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Les parents de Camille ont passé une quinzaine de jours chez moi. Leur fils en a profité pour leur présenter Vincent. C'est bien la première fois que ça lui arrive. Il était trop stressé, c'était marrant à voir. Cette histoire prend donc une allure très sérieuse. J'apprécie de découvrir celui qui rend heureux mon meilleur pote. Il est plus âgé, plus mature que nous qui pouvons nous révéler encore de véritables gamins, surtout quand toute la bande est réunie.

Pendant le cours laps de temps où ils sont venus pour moi, encore une fois, j'ai entraîné Henri pour faire la distribution des repas aux personnes dans le besoin. Bon on va dire, qu'il n'a rien servi, trop occupé à parler avec les personnes présentes, autant les bénévoles que les nécessiteux. Ramòn fait toujours parti des indigents. Lui et moi avons créé une certaine complicité et je suis ravi que Henri et lui aient beaucoup discuté et se soient bien entendus. Je suis tellement admiratif du père de Cam. Lui ça ne le dérange pas de passer du temps auprès de sdf, de camés. Il n'est pas rebuté de leur serrer la main. Tout ce que mon père exècre.

Les parents de Cam ne sont pas restés très longtemps puisqu'ils ont vu que mon supposé mariage ne me posait plus de problème et que j'avais enfin fait une croix sur ma relation avec mon père. Ils sont rentrés en Angleterre tranquillisés.

Les jours suivants se passent comme d'habitude. Les cours, les potes, les sorties. Tout était normal jusqu'au drame. Jusqu'au choc. Jusqu'à ce que l'on se rende compte que l'un de nous se sent si mal dans sa vie, souffre tant qu'il a tenté de mettre fin à ses jours. Dans ces moments là on s'en veut de ne pas avoir vu, de ne pas avoir réalisé. On cherche dans notre mémoire tout ce qui aurait pu nous alerter, tout ce qui aurait dû nous alerter. Et oui, mis tout bout à bout, il y avait des signes et c'est horrible de penser qu'on n'est passé à côté de tout ça. Pour chacun de nous c'est une terrible épreuve mais particulièrement pour Fauve et Camille. Eux connaissaient les crises d'angoisses de Yannis. Nous autres on en avait connaissance mais jamais nous n'avons imaginé l'ampleur de celles-ci.

Yannis a été retrouvé par Fauve et Jehann. C'est ce dernier qui nous a prévenus. La tigresse étant bien incapable de communiquer. Son meilleur ami, même plus que cela, a failli la quitter pour toujours. Nous quitter. Ce drame nous a tous rapprochés davantage encore. Chacun de nous devait faire face et tous avec des réactions différentes. Notre rebelle est très en colère. trop ?! Il s'est même énervé après Yannis. Les jumelles pleurent. Hugo s'occupe d'Amandine complètement anéantie. Fauve n'est plus que l'ombre d'elle-même. Elle pleure beaucoup et reste en permanence accroché à son petit ange comme elle aime l'appeler. Camille ne veut pas que l'on en parle à Adam. Pourquoi ? Aucune idée. Mais c'est pas le moment de poser des questions. Seul compte Yannis.
Moi ? Je ne sais pas. Je ne sais ni quoi faire ni quoi dire. Je me sens inutile. Je me sens mal. Je m'en veux. Je n'ai pas été un ami suffisamment attentif, présent. Je prends du temps pour venir en aide à des personnes que je ne connais pas et je n'ai rien fait pour une des personnes les plus précieuses à mes yeux.
Heureusement il est hors de danger. Mais on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'il en aurait été si Fauve et Jehann n'étaient pas rentrés à l'appart au « bon moment ».
Je me dis que mes problèmes familiaux sont minimes par rapport à ce qu'il vit. Cette détresse. C'est terrible parce qu'il nous a toujours dit qu'il avait des parents géniaux, que tout allait bien dans sa vie. Sûrement que oui, il avait un bon entourage. Mais Yannis nous a toujours montré une certaine fragilité. Il est tellement soucieux des autres, que c'est une véritable éponge. Il déteste voir les gens malheureux et ça le ronge intérieurement.

Toute la bande est rassemblée dans le salon de la coloc. Yannis ne va pas tarder à rentrer de l'hôpital. On est là pour lui montrer que l'on veut le soutenir dans cette épreuve. On ne va pas s'attarder, on veut simplement l'accueillir.

Puis enfin il est arrive. Il est accompagné de Fauve. Aucun de nous ne sait vraiment comment se comporter. On lui sourit. Il nous observe et part dans sa chambre, sans un mot. Je pense qu'il a peur qu'on ait pitié de lui. Ce n'est pas le cas. Qu'il a honte ? Il ne faut pas. On a mal pour lui. On aimerait tellement lui enlever une part de son mal-être, on voudrait tellement qu'il aille mieux. Que jamais il ne recommence. On s'apprête tous à partir. On ne veut pas le mettre plus mal à l'aise qu'il ne l'est déjà. Au même moment sa mère et son père rentrent dans l'appartement suivi d'une jeune fille. Je suppose qu'il s'agit de sa sœur. Lorsque je la vois complètement, mon esprit mon coeur sont pris dans un tourbillon. Un truc de dingue.
Ces yeux, cette bouille, je les connais. Je me retrouve transporté plusieurs années en arrière. Je suis quasiment sûr que c'est elle et je suis heureux. Aussitôt je reviens à l'instant présent et je m'en veux. Comment je peux me réjouir alors que mon ami souffre là à côté dans sa chambre et que sa famille aussi puisque sa mère éclate en sanglots. J'ai honte.

Tous nos potes sont partis sauf bien entendu les colocs et moi. Je ne sais pas mais quelque chose me pousse à rester. Je me rends utile en allant préparer du café et du thé. Je pique également des bonbons dans la réserve de Fauve. Je dépose le tout sur la petite table de salon et sers tout le monde. Je m'approche de cette jeune fille et lui tends un bonbon

-Ça fait du bien quand on a mal au cœur. Je lui murmure.

-C'est ce que me dit toujours maman. Me répond-elle dans un souffle

-Je sais.

Elle me regarde et j'ai la confirmation que je ne me suis pas trompé. Je sais que c'est la petite fille qui avait voulu me consoler en me donnant un bonbon quand mon père m'avait laissé seul au pensionnat alors que tous les élèves étaient rentrés dans leur famille pour les vacances. Je me souviens de ce jour si particulier. L'ouverture du sac qu'Henri m'avait donné, l'essai du skate dans la cour de l'école et elle. Elle était apparue et j'avais aimé sa présence même si cela avait été très bref. D'une certaine façon elle avait embelli ma journée.

Aujourd'hui elle doit avoir dix-huit dix-neuf ans. Elle a les yeux rougis d'avoir trop pleuré. C'est étrange mais je voudrais tout faire pour la consoler. Néanmoins ma place n'est pas ici. Je me lève et salue la famille de Yannis, Fauve et Camille. Mais avant de partir, celui-ci me demande si je veux bien raccompagner Orlane, oui c'est bien elle, il n'y a plus de doute possible. Elle habite dans un quartier à une demi-heure à pieds du notre. Il préfère que quelqu'un l'accompagne vu son état.

L'habit ne fait pas le moine (Tome 3)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant