Chapitre 2 - 2 : Intimité (Riza)

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Une fois dans le couloir, je ralentis le pas et me mis à réfléchir intensément. Mustang cachait quelque chose, je le savais depuis un moment maintenant. Havoc avait soudainement peur d'Edward, et tentait très maladroitement de le dissimuler. Manifestement, il avait découvert quelque chose dont il ne pouvait pas parler. Je doutais que ça ait un rapport avec le duel imbécile de la veille, car dans ce cas-là, les autres l'auraient remarqué aussi. Quoi qu'il soit arrivé, ça avait sûrement eu lieu après le repas... Et l'adolescent l'avait suffisamment intimidé pour qu'il soit tenu au secret.

Je ne doutais pas de la capacité d'Edward à terrifier quelqu'un s'il se mettait dans une colère noire, même s'il en faudrait sûrement plus pour m'ébranler. Ça touchait peut-être à quelque chose d'irrationnel. Je fouillai dans ma mémoire à la recherche d'indices qui auraient pu me guider dans mes souvenirs. L'image d'Edward lors de l'enterrement, boiteux et morne, dégageant une impression de fragilité inhabituelle me revint à l'esprit, suivie de près par les discussions de la veille qu'avaient eues les militaires à propos du physique de l'adolescent.

« C'est vrai qu'il avait l'air d'avoir un peu pris du poids à ce niveau-là.»

Je secouai la tête, doutant que dissimuler un peu de gras puisse déclencher de telles réactions. Mais les phrases d'hier résonnèrent étrangement dans ma tête. Que certains trouvent qu'il avait maigri, tandis que d'autres soutenaient qu'il avait grossi, c'était quelque chose d'étrange. D'autres avaient buté sur sa voix, et moi, je lui trouvais un je-ne-sais-quoi de frêle qui ne lui ressemblait pas. Tout le monde s'accordait à dire qu'il avait un peu changé, mais personne n'arrivait à dire comment au juste.

Je me remémorai aussi les rumeurs qui avaient couru dans le QG à notre arrivée, à propos de son séjour à l'hôpital, où il avait refusé de voir qui que ce soit pendant plusieurs jours, gardé farouchement par les sergents Ross et Broche. Est-ce que ce qu'Edward tentait de dissimuler concernait son corps ? Il semblait bien.

Mes pas lents me portèrent jusqu'à la porte de la bibliothèque, que je poussai doucement. En entrant dans la grande pièce, j'appréciai un instant l'ambiance particulière qui y régnait avant de m'avancer à travers les tables et les rayonnages, cherchant des yeux la silhouette de l'adolescent. Je le repérai, bien planqué dans un angle de rayonnages, son manteau posé sur le dossier de sa chaise, assis à une petite table recouverte de feuilles de papier, tantôt vierges, tantôt couvertes d'écritures, tantôt froissées, étalées dans le plus grand désordre. 

Je m'approchai à pas de loup tout en l'observant attentivement. Il écrivait avec une expression soucieuse, la main hésitante, et levait de temps à autres un profil fin aux cernes marquées en regardant devant lui d'un œil vague, perdu dans ses pensées. Je m'adossai à l'étagère, les bras croisés, l'étudiant du regard, cherchant d'où venait cette impression de vulnérabilité qu'il ne dégageait pas avant.

Peu à peu, je vis ressortir des aspects inhabituels, ce que je croyais au début être de simples impressions : le sentiment que ses épaules étaient un peu plus étroites, son profil un peu plus fin. Son pantalon était tendu sur ses cuisses, il semblait bien avoir grossi, comme l'avait dit Fuery. Pourtant, le haut du vêtement se froissait sous sa large ceinture, il flottait dedans à la taille. Comme s'il avait maigri.

Comment pouvait-on avoir grossi et maigri en même temps ?

L'idée m'effleura l'esprit plusieurs fois sans jamais se poser tant elle paraissait impossible. Puis, au bout de quelques minutes d'observation, je parvins à poser cette hypothèse hésitante.

On dirait un corps féminin.

Comme si Edward habitait à présent un corps de fille.

L'alchimie était-t-elle capable d'un tel mystère ? J'en doutais de moins en moins. Ça paraissait absurde, mais finalement... ça aurait expliqué pourquoi l'adolescent se défendait aussi farouchement, et pourquoi il évitait autant que possible de rester en notre compagnie. Il ne voulait pas qu'on le remarque. Il ne voulait pas qu'on le suppose. Sauf que... Jean Havoc avait manifestement percé le secret.

Je fixai de nouveau le profil du petit blond, et maintenant, j'y reconnaissais des traits féminins, qui ne tenaient à presque rien. Il faut dire qu'à son âge, le corps restait androgyne, et la confusion, facile. Si l'on ne prêtait pas attention, si on ne cherchait pas le changement, on ne le remarquait pas vraiment... mais maintenant que je m'étais concentrée sur ces détails, je ne voyais plus que ça.

Le regard affûté, la conviction au cœur, je m'avançai vers lui, pour m'asseoir en face de lui. Très vite, il sursauta en sentant ma présence, puis leva un regard où filtrait malgré lui l'inquiétude. Je tirai la chaise pour m'y installer, et plantai mes yeux dans les siens. Il déglutit, visiblement mal à l'aise, et je lui souris doucement, espérant le rassurer.

- Il y a un problème ? marmonna-t-il d'une voix grave.

Je l'entendais. Sa voix, un peu rauque, il la forçait pour qu'elle paraisse masculine. C'était à peine perceptible, une fois encore, mais maintenant que j'y étais attentive, je m'en rendais parfaitement compte.

- Le Colonel attend son dossier et commence à s'impatienter, il m'a envoyé pour vous « secouer les puces », selon ses propres termes.

- Je fais de mon mieux pour le finir, répondit l'adolescent en fronçant les sourcils, désignant la paperasse qui s'étalait devant lui.

- Je n'en doute pas.

- Eh bien... ?

Les bras croisés sur la table, je me penchai vers lui pour parler à mi-voix afin qu'il soit le seul à m'entendre dans le silence feutré de la bibliothèque. Instinctivement, il se pencha à son tour.

- Qu'est-il arrivé à votre corps pendant les événements du cinquième laboratoire ?

Bras de fer, Gant de velours - Deuxième partie : Central-cityOù les histoires vivent. Découvrez maintenant