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Orlane a passé sa soirée entre l'épluchage de légumes, le service, la vaisselle. C'est comme si elle avait toujours été là. Elle s'est assise un moment discuter avec une femme et ses deux très jeunes enfants. Cette fille n'a pas besoin de parler. Ses yeux s'expriment pour elle. Ils nous donnent accès à toutes ses émotions. Elle est incroyable, si vivante, si solaire. Si... si tout. Pierre, un des bénévoles, m'envoie un petit coup de coude dans les côtes.

-La lâche pas la petite. Elle est parfaite.

Je souris niaisement mais éclaircis malgré tout les choses.

-Ce n'est pas ma petite amie.

-Hum. Ça ne saurait tarder.

Je le regarde et nous éclatons de rire tous les deux. S'il pouvait dire vrai.
Non, ce n'est pas un coup de foudre. C'est une retrouvaille, celle qu'au fond de moi, bien enfouie dans mon esprit, je devais attendre patiemment. Depuis de nombreuses années. Elle est unique à mes yeux. Elle n'a pas du tout le physique des filles avec lesquelles je couche. Elle a plus de formes. Ses joues sont rebondies quand elle sourit. Elle a des yeux verts pétillants, en forme d'amande. Elle est naturelle, nul besoin de maquillage. Elle est vraie, sincère, authentique, belle à mes yeux.

Le froid nous étreint quand nous nous retrouvons dans la rue.

-Je suis éreintée.

-Tu n'as pas ménagé tes efforts faut dire.

-C'était tellement...

Elle stoppe sa marche au milieu du trottoir et poursuit

-Merci. J'ai adoré ce rendez-vous inattendu.

Elle pouffe de rire et moi aussi. C'est la seule personne avec Henri que j'ai emmenée ici. Dans un de mes univers, un de ceux qui me tient à cœur. Un de ceux dans lequel je me sens utile, sans faux-semblants.

-Je te dois toujours des explications...

-Moui, mais je pense que vu cette belle soirée, je pourrai facilement te pardonner

Cette belle soirée... c'est un ange. Quelle autre fille aurais-je pu emmener ici et l'entendre dire cette belle soirée. Si, les copines de la bande, je le sais. Seulement je voulais garder ce lieu pour moi. Mais sur le nombre des autres filles que je fréquente plus ou moins, combien auraient accepté ? Combien n'auraient pas jeté un regard de pitié, méprisant sur ces personnes esseulées, souvent sales parce que sans abri et qui vivent dans le dénuement le plus complet ? Combien seraient restées ? Alors l'entendre dire ça, j'hallucine -cette belle soirée soirée-, oui elle a raison c'est une belle soirée.

Nous marchons depuis une dizaine de minutes quand la pluie s'invite soudainement et fortement. Nous sommes trempés de la tête aux pieds en moins de deux. Aucun taxis par ici, surtout à cette heure avancée de la soirée. Et nous sommes encore loin de chez nous. Tantôt nous courons, tantôt nous nous abritons sous des porches sans que nos mains ne se soient lâchées un seul instant. C'est si simple, si naturel. Nous rions en sautant dans les flaques d'eau qui se sont formées. Mouillés pour mouillés. J'ai une sensation de liberté, toutes entraves disparues. Est-ce à elle que je le dois ?

-On va chez moi ? Parce que si je te raccompagne jusqu'à ton immeuble, on en a pour pas loin d'une heure et il faudra que je rentre ensuite.

Elle arrête brusquement de marcher. Son regard. Mince, elle s'est trompée sur mes intentions.

-Euh, tu pourras dormir dans la chambre d'amis ou si tu veux je te ramène chez toi. Enfin ouais, c'était une idée stupide.

-T'inquiète, je suis ok tant que tu n'as pas l'intention de me foutre dans ton lit comme toutes les autres.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant