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- Alors t'as rempli parcours sup ? Me demande Marvin

- j'sais même pas si je vais faire des vœux.

On y est. Nous devons donner nos souhaits, les premiers. La grande question, qu'est-ce que je veux faire l'an prochain ? Je remue la tête de droite à gauche. Comme si j'avais le droit d'avoir des envies.

- Brice, arrête de plaisanter. Dis-nous tout.

Voilà que Léa s'y met aussi. Ils vont continuer longtemps à me faire chier là ?! On est en classe tous à s'interroger les uns les autres pour savoir qui s'oriente vers quoi et où l'année prochaine. Tous sauf moi. Je ne vais pas décider. Cette fois-ci pas la peine de menacer Le Baron, il a pris les devants. Il n'en a plus rien à faire de mon chantage. C'est ce qu'il m'a dit hier. Parce que oui après tout ce temps, il m'a appelé pour exiger que je sois en fac de droit à la rentrée prochaine. Ce que moi je voudrais il s'en fout complètement. Pourtant c'est simple, je veux travailler dans le social. Pff, alors le droit... j'en chialerais. Il me bouffe la vie. Il veut me contrôler et me fait perdre pied. Pour couronner le tout, les parents de Camille viennent de m'apprendre qu'ils partent s'installer à Londres. Ça m'a foutu un sacré coup. J'ai le moral au plus bas. Mon meilleur ami va partir loin de moi. Après le bac je vais me retrouver seul. Et même si je ne le montre pas ça m'effraie. Je n'aurai plus personne. Ma mère que je persiste à aller voir alors qu'elle est dans un monde qui n'appartient qu'à elle et maintenant eux qui sont les seules personnes qui ont de la considération pour moi, un peu d'amour peut-être aussi. Je n'en ai pas dormi de la nuit. Bien sûr j'ai des copains ici au lycée. On fait des soirées, on se tape des gros délires mais ils ne savent rien de moi. Rien.
Il me reste trois jours pour remplir cette fiche. Ces petites cases que l'on doit renseigner sur internet et confirmer d'un clic. Alors ce matin, franchement je n'ai pas envie de bavarder. Je n'ai même pas envie de me trouver là à les écouter parler des études qu'ils souhaitent faire. C'est insupportable. Camille qui est plusieurs rangs devant moi se retourne sans arrêts. Il doit voir à ma tête que ça ne va pas. Et non, non. Ça Ne Va Pas.
A l'inter-classe, je me barre. Je rentre chez moi et me fous au lit. Pas pour dormir, juste pour me mettre en boule et... pleurer.

J'ai l'impression que ça fait des heures que je suis recroquevillé comme ça et que je broie du noir quand j'entends la porte d'entrée s'ouvrir et se refermer. Augustine doit être venue me préparer de bons petits plats. Va falloir que je trouve l'énergie de me lever pour au moins la saluer. Mais le courage là me fait sacrément défaut. Elle va voir que j'ai pleuré et va paniquer. Elle est comme ça Augustine, adorable, à toujours s'en faire pour moi.
La porte de ma chambre s'ouvre et ... Henri.

- Camille m'a appelé. Il est en mode stress depuis que tu es parti du lycée. Pourquoi t'as fait ça ?

- Je suis patraque.

- Tu as conscience que tu n'es pas du tout crédible, me dit-il en s'asseyant au bout de mon lit. Est-ce en rapport avec le fait que l'on parte ? Et je veux la vérité cette fois.

Incapable de répondre je me recroqueville encore plus et cache ma tête sous la couette. Je fais preuve d'une grande maturité sur ce coup-là. Mais quoi. Lui dire que je ne veux pas qu'ils s'en aillent, qu'ils me laissent derrière eux. Que j'ai besoin d'eux. Je ne vais pas les faire culpabiliser de vivre et de suivre leurs envies. Je ne vais pas leur reprocher de ne plus s'occuper de moi alors que ce n'est clairement pas leur rôle. Je ne vais pas leur dire que j'ai peur de ce que je vais devenir. Que j'ai peur de l'avenir. Peur d'être seul. Seul malgré ma fortune, seul malgré mon nom même si je ne veux plus jamais le porter. Seul parce que ma mère a sombré dans la folie et seul parce que mon père me déteste. Et qu'en plus de ça je vais devoir faire des études qui ne m'intéressent pas.

- Londres ce n'est pas le bout du monde. Tu pourras venir pendant les vacances, on s'appellera et

- et plus rien ne sera pareil. Les larmes que je retenais depuis qu'il est entré dans ma chambre jaillissent comme si une digue venait de se rompre et que l'eau engloutit tout sur son passage.

- Camille n'a pas pris de décision. Il n'est pas certain qu'il vienne avec nous. Il réfléchit.

Je sors progressivement ma tête de sous la couette et regarde enfin Henri. Si je n'étais pas dans cet état, je crois que cette scène serait risible, mais le cœur n'y est pas.

- Il ne va pas se sacrifier pour moi, hein ? Vous êtes une famille. Il vous aime et vous aussi vous l'aimez. Il a besoin de vous.

Il pouffe

- Ce sera son choix. Tu sais peut importe les raisons qui le feront rester ici ou venir avec nous. On ne veut pas influer sur sa décision. Et quelle qu'elle soit, il pourra tout à fait changer d'avis. Rien n'est écrit d'avance. Alors si jamais il veut rester près de toi pour X raisons et bien soit. C'est vite fait en avion tu sais. On veillera sur vous même si on se trouvait à l'autre bout du monde. Et je vais te dire autre chose. Alors écoute-moi bien. Ça fait sept ans que l'on te connaît, que l'on partage ce que je pense, ce que j'espère être de bons moments avec toi. Tu viens régulièrement à la maison. On vient ici. On t'emmène en vacances avec nous. Certes tu n'es pas notre fils. Mais si nous avions pu en avoir un deuxième nous aurions aimé qu'il soit comme toi. Avec tes valeurs, celles que tu t'es toi-même inculquées. Tu as ta famille qui vaut ce qu'elle vaut. Et tu nous as nous, parce que nous t'aimons sincèrement Brice. Tu n'es pas juste un ami de notre fils. Tu es bien plus que cela à nos yeux et jamais, tu m'entends jamais nous te laisserons tomber. Dès que tu auras besoin de nous pour quoique ce soit, nous serons là. Notre éloignement n'est que géographique.

A ces mots, je ris, je pleure. Je ne sais plus trop. Tout ce que Henri vient de me dire me réchauffe le cœur. J'avais besoin de l'entendre. J'ai confiance en eux alors je le crois quand il me dit qu'ils seront toujours là pour moi. Je sors de mon lit et lui saute dessus pour me retrouver dans ses bras et le serrer le plus fort que je puisse. C'est sur ces entrefaites que Camille pénètre dans ma chambre et vient se rajouter à ce câlin... particulier.

- J'ai décidé de rester, nous annonce celui-ci avec un grand sourire affiché sur son visage androgyne.

- Tu... tu es sûr ? C'est pas à cause de moi ?

- Et si je te disais que si, tu dirais quoi ?

- ....

- Rien à redire donc. Papa, tu en penses quoi, toi ?

- Maman et moi t'avons dit que nous accepterons ton choix. Si tu y as bien réfléchi, nous ferons comme tu voudras.

- Affaire réglée alors.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant