Chapitre 19-2

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Après une heure de conduite plus lente, ils n'avaient toujours reçu aucun signe de leurs ennemis. Aussi, Thomas s'autorisa enfin à se détendre et même, à sa grande surprise, à parler avec les trois garçons dont ils ignoraient encore tout. 

   - Alors, commença-t-il en lançant sa cigarette par la fenêtre entrouverte, comment vous vous appelez ? 

   - Je suis Johan, commença le plus âgé, et voici Ethan (il désigna le plus petit, qui avait les cheveux bruns et les lunettes de travers) et Arthur. Le troisième garçon n'avait pas encore parlé depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Thomas l'avait jusque là surnommé Paillasson, en raison de son épais mono-sourcil. Nous étions en chemin vers Lyon lorsque nous sommes tombés sur ses soldats. On a pu leur échapper de justesse. 

   - Et qu'est ce que vous vouliez faire à Lyon ? Il n'y a là bas qu'un groupe de Malgosses qui se feront un plaisir de vous regarder vous battre à mort. 

   - Je n'ai pas dit qu'on allait à Lyon, contra l'autre, mais vers Lyon. On était à la recherche de quelqu'un, mais comme toutes les routes vers le sud sont à présent surveillées... Il ne nous reste qu'à rentrer bredouilles. Mais parlez nous un peu de vous. Vous faisiez parti des habitants de ce village ? 

   - Non, au contraire, on a eu une expérience des plus désagréables avec une vieille villageoise, grinça Thomas. 

Il échangea un regard avec Dario pour savoir s'il pouvait tout leur dire. L'enfant lui fit un signe négatif de la tête, alors il dit : 

   - Nous avons de la famille à Paris, on doit s'assurer que tout va bien pour eux. 

   - Il n'y plus personne à Paris. Tous les habitants ont du fuir la capitale ou s'engager dans l'armée. Et les fuyards étaient toujours capturés bien sûr... Sauf quand on les aidait. 

   - On ? S'enquit Thomas comme s'il voulait savoir si sa famille avait été récupérée par quelque association. 

   - Le Gang. Enfin c'est son nom officiel, sauf que tout le monde l'appelle le Gang d'Alix, mais elle, elle déteste ce nom... ça a donné lieu à des discussions assez difficiles quand on était à Montpellier, mais... 

La fin de sa phrase fut engloutie dans le crissement aigu des freins de la Range. Thomas s'était arrêté net en entendant le nom de sa ville. Il détacha sa ceinture et se retourna vers la banquette arrière. 

   - Vous dîtes que cette Alix vient de Montpellier ? 

   - Oui, répondit le garçon, étonné de sa réaction.

   - Et elle n'aurait pas parlé, par hasard, d'un certain Thomas ? Il refusait d'avoir de l'espoir, de peur d'être déçu. Il y avait sûrement plusieurs Alix à Montpellier, et puis peut être que leur Alix était juste passée par Montpellier... Il faillit pousser un cri de joie lorsque Johan dit : 

   - Si, c'est justement lui qu'on était parti chercher, elle sait qu'il est passé par Lyon. Vous le connaissez ? Il était accompagné de deux garçons et un chien. 

Fou de joie, il échangea un regard avec Dario qui semblait ne pas en croire ses oreilles. 

   - On change de version et on vous dit la vérité, annonça Thomas. On a pas de famille à Paris, je suis Thomas, le petit ami d'Alix, et voici Dario. Le chien est une chienne et elle s'appelle Newton. 

   - Ouah ! S'exclama Ethan. Et où est passé le deuxième garçon ? 

Johan avait déjà du comprendre, car il lui lança un regard noir. 

   - Les soldats l'ont eu, n'est ce pas ? 

Le silence dans lequel se plongèrent les deux amis fut éloquent. La blessure était encore trop forte pour qu'ils puissent en parler, et Thomas ne pouvait prononcer le mot "soldat" sans revoir le corps sans vie au fond du garage. 

   - On est loin de Paris ? Changea de sujet Dario pour briser ce moment qui, s'étalant de plus en plus, devenait presque gênant. 

   - Non, répondit immédiatement Ethan, trop heureux de pouvoir réparer sa faute. Le village se situait juste au sud de la forêt de Fontainebleau ! 

Déjà ? S'étonna Thomas. Ils avaient parcouru beaucoup plus de distance que ce qu'il imaginait depuis qu'ils avaient quitté Lyon. Combien de jours étaient passé ? Ils avaient navigué pendant toute une journée, puis quelques jours dans la maison en bord d'Allier, avant de repartir pour deux jours de vélos... A quelle vitesse va-t-on, en vélo ? Sûrement plus vite que ce que Thomas comptait. 

Il redémarra, le coeur léger. D'ici une ou deux heures, il serait de nouveau dans les bras d'Alix. 

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant