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Je me les pèle putain ! J'ai parfois de ces idées. Action réflexion. Maintenant que je suis au bas d'un immeuble dont je ne connais que cette foutue porte de hall d'entrée fermée, je réalise que le fait d'attendre dans le courant d'air glacial est complètement crétin. Je suis frigorifié et je claque des dents, mon nez doit être aussi rouge que le phare de Belle Île. En bref pas franchement beau à voir. Je tente de me réchauffer en me tapant les mains et en faisant les cents pas. C'est peine perdue. Rien n'y fait. Par contre mes idées, elles, bouillonnent. Je m'imagine de multiples scenarii sur sa réaction en me voyant. Le pire c'est que si ça se trouve elle est bien au chaud dans son appartement et ne va pas en sortir pendant plusieurs jours vu le froid de canard du moment. Ou alors elle est à son stage et va terminer tard ce soir. Ou alors elle est avec des amies à faire du shopping. Ou alors elle est avec un ami, un petit ami ? Non ça je refuse de le croire. Ce n'est pas ce genre de filles mais après tout je ne la connais pas assez pour ne pas laisser le doute s'immiscer dans mon esprit. Non non, elle n'est pas comme ça. J'en suis certain. Quoique. Rrrhhhhhaaaaa. C'est de la torture mentale.

Peu importe ce qu'il adviendra, il faut que je sache. Que je sache pourquoi son humeur s'est modifiée, pourquoi nous n'étions plus que deux inconnus à marcher dans la rue allant dans la même direction, jusqu'à cet immeuble.

Un mec de mon âge fait le code d'entrée devant moi et avant que la porte puisse se refermer je saisis l'opportunité et m'engouffre à l'intérieur du bâtiment. Il me lance un regard suspicieux.

-Vous n'habitez pas ici. Vous chercher quelqu'un ou quelque chose ?

-Je... au purée, il est méfiant le gars, il ne fait rien pour me mettre à l'aise. J'ai une amie qui vit dans cet immeuble mais je n'ai pas trouvé son nom sur les sonnettes.

-Hum. Et c'est qui cette amie ? Je la connais peut-être.

Il me regarde de haut en bas et de bas en haut avec un air arrogant, du genre de celui que j'affichais lors des galas auxquels je devais paraître sur ordre du Baron. De l'histoire ancienne tout ça. Et sans le vouloir, un rictus s'affiche sur mon visage. Le regard noir du mec m'indique qu'il a cru que ça lui était destiné, or c'était simplement à la pensée du Baron. Il me scrute comme si j'étais un pervers sexuel en attente d'une proie. Je déteste la façon qu'il a de m'examiner. J'essaie de faire abstraction de tout ça parce qu'après tout j'ai une chose bien plus importante à faire et je n'ai pas l'envie de me prendre la tête avec un guignol qui veut s'inscrire en sauveur de l'univers.

-Je recherche Orla..

Je n'ai pas l'occasion de terminer son prénom qu'il m'interrompt avec un ton peu amène.

-Qu'est-ce que tu lui veux à Orlane ? Elle t'a pas invité sinon tu serais déjà dans l'appart alors je te conseille de dégager.

Putain mais qu'est ce qui a mis un con pareil sur mon chemin ? Encore une fois je m'efforce de tempérer ma tempête intérieure et use de mon éducation, celle où il faut paraître, et d'un ton calme et poli

-En fait je viens de la part de son frère Yannis, c'est la raison de ma présence. En aucun cas je ne souhaite l'importuner.

Mon mensonge a l'air de faire son petit effet et il se montre moins sur les dents.

-Ok, j'ai cru un instant que t'étais le connard qui l'a rendue taciturne.

C'est comme si je venais de me prendre un uppercut en plein dans le sternum. Mais je n'ai pas le temps de rester réfléchir à ce qu'il vient de dire puisqu'il m'invite à le suivre.

-Je suis un de ses colocs. Je m'appelle Bryan. Et toi, c'est quoi ton prénom.

Merde, qu'est ce que je dis ? Si jamais je suis le fameux « connard », il y a des risques pour ma petite gueule qu'il connaisse mon prénom. Et je n'ai aucunement l'intention de me prendre son poing sur celle-ci.

-Moi c'est Camille.

Pitié, pourvu qu'ils ne se soient jamais rencontrés. Il hoche la tête et à mon plus grand soulagement ne poursuit pas la conversation.

En ouvrant la porte de leur appartement il appelle Orlane d'une façon qui ne me plaît pas, mais alors pas du tout.

-Orlane, ma puce. Y a un Camille qui est là pour te parler de ton frère.

Ma puce...un Camille. Non mais il plaisante ce con ?

-Tu sors avec elle ? Je demande l'air de rien.

Moi qui avait froid y a pas encore cinq minutes, à présent mon sang bout dans mes veines et je meure d'envie de lui coller une droite en plein visage et de lui défoncer le nez.

-Nan, pas encore mais ça ne saurait tarder. Vu qu'elle a une peine de cœur, je la réconforte. Rien de tel pour des rapprochements si tu vois ce que je veux dire. Bientôt elle sera dans mon lit et je pourrai la sauter comme jamais elle ne l'a été.

Il accentue son propos par un clin d'œil. Et après ça c'est moi le connard ! Je serre les poings et m'apprête à lui sortir une réflexion cinglante tandis que la raison de ma venue apparaît. Quand elle m'aperçoit elle écarquille les yeux. Juste quelques secondes et elle prend une attitude calme mais distante.

-Camille ?? Malgré la situation elle esquisse un sourire que je qualifierais de narquois. Que fais-tu ici ? Tu aurais pu m'appeler plutôt que te déplacer.

Ouais ok, elle n'est pas ravie de me voir néanmoins elle joue le jeu puisqu'elle ne rectifie pas le prénom que je me suis approprié. Peut-être pour me protéger du gorille qui n'attend qu'une chose, décalquer le « connard », mais ce que je retiens le plus, sauter Orlane. Sérieux, elle pourrait mieux choisir ses colocs. Faut que j'en parle à son frère.

-En fait je préfère te parler face à face et seul à seule.

-Mouais, comme tu veux. Viens, on va discuter dans ma chambre.

Avant que je puisse la suivre l'autre imbécile me glisse à l'oreille.

-Heureusement que je sais que t'es PD sinon je t'aurais pas laissé la suivre.

Je ferme les yeux et me raisonne avant de commettre un meurtre. Si jamais je n'arrive pas à me retenir, ce dont je suis certain c'est que le « PD » m'aidera à faire disparaître le corps. Avant d'en arriver à de telles extrémités je me précipite derrière Orlane.

Une fois dans sa chambre, elle ferme la porte derrière nous et colle son dos à celle-ci en croisant les bras sur sa poitrine.
Bon ben c'est pas gagné.

-Pourquoi t'es là ?

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant