Chapitre 1-2

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Trop abasourdi pour réfléchir, il ne vit même pas le deuxième coup arriver. Au dessus du sourcil. Sa tête partit en arrière et cogna le sol dans un craquement sinistre. Pendant un instant, il ne vit que du noir.

Il reçut ensuite un coup dans les côtes. Il se plia en deux en gémissant. Le goût métallique du sang lui envahit la bouche.

Son père commença à crier, interrompant ses phrases pour le frapper.

- J'ai vu tes résultats (dans la mâchoire) sur le site de ton collège ! Tu nous a menti ! (dans les côtes à nouveau). A partir de maintenant (son nez produit un bruit atroce, sec lorsque le cartilage se brisa, puis humide au deuxième coup, lorsque le poing de son père glissa dans le sang) tu vas travailler ! Tu m'entends ? (un coup sur chaque oreille) TRA-VAI-LLER !

Puis il quitta l'entrée, laissant son fils pleurer sur le sol, sale de son propre sang. Dans sa colère, il envoya valdinguer le porte parapluie et claqua la porte du couloir si fortement qu'il fit trembler les murs.

Thomas, dans un effort qui lui parut surhumain, parvint à se redresser et à se glisser par la porte laissée ouverte sur le palier. Il sonna à la porte de ses voisins et un garçon de son âge vint lui ouvrir. Thomas devait faire drôlement peur, car l'adolescent en face eut un mouvement de recul avant de crier :

- Mom ! Come here ! (Maman !viens-là !)

Une voix de femme forte répondit :

- Qu'est ce qu'il y a Jeff ? Et je t'ai dit de me parler en français, nous ne sommes plus à New-York et ... Elle se coupa dans son récit en voyant le garçon ensanglanté sur le pas de sa porte.

- Mon pauvre enfant ! Que t'est-il arrivé ? Entre en attendant que j'appelle les urgences.

Thomas repensa à la folie meurtrière qui avait habité son père. A ce moment précis, il aurait voulu ne jamais avoir eu de père. Alors il répondit :

- Je suis tombé dans les escaliers.

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- Il ne m'a pas refrappé, dit-il dans un souffle.

- Dans un sens, s'il ne t'avait pas frappé, on ne se serait jamais connu, tenta Jefferson pour le faire sourire.

Thomas répliqua par un silence éloquent.

- Pardon. Ce n'était pas quelque chose à dire s'excusa l'américain.

- En effet, répondit-il froidement.

Un homme au teint très pâle qui sortait précipitamment de sa maison le bouscula, et Thomas pesta.

- Qu'est ce qu'il y a ? S'enquit son ami, désireux de changer de sujet.

- Rien, c'est juste que j'espère qu'il ne m'a pas refilé ses microbes. Il avait l'air bien malade.

- C'est comme à New-York, s'exclama l'autre. Il y a des gens malades de partout ! Plus personne ne sort, tu verrais c'est dingue ! Même the 5th Avenue est complètement vide et Manhattan, je ne t'en parle pas...

Thomas n'écoutait plus les paroles de son meilleur ami, occupé à regarder autour de lui. Il y avait beaucoup moins de monde que d'habitude, et c'est vrai que les rares passants n'avaient pas l'air en pleine forme. Tout à coup, il prit peur pour sa petite soeur. Elle était jeune, et sujette aux maladies de tous genres.

- Jeff, je dois te laisser, désolé.

- Pourquoi ? Qu'est ce qui se ...

- A plus mec ! Le coupa Thomas avant de raccrocher brusquement .

Il se mit à courir dans la rue pour arriver le plus vite possible. Avec un peu de chance sa mère avait déjà récupéré la petite à la crèche, dans le cas contraire il faudra qu'il y aille rapidement. Mais avant tout, il lui fallait passer chez lui pour vérifier. Il s'engagea dans une petite rue sur la droite, la rue Farges. Devant la porte du numéro dix-huit, il tapa le code à six chiffres qui permet de rentrer dans l'immeuble. Il gravit les marches trois par trois et arriva enfin devant la porte de l'appartement. Il glissa la clé dans la serrure et poussa immédiatement le battant.

Il n'eut pas besoin de regarder dans sa chambre, Lizzie était assise bien sagement sur le canapé. Il poussa un soupir, moitié de soulagement de la voir ici, moitié de honte d'avoir couru et d'avoir eu peur pour rien.

Il s'assit à ses côtés et la serra dans ses bras. Elle le repoussa en grommelant. Elle avait beau n'avoir que cinq ans, elle commençait déjà à avoir un fort caractère.

Thomas s'apprêtait à la chatouiller sous les pieds, l'endroit où elle était le plus craintive, mais elle le regarda très sérieusement, droit dans les yeux, et lui dit :

- Papa et Maman sont malades.

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NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant