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Orlane se laisse glisser le long de la porte où son dos reste en appui. Pour discuter sereinement je me mets dans la même position contre son lit. Elle a le visage fermé et je redoute ce qui va suivre. Pas la peine de tergiverser pour autant,

-...

Sauf que rien ne sort de ma foutue bouche. Pourtant ce que je devais lui dire était clair dans ma tête. Je ferme les yeux et me frotte vigoureusement le visage. Une fois de plus face à elle je me trouve intimidé, j'ai peur de tout foirer même si je ne sais toujours pas d'où vient le problème.

Nous sommes au sol, nos jambes allongées, nos pieds se touchent presque, presque. Je me glisse vers elle, attrape ses jambes que j'écarte pour les faire passer de chaque côté de mon corps et je me rapproche le plus possible d'elle. Je prends conscience de notre posture dès lors que je lève les yeux pour la regarder. Putain je suis bête à bouffer du foin. Action réflexion. Je suis stupide stupide stupide !!! Malgré notre position, je ne regrette pas cette approche, je ne me suis pas pris une baffe après tout et puis j'ai besoin de la toucher. Je réalise qu'en sa présence je respire mieux comme si durant ma courte existence un seul de mes poumons avait fonctionné. A présent ma poitrine se remplit d'air. Mon organisme va bien. Reste plus qu'à lui faire part de ce que je souhaite. Avec une voix hésitante, chevrotante et basse,

-Je veux que tu me donnes une chance. Je veux faire partie de ta vie. Je veux d'un Nous.

C'est limite si j'ose l'observer. Si elle me met un vent je préfère ne pas voir son expression, elle risquerait de me poursuivre trop longtemps. Si elle me met un vent ses paroles seront déjà douloureuses à entendre. Clairement mon courage se fait la malle.

-Tu veux d'un Nous ??!! Et tu comptes aussi me demander de te partager avec Capucine et Laura ??

-Quoi ? Mais qu'est-ce que les jumelles ont à voir là-dedans ?

-Elles étaient chez toi hier, non ? Vous avez fini dans le même lit comme cela se produit souvent ?

Je suis sous le choc. Elle connaît beaucoup de choses sur moi, trop vu les interrogations que ça génère.

-Tu n'as donc aucune confiance en moi ? Tu ne peux pas m'accorder un peu de crédit ? L'autre nuit tu m'as demandé si je pensais pouvoir être fidèle.

-Oh oui, je sais. Et tu as eu du mal à y répondre d'ailleurs.

-Ah ouais ?! Et vas-y répète ce que je t'ai dit

-Que...que si tu étais en couple c'est parce que tu aimerais la personne et que tu... Ben tu ne te voyais pas...

Elle ne termine pas sa phrase, ses yeux se sont embués pendant ce laps de temps.

-Si tu veux bien de moi, je ne te traiterais jamais comme une des filles avec qui j'ai pu coucher. Jamais. Je n'ai jamais voulu partager quoique ce soit d'autre que du sexe avec une fille, jusqu'à toi.

-Et les jumelles ?

-Tu ne lâches pas l'affaire, hein ?

Je secoue la tête de droite à gauche. Autant me lancer.

-Les jumelles sont mes amies au même titre que les autres de la bande. Comme tu as l'air de le savoir entre elles et moi il y a eu des plus. Je ne vais pas me trouver d'excuses. Je n'ai rien à cacher de ce point de vue là. Tous les trois on était célibataires et ne faisions de mal à personne. Je les connais suffisamment pour savoir qu'elles ne feront jamais rien pour mettre notre couple en danger, bien au contraire. Enfin ça, c'est si tu veux qu'on soit ensemble.

Pas de réponse. Ça me broie l'estomac mais que puis-je faire de plus. Elle m'a écouté c'est déjà ça.

-Je vais y aller et te laisser le temps de réfléchir.

Je ne peux amorcer le moindre mouvement qu'elle m'attrape la nuque et me rapproche d'elle jusqu'à poser ses lèvres sur les miennes. Je ferme les yeux pour apprécier pleinement ce moment. Mon petit bonheur est de retour.

-La prochaine fois plutôt que de me foutre le cerveau en vrac dis-moi plutôt ce qui te chagrine, ok ?

-Je suis désolée, sincèrement désolée. Je ne sais pas ce qu'il m'a pris. Je ne réagis pas de façon si extrême habituellement.

Je la serre très fort contre moi, j'ai tellement flippé qu'elle ne veuille pas de moi. Elle prend mon visage en coupe et frotte son nez au mien avant de poser ses lèvres contre les miennes. Notre langue envahit la bouche de l'autre et notre baiser devient urgent, passionné. Il prend fin et je me mets à rire en voyant ses cheveux qui sont dans tous les sens à force d'y avoir passé mes mains. Elle a les pommettes rougies, les lèvres gonflées, les yeux pétillants de malice. Elle n'a jamais été aussi belle.

*******
On nageait en plein bonheur, mais pas Yannis. Non, lui avait une nouvelle fois avait voulu nous quitter.
Nous sommes partis en Bretagne après plusieurs jours rejoindre leur famille. On ne pouvait pas venir avant, Orlane avait une évaluation sur son lieu de stage qui compte pour son passage en deuxième année. Tout du long elle faisait la brave, essayant de garder son enthousiasme habituel. Peut-être que les autres n'y voyait que du feu. Pas moi. Quand elle s'enfermait dans la salle de bain, je l'entendais sangloter. Parfois elle se logeait dans mes bras comme si j'étais la bouée de sauvetage à laquelle elle s'accrochait.

Je suis assis sur l'un des sièges inconfortables de l'hôpital. Je suis resté dans le couloir parce qu'en ce moment Orlane est au chevet de son frère. Elle est sensée lui annoncer pour nous et je suis complètement stressé. C'est débile puisque ses parents sont informés et n'ont rien trouvé à y dire. Ceci dit, ils sont très éprouvés alors ce doit être le dernier cadet de leurs soucis.
Camille et Fauve me tiennent compagnie dans ce couloir aux odeurs bien caractéristiques des hôpitaux.
Orlane sort de la chambre. Nous rentrons voir Yannis, Orlane me serre la main. Si elle continue le sang ne va plus circuler dedans. J'en conclus que je ne suis pas le seul à angoisser sur la réaction de mon pote.

-Tout va bien se passer, je l'ai déjà mis en garde !! Dit Fauve en rigolant. S'il lui fait le moindre mal je lui refais le portrait. Je ne prends pas beaucoup de risques, il tient trop à sa belle gueule !!

Intérieurement je la remercie. Elle lui a coupé l'herbe sous le pied, il n'y a plus rien à ajouter.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant