Chapitre 2-1

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Lizzie se tenait dans l'ombre de son frère. Elle était jeune et elle le savait. Elle savait qu'elle ne pouvait pas tout comprendre. Mais elle avait très bien vu que ses parents étaient malades. 

D'abord, sa mère était venue la chercher à la crèche. Lizzie n'aimait pas la crèche, elle était beaucoup plus âgée que les autres enfants là-bas. Mais ses parents travaillaient le week-end, alors elle devait y aller. Ce jour-là, sa mère était venue la chercher plus tôt que d'habitude. Lizzie n'avait pas compris ce qu'elle disait à la surveillante, mais elles étaient reparties ensemble. Arrivées à l'appartement, sa mère l'avait mis devant la télé. Elle lui avait dit : 

   - Regarde un dessin-animé d'accord ? Maman va aller se reposer un peu. 

Lizzie ne dit rien car elle était contente de pouvoir regarder La Reine des Neiges, mais elle savait déjà que quelque chose n'allait pas. Sa mère ne veut jamais qu'elle regarde la télé. 

Ensuite, environ une heure plus tard, c'est son père qui est arrivé. Il ne l'a pas vu. Lui aussi est parti se reposer. 

Quand le film fut terminé, Lizzie, qui était toujours seule dans le salon, joua un peu sur la tablette. Obnubilée par les écrans, elle aurait oublié ses parents si l'un deux n'avait pas toussé fortement. 

Elle se leva, se dirigea vers la chambre à coucher, et essaya sans succès d'atteindre la poignée. Lizzie était petite pour son âge. Son échec ne la fit cependant pas baisser les bras et elle alla chercher le petit tabouret de la cuisine, celui que sa mère utilise pour ranger les moules à gâteaux dans le plus haut placard. Avec l'objet, elle put attraper la poignée et pousser la porte. 

L'élément qui alarma le plus Lizzie ne fut pas la sueur sur le front de ses parents, ni leur souffle rauque. Ce ne fut pas de les voir dormir en milieu d'après midi, ni qu'ils soient agités de frissons dans leur sommeil. Non, ce fut l'odeur. Se dégageait des deux adultes un relent de pourriture, comme du poisson qu'on aurait laissé trop longtemps au soleil. La jeune fille fut prise d'une peur si forte que ses parents soient en train de mourir qu'elle fit une chose qu'elle n'aurait jamais pu faire dans d'autres conditions. Elle s'assit sur le canapé et, sans bouger d'un cil, elle attendit le retour de son grand frère. Elle pleurait intérieurement.

Maintenant qu'il était là, elle n'avait plus peur. Il a été un peu brusque quand il est arrivé. Il lui a dit de ne pas bouger, que tout irait bien. Sauf que si tout allait bien, il ne serait pas aussi stressé. Ça aussi, Lizzie l'avait vu. Il ne s'était détendu qu'à l'arrivée du monsieur aux mains froides. Son frère lui avait dit : 

   - Ce monsieur, c'est l'urgentiste. Il faut être gentil avec lui car il va sauver papa et maman.

Mais le monsieur avait les mains froides, et Lizzie ne l'aimait pas. 

Elle fut contente lorsqu'il quitta l'appartement, mais la discussion qu'il eut avec Thomas ne sembla pas très joyeuse. Lizzie en surprit une phrase ou deux.  

   - Je suis navré jeune homme, cela ressemble à une infection virale mais... Je n'ai jamais vu quelque chose d'aussi étrange. Vos parents présentent des symptômes d'infection comme s'ils étaient malades depuis plusieurs jours, sauf que les tests ne parlent que de quelques heures. C'est à ne rien y comprendre. 

   - D'accord... Il poussa un soupir d'impuissance, puis reprit : Merci de vous être déplacés. 

Ils échangèrent une poignée de main, et le médecin lança une dernière phrase avant de s'engouffrer dans l'ascenseur : 

   - Gardez la petite à l'écart. Ça pourrait être contagieux. 

Son grand frère hocha la tête et ferma la porte. Quand il s'assit sur le canapé, il semblait avoir pris 20 ans. Machinalement, il s'empara de la télécommande de la télé et alluma celle-ci. N'ayant rien envie de regarder, il passa sur la chaîne des infos. Lizzie le savait, c'était le même présentateur que son père regardait à vingt heures. Si elle était censée être couchée, elle se relevait toujours pour voir un peu la télé. 

Le présentateur était très pâle malgré son maquillage mais Lizzie était trop jeune pour le remarquer. Jusqu'à la pub, il parla des marchés financiers, de programmes électoraux ainsi que d'une dame qui posait des affiches pour retrouver son chien.  

Ensuite, Lizzie ne comprit plus rien. Mais son frère était si tendu et prêtait tant attention aux paroles du journaliste qu'elle essaya d'en retenir un maximum, pour lui demander des explications ensuite. 

   - ... sommes dans la tristesse de vous annoncer qu'un virus inconnu de nos services s'est installé dans la quasi totalité du globe. Il semblerait que seule l'Australie ne soit pas touchée, pour le moment. Le pays a d'ailleurs pris de fortes mesures pour protéger ses habitants du virus. Dans tout les autres pays, le virus est déjà trop présent pour tenter quoi que ce soit. Les chefs d'états se sont tout de même mis d'accord pour stopper toutes sortes d'activité. Ainsi, le gouvernement français s'est enfermé dans l'Elysée, et nous sommes dans la joie de vous annoncer qu'aucun homme politique présent sur place n'a déclaré de symptômes de maladie quelconque. Les hôpitaux sont saturés, les... 

Lizzie, n'y tenant plus, demanda à Thomas : 

   - C'est grave ? 

   - Chut Lizzie, j'écoute. Après. Répondit il en augmentant le son

   - ... président, Edouard Druegger, est navré de ne pas pouvoir vous parler ce soir. Il travaille en ce moment même avec ses ministres pour tenter de trouver une solution. En attendant, nous vous prions de rester chez vous au maximum, il est possible que certaines personnes ne soient pas encore contaminées. Nous vous rappelons également que... Keuf ! Keuf ! Le journaliste s'arrêtait un instant pour tousser lorsque une toux plus forte encore se fit entendre, derrière la caméra. Un agent du personnel se trouvant autour venait de cracher comme un morceau de viande rouge, dégoulinant de sang. La même quinte de toux secoua le présentateur, et un nouveau morceau écarlate rejoignit le premier. Les caméras furent coupées.    

Un moment de silence suivit leur extinction. Lizzie n'osa pas parler et elle attendit sans bruit à côté de son frère. Il la prit dans ses bras et lui couvrit les oreilles mais elle entendit tout de même les deux horribles toux dans la chambre à côté. D'abord sa mère, puis son père.

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NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant