Chapitre 7-1

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Ils avaient encore roulé deux heures et Thomas se disait qu'ils devraient être encore une heure de leur objectif. Ils plaçaient tant d'espoir dans la ville de Lyon qu'il était persuadé qu'ils seraient déçus. Pourtant, il ne pouvait pas s'empêcher d'espérer. Espérer que le virus n'ait pas atteint la ville, qu'ils pourraient intimer à des services de secours d'aller aider Maria à Montpellier, que Lizzie puisse se faire soigner... et, surtout depuis son étrange rêve de la nuit passée, et bien qu'il ait honte d'y penser, Thomas espérait que Alix serait là-bas. 

Plus que jamais, il avait besoin d'elle; et pour la première fois, il avait envie d'elle. Petit, il avait lu un livre qui disait que dans les situations apocalyptiques, l'humain retrouvait ses plus anciens instincts. Il était alors trop jeune pour connaître l'instinct de reproduction.

Une fumée devant le pare brise le sortit de ses pensées. Le moteur crachota un instant et la voiture s'immobilisa avec un grincement sinistre. Jefferson poussa un juron qui aurait fait retourner ses parents dans leur tombe (si seulement ils avaient une tombe, pensa sinistrement Thomas), sortit de la voiture et ouvrit le capot, laissant échapper un nuage de vapeurs. 

   - What the hell... grinça-t-il des dents, parlant anglais sans s'en rendre compte. 

   - Qu'est ce qui se passe ? s'enquit l'autre, inquiet. S'il s'agissait d'un panne, ils auraient du mal à arriver à Lyon avant la nuit. Il frissonna à l'idée de ce retard. 

   - Je ne sais pas, on dirait que la batterie a explosé, répondit l'américain. Mais pourquoi il a fallu qu'on tombe sur une voiture au bord de la panne ! S'énerva-t-il en donnant un coup de pied dans le pneu qui fit trembler le véhicule tout entier. 

Thomas sortit à son tour, étira son dos ankylosé, puis s'approcha du capot. Ce qu'il vit ne lui fit pas plaisir. La batterie n'avait pas explosé, elle semblait plutôt avoir fondu. Des fils de plastique s'étiraient au dessus de bloc noir, tandis que d'autres avaient coulés sur le moteur. C'était irréparable, estima-t-il.  

   - Il faut qu'on trouve une autre voiture en état de marche, annonça-t-il, on doit encore être à quatre-vingt kilomètres de notre objectif. Avec Lizzie, ça nous prendrait au moins deux jours d'y aller à pied. 

Ils se mirent donc à marcher vers le nord, Thomas portant Lizzie dans ses bras et Jefferson s'occupant de Newton, essayant à nouveau d'ouvrir tous les véhicules qu'ils voyaient. A un moment, Thomas tomba sur un camion ouvert, mais il n'y avait plus d'essence. Il était midi lorsque leur voiture était tombée en panne, et à sept heures, lorsqu'ils s'arrêtèrent, fourbus, ils étaient toujours à pied. 

   - Un panneau dit qu'on est pas loin de Saint-Barthélémy de Vals. Il nous reste cinquante bornes avant Lyon, indiqua Jefferson. 

Thomas se laissa tomber contre un arbre en bordure d'autoroute, les jambes tremblantes. 

   - On a bien avancé, dit-il. 

   - Bien avancé ? Répéta l'américain, tu trouves qu'on a bien avancé ? Mais réveille toi, pauvre imbécile, on a fait trente kilomètres à peine. Il doit nous en rester plus de quatre cents avant d'être à Paris ! 

Habitué aux colères de plus en plus fréquentes de son ami, il ne releva pas l'insulte. 

   - On trouvera un véhicule à Lyon, et s'il n'y a pas de problèmes, on sera à la capitale dans deux à trois jours, répondit-il. 

   - Oui, fit l'autre avec une moue de mépris. S'il n'y a pas de problèmes. Viens Newton, on va chercher quelque chose à manger. Thomas se nourrira de ses espoirs, où alors il mangera quand on sera à Paris. Ça ne sera pas long selon lui.  

Ce dernier soupira de lassitude devant le sarcasme violent de son ami, puis se tourna vers Lizzie. Il la borda comme il put dans son sac de couchage avant d'évaluer sa température du dos de la main. Elle était brûlante. Obnubilé par la fièvre de sa soeur, il dut s'y prendre à deux fois pour sortir son propre duvet. 

Le hurlement d'un loup, ou d'un chien sauvage, le fit sursauter. Il attendrait le retour de Jefferson pour aller chercher de quoi se nourrir. S'il ne trouvait rien, il irait piquer dans une des conserves qu'il a emporté. 

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NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant