Fébrile, le voyage m'avait paru interminable, que ce soit le train qui m'avait mené à East-City, l'attente de la correspondance, ou le trajet jusqu'à la capitale. J'avais piétiné, regardé le paysage derrière les vitres, relu les carnets de Maman, je m'étais étiré dans tous les sens possibles et imaginables dans le compartiment désert que j'occupais, et quand un contrôleur avait poussé la porte pour vérifier mon billet, j'étais vautré à l'envers sur le siège du fond, les jambes étendues le long du dossier, en train d'énumérer tous les corps simples dans l'ordre. J'avais aussitôt bondi sur mes pieds, le rose aux joues, et extirpé mon billet de mon sac, mort de honte.
Sans aucun doute possible, j'avais la bougeotte. J'étais heureux, profondément heureux à l'idée de retrouver mon frère. Un peu inquiet de sa réaction, aussi, car je craignais qu'il ne me passe un savon pour être parti sur un coup de tête. Malgré ça, j'étais impatient, parce qu'une fois ce mauvais moment passé, je serais de nouveau avec lui, et je l'espérais, pour longtemps.
Aussi, quand le train se mit à ralentir, approchant de son terminus, je me mis littéralement à trépigner d'impatience. Les quelques minutes passées au ralenti au milieu des voies de la gare de triage et des bâtiments de tôle ondulés posés sur une mer de ballast me parurent absolument interminables.
Quand, enfin, les quais de la gare apparurent sous ma fenêtre et qu'on commençait à voir les piliers de la verrière, je bondis de ma banquette et me précipitai vers la porte. Le train n'était pas désert comme au départ de Resembool, mais loin d'être bondé pour autant. Je me faufilai rapidement dehors et me retrouvai rapidement sur le quai, le cœur battant. Est-ce que Winry l'avait prévenu ? Est-ce que Edward serait là, au bout du quai ? Je l'espérais très fort, mais je commençais déjà à dresser des plans pour aller au QG de Central-City dans le cas contraire. J'allais avoir besoin d'un plan de la ville, et puis...
Et puis, finalement, je n'aurais besoin de rien de tout ça. J'avais reconnu la silhouette au bout du quai, drapée dans un manteau rouge qui la rendait facilement repérable. Edward était là. Un sourire dévora mon visage tandis que je hâtais le pas. Il me vit à mon tour, et s'avança vers moi d'une démarche un peu incertaine qui m'intrigua alors que je le saluai d'une exclamation familière.
La distance qui nous séparait s'évanouit brutalement quand il m'attrapa et me serra dans ses bras, très fort, d'une poigne presque tremblante. Je restai figé sous cette étreinte à laquelle je ne m'attendais pas. Ce n'était pas la franche accolade que feraient des frères ou de bons amis heureux de se retrouver, ce n'était pas non plus le contact hésitant d'une personne intimidée par nos rapports devenus compliqués, même si la chaleur de son corps me paraissait toujours aussi étrange.
Non, tandis qu'il me serrait de toutes ses forces, sans m'étouffer, mais sans me laisser la moindre liberté de mouvement, je compris qu'il se raccrochait à moi comme a une bouée de sauvetage. Etait-ce à cause de cela, je n'en savais rien, mais il me semblait moins grand que la dernière fois. Je le sentais trembler de manière infime.
Alors je posai ma tête sur son épaule et dis doucement :
- Je pensais que tu m'engueulerais d'être parti sans prévenir.
- Winry fera ça très bien la prochaine fois qu'elle t'aura au téléphone, murmura-t-il d'une voix un peu cassée et lasse. Je sais que je devrais sans doute être furieux, mais je suis trop soulagé de te revoir pour ça.
- Je suis là, répondis-je un peu maladroitement, étonné de cette détresse si mal dissimulée.
Que s'était-il passé en mon absence ? Je regrettais d'avoir suivi Winry, si c'était pour abandonner mon frère à des événements peu reluisants.
Il relâcha un peu son étreinte et je glissai mes bras autour de son corps pour le garder contre moi, le rassurer. Je sentais sa taille un peu trop fine, ses épaules qui flottaient dans ses vêtements qui n'étaient plus taillés pour lui. Un instant, je la sentis fragile.
Et puis, je chassai aussi vite qu'était venue cette idée d'Edward au féminin en songeant qu'il détesterait ça. Il s'écarta et me relâcha avec un petit sourire un peu penaud, comme s'il était honteux de ces effusions. En revoyant son visage, je me rendis compte qu'il avait les traits tirés et des cernes marquées, comme s'il n'avait pas dormi ces derniers jours, et je me sentis inquiet.
- Ed, tu as une tête de déterré. C'est ton enquête sur Barry le Boucher qui t'a mis dans cet état ?
- Oui, entre autres, marmonna-t-il en se pinçant l'aile du nez. Mais au moins, il est hors d'état de nuire.
- Tu l'as arrêté ? demandai-je en ouvrant de grands yeux, admiratifs malgré moi.
- Il est mort, répondit-t-il un peu froidement.
Je sentis qu'il ne voulait pas trop s'étendre sur le sujet, je fermai la bouche et levai les yeux vers la verrière qui surplombait la gare. J'aurais pu commencer à bouder en sentant qu'il me faisait des cachotteries, mais je fis l'effort d'accepter l'idée qu'il avait peut-être de bonnes raisons de ne pas parler ici et maintenant. C'était aussi à moi d'être patient.
Après tout, si j'avais eu le moindre doute, maintenant, j'en étais sûr. Edward avait besoin de moi.
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Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-city
FanficAprès sa tumultueuse mission à Lacosta, Edward est de retour à Central ou il espère pouvoir prendre un peu de repos avant de retrouver son frère. Seulement, entre la curiosité de l'équipe de Roy Mustang, les ennemis sortant de l'ombre et les secrets...