17

66 9 1
                                    

Cette soirée de charité est un vrai cauchemar. Vivement que je me casse d'ici. J'aperçois au loin mon blondinet d'ami qui se marre. Il se fout de moi et je ne peux que le comprendre. Une des jeunes femmes de la soirée me colle aux basques comme une mouche à une bouse. J'ai beau tenter par tous les moyens de m'en débarrasser rien n'y fait. De surcroît elle est inintéressante. Aucune conversation. Elle ne sait que papillonner des yeux. Je sens que Camille n'a pas fini de m'en parler. Le pire ! Je me suis enfermé aux toilettes un petit moment pour respirer, quand j'en suis sorti elle était là à m'attendre. Quelle cruche ! Je vais finir par être désobligeant et ça m'emmerde. Mais elle aussi m'emmerde.
Cependant dans mon champ de vision apparaît ma plus grande hantise. Manquait plus que ça ! Il faut que je mette un terme à tout ça et que je parte vite fait. Après tout j'ai fait acte de présence et un gros chèque. C'est l'essentiel, non ? C'est bien ce que l'on attend de moi.
Je m'empresse de me diriger vers la sortie mais avant d'y parvenir on m'interpelle. Cette voix de faux-cul je pourrais la reconnaître entre toutes. Voici le Baron qui s'approche de moi. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Il me sourit. Ça sent le piège à plein nez. Il joue si bien la comédie que tout le monde se fait avoir, mais ça fait si longtemps que je le vois opérer de la sorte que je sais qu'il me réserve un mauvais coup.

-Mon garçon, non mais pincez-moi je rêve.. mon garçon... je suis heureux de constater que tu passes une bonne soirée en charmante compagnie. Tu veux bien me présenter cette demoiselle ?

Tout mon corps se crispe. J'ai compris. Tout était prévu et comme un con je me suis fait avoir. Cette connasse est de mèche avec mon père. Je tourne mon visage vers elle. J'ai envie de lui faire ravaler son sourire devenu arrogant. Elle fait tomber le masque. Fini la sainte-nitouche chiante et collante. J'ai devant moi la vraie Bérénice de Fougerolle. Putain je me déteste. Elle m'a gonflé toute la soirée par son air nunuche, son attitude de jeune fille stupide. Et là, c'est moi qui me retrouve comme un gland. Ce n'est ni le moment ni l'endroit de faire un esclandre alors je la joue gentil fils à papa.

-Père. Je vous présente Bérénice de Fougerolle. Bérénice, voici mon père le Baron de Carron La Carrière.

Un moustachu avec un ventre proéminent nous rejoint. Il a les mêmes yeux globuleux que la blondasse à mes côtés. Dans ma tête c'est Tchernobyl. Toute vie me quitte. Je subis l'instant présent qui je dois l'admettre a été orchestré de main de maître.

-Ma chérie, tu as fait connaissance d'Enguerand ? Dis-moi qu'il est aussi gentleman qu'on le dit.

Un grand sourire s'installe sur son visage aux joues graisseuses et rubicondes. Il est repoussant au possible.

-Monsieur de Fougerolle, permettez-moi de me présenter. Pierre-Louis, Baron de Carron La Carrière. Enchanté.

Je ne loupe pas le petit clin d'œil qu'ils s'échangent. Je serre les poings et fais un effort surhumain pour ne pas en mettre un dans la gueule réjouie des deux vieux cons devant moi. Bérénice pose son bras dans mon dos. J'ai un sursaut et me dégage mais c'est trop tard. J'ai entendu les crépitements des appareils photos.
Sans plus un mot je pars. J'ai les larmes aux yeux quand je pénètre dans mon appartement. Je comprends que mon père n'a jamais abandonné l'idée de ce mariage et qu'à partir d'aujourd'hui mon destin est scellé. Ça fait cinq bonnes minutes que je suis rentré et que je tourne en rond comme un lion en cage. Je vais exploser. La porte s'ouvre. Camille.

-J'ai tout vu. Je... je ne sais pas quoi te dire.

-Tu peux dire par exemple que je me suis fais baiser comme un couillon. Demain la nouvelle sera dans tous les journaux people. Ils ont remarquablement bien joué.

-Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?

-Si seulement je le savais. Et puis l'autre greluche. Elle m'a bien berné.

Je me frotte le visage de mes mains à de multiples reprises. J'ouvre le bar du salon et prends une bouteille de whisky. Avant que je puisse l'ouvrir Camille s'en empare.

-Tu ne vas pas recommencer ! Ça ne va rien résoudre !

-J'ai envie de me saouler, j'en ai le droit, non ?

-Non, je ne te laisserai pas faire. Pas cette fois. Sa deuxième phrase n'est qu'un murmure et ses yeux deviennent brillants. Il faut que vous arrêtiez. Vraiment. Toi, Yannis qui ne va pas bien non plus même s'il fait tout pour ne pas le montrer. Arrêtez. Arrêtez.

Merde, mon meilleur ami, si joyeux, si lumineux. On est en train de lui foutre les boules. Mais il a raison. L'alcool ne m'aidera pas, je le sais pour être déjà passé par là.

Le bar l'Éden ne désemplit pas. Le rebelle nous a simplement servi mais n'a pas eu le temps de rester discuter avec nous.
La soirée est quelque peu monotone malgré les autres étudiants autour de nous qui sont bruyants et joyeux. A la base il était prévu que l'on fête la réussite de Yannis. Il a obtenu son examen pour entrer chez les pompiers. Il a voulu l'annoncer par surprise à sa petite amie. Le pauvre. Il l'a surprise à s'envoyer en l'air avec un mec... qui n'est autre que son frère. Fauve, qui la déteste, la traite de tous les noms et ne parlons pas des termes employés pour qualifier Arnaud le frère de Yannis.

Les jumelles trouvent quand même à rire en zieutant le portable de Laura.

-Rhoo merde, tous nos espoirs qui tombent à l'eau. S'exclame Capucine. Bon tant pis. Les sœurs foldingues éclatent de rire.

-Qu'est-ce qui vous fait marrer ? Leur demande Fauve.

On est tous attentifs. Elles ont encore trouvé un truc débile sur le net.

-Et bien, Laura et moi voulons croire au prince charmant. Là déjà on pouffe tous de rire, parce que s'il y a bien quelque chose de pas crédible, c'est ça.

-Hey ! non mais ne vous moquez pas. On ne sait jamais. Si ça nous arrive un jour vous aurez l'air malins !

-Mais oui mais oui.

-Bon vous voulez qu'on vous donne le scoop ou quoi ?

On acquiesce en rigolant toujours.

-Y a une future union annoncée. Le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils doivent être super amoureux parce que le mariage n'est pas pour tout de suite.

Des gouttes de sueurs perlent de mes aisselles, dans mon dos. J'ai un mauvais, très mauvais pressentiment. Pour essayer de me donner une contenance je bois mon verre de jus de fruits.

-Une certaine Bérénice nous a piquées le mec que l'on convoite depuis des années. Elle a mis le grappin sur Enguerand . Ce gars doit avoir à peu près notre âge. Ça fait des années qu'il n'est pas apparu en photo.

J'avale de travers et recrache ce que contenait encore ma bouche sur le pantalon d'Hugo. Elles continuent leur lecture comme si de rien n'était. Moi je suis au bord de l'évanouissement.

-Ils vont se marier après les études du jeune Baron. Dans un peu plus d'un an et demi. Putain, mais t'as vu, elle est trop moche ! dit Laura à l'adresse de sa sœur.

Je me sens mal. J'ai des suées. Je m'excuse auprès d'Hugo et lui demande de me laisser passer. Je vais prendre l'air ou rentrer. Ce serait d'ailleurs la meilleure des choses à faire.

Ils ont osé. Comment mon père a pu me faire un truc pareil ! Quel salaud ! Enfoiré de mes deux.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant