3

113 13 3
                                    

Nous sommes en rang et suivons notre professeur dans le calme. Quand il ouvre la porte de la classe, nous allons pour nous installer mais il nous interpelle. C'est lui qui va nous placer. Je me retrouve assis auprès d'un blondinet. Nous ne serions pas dans un collège pour garçons, on pourrait se demander si c'est une fille ou un garçon.
Chacun de nous doit écrire sur une feuille, que nous placerons devant nous, son nom et son prénom. Rien que ça c'est agaçant, mon nom de famille étant très long. Enguerand De..........La........... , il n'y a vraiment que les gens de la noblesse française pour avoir des noms à rallonge, et encore je m'épargne d'écrire mon titre et mon second prénom. Pour moi tout ça ne signifie rien. J'observe mes camarades de classe et je réalise que je n'ai rien à faire dans leur monde. Tout en eux indique une classe sociale aisée, noble. Ils ont une posture bien droite, limite rigide, un port de tête altier et des signes de richesses ostentatoires. Je me demande ce que je fais parmi eux. C'est donc ça que mon père veut que je devienne ? Un garçon hautain, qui sue la prétention. Ça me dégoûte. Je ne veux pas être ce genre de personne.
Le blondinet dénote aussi dans cette classe. A croire que le professeur a fait exprès de nous mettre l'un à côté de l'autre. Je jette un œil sur son papier afin de connaître son prénom. C'est marrant, il se prénomme Camille, comme l'enfant avec qui j'avais passé la plus belle après-midi de ma courte vie. Je ne peux retenir un sourire et je vois qu'il fait de même.

- Tu te souviens de moi ? Me chuchote-t-il
Sa voix est comme son visage mi-garçon mi-fille.

- T'es le Camille avec qui j'ai joué quand on était petits ?

- Oui, c'est toi qui habites le grand château. On avait bien rigolé.

- Je suis content que tu sois là ! Je ne me sentirai pas seul à l'internat.

Il me fixe en levant ses sourcils si haut que tout son front fait de minuscules vaguelettes.
- Mais je ne suis pas pensionnaire. Mes parents m'emmènent et viennent me chercher tous les jours.

- Ton chauffeur tu veux dire.

- Non mais n'importe quoi, me dit-il en pouffant de rire, on n'a pas de chauffeur, mes parents savent conduire.

Ses réponses me déstabilisent complètement. Ça veut dire qu'il n'y a pas que des riches dans cette école alors ! Ouf
- Moi je pensais qu'il n'y avait que des nantis ici. C'est ce que j'avais compris avec mon père. Mon commentaire le fait éclater de rire.

- MESSIEURS ! C'est la première heure du premier jour de classe et vous vous faites déjà remarquer.
Tous les regards convergent vers nous. C'est embarrassant, surtout que le professeur vient jusqu'à nous. Il lit nos noms.
- J'aurais dû m'en douter. On m'avait prévenu. Pendant le temps de récréation vous irez chez le directeur.

Quoi ?! Mais qu'est-ce qu'on a fait ? Et puis qu'est-ce qu'il a voulu dire par « j'aurai dû m'en douter. On m'avait prévenu. »

Deux heures plus tard notre cher professeur nous conduit chez le directeur de l'établissement. Il nous demande d'attendre devant la porte pendant qu'il va s'entretenir avec ce dernier. Quand il revient il nous somme d'entrer dans le bureau et referme derrière nous, nous laissant tous les deux avec ce personnage austère.

- Messieurs, messieurs... il soupire. Quand nous avons accepté de vous accueillir dans ce collège nous savions que nous devrions faire face à des difficultés. Néanmoins il ne paraissait pas envisageable que ce soit si tôt. Monsieur Enguerand De.....La...., votre père nous a bien fait comprendre que vous avez besoin de discipline parce que vous n'en faites qu'à votre tête. Vous ne faites pas honneur à vos ancêtres en vous comportant de la sorte. Dites-vous que quand vous sortirez de chez nous, votre père pourra être fier de ce que vous serez devenu.

Je sens une rage monter en moi. Je déteste déjà cet endroit, ce directeur, ce professeur. Et par dessus tout je déteste mon père.

- Quant à vous Monsieur Camille CLAUDEL (désolée je trouvais ça marrant) évidemment on ne pouvait pas s'attendre à grand chose de bon. Vous n'avez aucun titre de noblesse. Vos parents sont de nouveaux riches et ils ne connaissent pas les codes de la haute société, par conséquent ils ne peuvent pas vous les inculquer. La bienséance exige que vous vous teniez convenablement où que vous soyez, que vous vous taisiez devant un adulte. Vous ne devez vous exprimer que lorsque l'on vous y autorise et surtout vous ne devez en aucun cas donner votre avis.

- Autant me sceller les lèvres alors. Mon père ne me donne que des ordres et refuse que je lui parle ! Dis-je très énervé.

Camille attrape discrètement le bout de la manche de mon blaser. Sans doute sa façon de me dire qu'il vaudrait mieux que je me taise. Mais c'est trop tard. J'ai comme qui dirait « poussé le bouchon un peu trop loin Maurice ».

La main du directeur claque sur le bois vernis de son bureau.
- Petit insolent ! Vous ne ferez pas votre loi ici, croyez-moi ! Monsieur CLAUDEL, retournez en cours. Monsieur De......La..... reste le temps que je lui explique deux ou trois petites choses.

Penaud, Camille sort de la pièce après m'avoir jeté un regard emplit d'inquiétude. Autant l'avouer, je suis un peu stressé d'un coup. Je ne sais pas à quoi m'attendre. Rien de bon assurément.
J'attends qu'il me dise ses deux ou trois petits trucs et je commence sérieusement à perdre patience. Ça fait bien cinq minutes que je suis debout devant lui et il n'a pas encore ouvert la bouche. Moi évidemment je me tais puisqu'il nous a bien fait comprendre qu'on n'avait pas droit à la parole. Quel gros con. Non pas qu'il soit gros, mais gros con SI ! En plus je suis sûr qu'il fait exprès de me faire attendre pour voir mes limites. C'est un pervers. Quel gros con ! Mais quel gros con ! Mais quel....

- Pendant toute la semaine vous aurez pour punition de laver les sanitaires de l'internat. Je passerai tous les jours contrôler et si je remarque la moindre saleté, que ce soit dans les toilettes les douches ou les lavabos, je vous ferais recommencer. Me suis-je bien fait comprendre ?

Quel gros con ! Putain. J'essaie de ne pas lui montrer toute la haine que j'éprouve pour lui en cet instant mais je suis certain qu'il la perçoit quand même.

- Quand je pose une question ça attend une réponse !

- Vous nous avez demandé de ne pas parler. Chaque mot est prononcé dans un sifflement. Je ne supporterai jamais d'être dans ce collège. C'est pas possible !!

- Cessez votre petit jeu tout de suite EN.GUE.RAND. J'en ai maté d'autres avant vous. Je ne reculerai devant rien pour que vous rentriez dans le moule. Maintenant retournez en classe et faites en sorte que l'on n'ait pas à se revoir aujourd'hui.

Je sors en claquant la porte le plus fortement possible. Il compte peut-être me mater, mais je ne me laisserai pas faire sans me battre.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant