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Orlane

Je suis impardonnable. Je viens de me comporter comme la dernière des salopes. C'est pas moi ça pourtant. Mais qu'est-ce qu'il m'est passé par la tête ? Comment j'ai pu lui faire un truc pareil. Pour le faire payer ? Payer cette souffrance qui ne me quitte pas depuis son départ. Depuis qu'il m'a laissée seule avec mon désespoir. C'est une réaction débile. Il souffre au moins autant que moi, tout le prouve. Il est si maigre maintenant. Un profonde tristesse se dégage de son visage. Et le comble c'est que je le fais plonger un peu plus. Une fois qu'il est parti je me suis réfugiée dans les toilettes du bar pour éviter tous les regards désapprobateurs sur moi.
La porte s'ouvre brusquement me faisant sursauter. Mon frère furieux vient de faire son entrée et je sais bien ce qui m'attend. Des reproches amplement mérités.

-putain bordel ! Tu pouvais pas laisser ton mec à la maison ? Et depuis quand t'as un mec d'ailleurs ? Tu ne nous en a jamais parlés.

-non mais c'est bon calme-toi. Je n'ai pas de leçon à recevoir de toi !

-t'as vu dans quel état il est ! Et toi tu viens le narguer avec un mec qu'on ne connaît même pas. Il souffre pas assez tu penses ? C'est dégueulasse ce que t'as fait.

Il ressort comme il est entré, furieux. Et moi je m'enfonce dans ma connerie et mes mensonges.
Au bout de cinq bonnes minutes je retourne dans la salle et rejoins Baptiste. En réalité, en début d'année scolaire j'ai changé de coloc et Baptiste est l'un de ceux qui partagent l'appartement. Il ne connaît pas grand monde à Paris et manquant de moyens il n'a pu rentrer auprès de sa famille pour passer les fêtes.

-je pense que tu me dois une explication. Je n'apprécie pas du tout avoir été utilisé de la sorte.

-je suis désolée, je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça. Je suis nulle et je viens de me mettre les trois-quart sinon tous les présents à dos.

-c'est certainement mérité. J'en déduis qu'il y a eu une idylle entre ce mec et toi et que ça s'est mal terminé. Tu as voulu le faire payer. Je ne te connais pas depuis longtemps mais je ne te pensais pas capable de faire quelque chose d'aussi lamentable.

Outch !! Et ben lui non plus n'y va pas par quatre chemins. Va falloir que je me fasse pardonner d'une manière ou d'une autre.

*************

Brice

Deux jours que je ne suis pas sorti de ma chambre. Françoise est venue à plusieurs reprises essayer de me raisonner, sans succès. Henri a également tenté me prévenant que Yannis et Adam étaient là, ensuite ça a été Hugo, puis Amandine et les jumelles. Bref ils sont tous passés me voir mais je suis resté cloîtré dans le cocon que représentait ma chambre. Qu'aurais-je pu dire, que mon état est pire que pire ? Ça, ce n'est pas utile, ils l'auraient vu. Je ne parviens ni à manger ni à dormir.

On toque à ma porte et le visage de Françoise apparaît. Elle est blême et dans le même temps j'entends des voix s'élever du salon. L'une d'entre elles me fait tressaillir. Ouais changement d'année mais pour le reste tout est à l'identique. La merde.

-que faites-vous chez moi ? J'aurais aimé avoir un ton sec mais je manque de force pour ça.

-c'est moi qui ai payé cet appartement. Je pense pouvoir y venir quand je le souhaite.

-parfait je vais vous rendre les clés. Laissez-moi une semaine pour que j'enlève toutes mes affaires. Je ne veux rien vous devoir. Je ne veux plus jamais vous voir. Je veux que vous sortiez une bonne fois pour toute de ma vie.

-donc vous comptez fuir une fois de plus vos obligations ? Ça ne se passe pas comme ça dans la vie. Vous devrez faire ce que je vous impose. Ce mariage vous n'y échapperez pas. Pas la peine d'essayer de vous exiler en Angleterre ou ailleurs. J'ai signalé au Juge des Affaires familiales votre grande fragilité psychologique, je ne pouvais rêver mieux que de vous voir dans cet état physique, ça ne fera qu'appuyer ma demande.

-Cassez-vous d'ici ! Dégagez ! Laissez-le vivre. A quoi ça vous sert de le torturer ainsi ? Il devrait porter plainte contre vous pour harcèlement moral !

Le père de mon meilleur ami saisit le Baron par le col de sa chemise et le met dehors en claquant la porte et tournant la clé.
Je reste debout hébété. Qui suis-je à ses yeux pour qu'il me voue tant de haine ? Pour qu'il veuille m'anéantir à ce point. Je retourne dans ma chambre la tête basse. Je vais en plus devoir trouver le courage de faire les cartons pour quitter ce lieu. Ce n'est pas plus mal au final. L'appart est hanté par la présence d'Orlane. Chaque pièce me renvoie son image.

Prenant ce qu'il me reste de courage j'appelle des déménageurs. Ils feront les cartons. Je loue un garde-meuble dans la foulée. Je n'ai plus le choix. Pas la peine de faire traîner les choses.
Françoise et Henri sont dans le salon et parlent à voix basse. Dès qu'ils m'aperçoivent ils stoppent net leur conversation.

-ne tiens pas compte de ses propos. Aucun juge ne sera assez stupide pour donner du crédit aux affabulations de ton père.

Je choisis de clore ce sujet en orientant la conversation vers autre chose.

-Je viens de contacter une entreprise de déménagement. Elle interviendra après demain. Je nous ai réservés des chambres à l'hôtel à moins que vous préfériez allez chez Vincent et Camille.

-tu n'y penses pas ! On ne va pas te laisser maintenant, intervient Françoise.

Le regard d'Henri est dépité. Il secoue la tête de droite à gauche mais ne rajoute rien.

-arrêtez de prendre soin de moi, vous perdez votre temps. Vous voyez bien quoique je fasse tout tourne mal. Tout ce qu'il peut m'arriver de bien n'est pas destiné à durer mais à me faire souffrir un peu plus. Non, je vais annuler la réservation de votre chambre et c'est inutile d'essayer de m'en dissuader.

En fait non seulement j'annule leur réservation mais la mienne également. Ce soir  ils partent dîner chez leur fils et son compagnon. J'ai refusé de me joindre à eux. A peine ont-ils franchi les portes de l'ascenseur que je prépare ma valise.
Une heure plus tard j'arrive à destination. Quand je pénètre dans le hall de l'immeuble, la vision du B et du C entremêlés me fait réchauffe le cœur. Je frappe à la porte de chez Ramón. Il m'ouvre et un sourire illumine instantanément son visage quand il me voit. Ça ne dure pas longtemps. Son sourire se fane à mesure de l'inspection de mon visage et de mon corps. Il reste sans voix, un de plus.

-Bonjour Ramón. Je suis content de te voir. Et je vais droit au but. Il y'a plusieurs appartement d'achevés. Peux-tu me donner la clé de l'un d'entre eux ?

-mais... mais non. Ils sont vides. Y'a pas de meubles, pas même un lit. Vous ne pouvez pas vous y installer.

-ne t'inquiète pas. Dès demain je ferai parvenir quelques meubles de chez moi. Je n'ai pas besoin de grand-chose.

Il finit pas accéder à ma demande. Je me couche à même le sol. Demain je dois me lever de bonne heure. J'ai un rendez-vous qui va changer le cours de mon existence.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant