Il faisait beau ce jour-là. J'avais réussi à prendre mes marques depuis les deux semaines où je m'étais installée en suisse. J'avais sorti les sandales à talons et une tenue printannière comme le soleil me mettait de bonne humeur. Alors que je marchais dans la rue qui me reliait à mon lieu de travail, je laissais mes cheveux blonds éclaircis par les rayons du soleil sécher avec la brise.
A l'heure de ma pause déjeuner, je me dirigeais vers le même bistro où j'avais pris l'habitude d'aller, et qui donnait sur les rives du Léman. Il était un peu loin de mon lieu de travail mais la vue était un tel bonheur que je faisais le trajet avec plaisir. Je commandais au serveur mon déjeuner habituel et chaussai mes lunettes de soleil. Il faisait chaud, j'avais le fameux jet d'eau de Genève en face de moi et j'effectuais un stage qui m'intéressait. Tout était parfait. Je sortis un roman et mon téléphone, au cas où ma responsable tenterait de me contacter.
Alors que le serveur m'apportait mon déjeuner, un groupe bruyant arriva et s'installa en face de moi. Trois garçons et deux jeunes femmes s'assirent de manière fort peu discrète, jurant comme des crétins. Je soupirais, ma tendance à la misophonie ne m'aidait pas à supporter ce genre de comportement, mais fut interrompue par la sonnerie de mon téléphone.
- Allo ? répondis-je.
- Hey, Tony ! C'est Seb. Comment vas-tu ? me dit la voix qui sortait de mon téléphone.
- Sébiche ! Ça me fait plaisir de te parler. Ça va plutôt bien, je fais mon stage à Genève en ce moment. Je prends mon déjeuner en terrasse, eheh.
Quand je finis ma phrase, un des garçons de la table face à la mienne se retourna et plongea ses yeux dans les miens. Federico se tenait face à moi. Malgré le fait que je ne l'avais pas vu depuis des mois, je le reconnu si facilement que mon cœur eut des ratés.
Le croiser de façon inopinée sonnait le début de ma vengeance.
Je détournais les yeux et plaçais mes lunettes sur le dessus de mon crâne, retenant mes cheveux. Je me mis à jouer avec ma fourchette.
- Tu restes combien de temps ? me demanda mon ami.
- Je reste quatre mois.
Je vis Federico se tourner de nouveau vers moi. Qu'il écoute la conversation, ça lui ferait les pieds. A aucun moment je ne croisai son regard, je l'ignorai ostensiblement avec un grand plaisir - et une grande boule à l'estomac aussi mais ça je le gardai pour moi. Mon cœur battait si fort que j'avais du mal à me concentrer sur ce que me disait Sébastien.
- Génial ! Dis-moi, je voulais te demander si ça te dirait une semaine en Toscane avec Yas et Léa en septembre ? On est en train de voir ça avec Yas, on voulait savoir si t'étais dispo ?
- Ouh lala ! Oui bien sûr, Toscane en septembre ça me dit ! Avant de repartir pour le master ça sera parfait. Je pense rentrer fin aout, dis-je, excitée par la perspective de partir en vacances au soleil.
- Génial ! On se tient au courant alors, je dois appeler Léa encore et on fixe ça, me dit Sébastien.
- Oui, tu me diras pour Léa. On se parle plus tard ? J'ai une petite pause déjeuner.
- Oui moi aussi ! Allez à bientôt.
- Bisous Sébiche, à plus.
Je raccrochais et finis mon repas, tentant de me concentrer sur mon roman, mais je n'arrivai pas à dépasser la page sur laquelle je m'étais arrêtée. Je demandais l'addition
- Vous ne voulez pas un dessert ? demanda le serveur.
- Non, c'était parfait mais assez consistant.
- Café ?
- Eh bien oui, un expresso s'il vous plait.
- Je vous apporte ça tout de suite avec l'addition.
Effectivement, quelques minutes après ma commande le beau serveur m'apportais ma tasse fumante.
- Vous êtes pressée ? me demanda-t-il.
- Je reprends dans une dizaine de minutes.
- C'est court ! Où travaillez-vous ?
- Je suis en stage chez Bongenie-Grieder.
- Intéressant. Vous étudiez à Genève ?
- Non, je viens de Paris.
- Si la jolie parisienne a besoin d'un guide, vous savez où je travaille.
- C'est très gentil de votre part.
Je me levais quelques minutes après pour payer l'addition. Sachant que Federico remarquerait mes mouvements, je fis en sorte de claquer mes talons sur le sol pavé avec détermination. Je fis glisser mes cheveux clairs derrière mon oreille et jouais distraitement avec une mèche en réglant l'addition.
Je saluai le gérant et quittai le restaurant pour rejoindre mon lieu de travail.
A la fin de ma journée seulement, je rentrais chez moi, allumais mon enceinte et laissais la musique se propager dans mon appartement. Je m'allongeais sur mon lit et fixais le plafond. Une légère tâche sombre dessinait une sorte de grosse pomme au-dessus de mon lit. Je laissais mon cerveau aller à ses réflexions, élucubrations et diverses pensées. Malheureusement elles étaient toutes destinées à Federico.
Je revoyais son visage lorsqu'il s'était tourné vers moi. Ses lèvres, ses yeux, son sourire lorsqu'il riait avec ses amis. Je pouvais encore sentir sa bouche sur la mienne, ses bras qui m'enlaçaient, sa voix dans mon oreille, ... Il m'avait vraiment manqué.
Je passais une demi-heure ainsi. Mes yeux traçaient les contours de cette grosse pomme sombre sur mon plafond alors que mon esprit ne cessait de vagabonder. Mais au bout d'un moment je ne tenais plus et retombais dans mes anciennes habitudes. Je me levais, chaussais mes baskets, ma tenue de sport, enfermais ma tignasse dans une queue de cheval haute, enfilais mon brassard avec mon téléphone branché à mon casque audio. Je cachais ma clef dans ma brassière et claquais la porte derrière moi.

VOUS LISEZ
Laisse tomber j'ai plus mal
RomanceIl me court après, je le vois bien. Les hommes se liquéfient souvent face à une jolie courbure de reins. Mais non il ne m'intéresse pas. Bien sûr que non. Après oui, j'aime bien sa bouche il faut se l'avouer, ses rides rieuses, ses chaussures touj...