pour Edward, énonça-t-elle en me pointant du bec de sa pipe pour bien marteler ses mots. Et par conséquent, pour toi aussi.
Je hochai la tête. Cela ne me plaisait pas, mais au moins je comprenais un peu mieux. C'était une réponse qui me paraissait plus valable qu'un simple « c'est son supérieur hiérarchique ». Je bus mon verre d'eau, pendant que Pinako tournait la tête, entendant des éclats de voix.
- Qu'est-ce qu'ils font, encore, ces deux-là ?
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Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-city
FanfictionAprès sa tumultueuse mission à Lacosta, Edward est de retour à Central ou il espère pouvoir prendre un peu de repos avant de retrouver son frère. Seulement, entre la curiosité de l'équipe de Roy Mustang, les ennemis sortant de l'ombre et les secrets...