Chapitre 19-1

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Le coup partit sans qu'il s'en rende compte. Thomas vit un éclair de lumière de blanche, un bruit assourdissant se fit entendre, puis il vit, comme dans un film, le soldat s'écrouler au sol au ralenti. Comme il était encore dans l'escalier, l'homme glissa le long des marches et s'étala sur le béton alors qu'une tâche de sang s'élargissait le long de son treillis et coulait jusque par terre. 

Thomas, toujours dans un état second, faillit se retourner pour voir qui avait tiré, lorsqu'il se rendit enfin compte de la présence du fusil encore chaud dans ses mains. 

   - Non... gémit-il, non ! Ce n'est pas possible, je... je ne voulais pas...

Ses doigts se dénouèrent et il laissa tomber l'arme en même temps que l'adrénaline s'échappait de son corps. Il se laissa tomber à genoux, accueillant avec plaisir la douleur de ses rotules cognant contre le sol, et des larmes se mirent à couler sur ses joues. Depuis qu'il était parti de chez lui, des années auparavant lui semblait-il, il avait tout fait pour garder un semblant d'humanité. 

Il avait souhaité, pendant un moment, la mort de sa propre soeur, il s'était mis à fumer, il avait abandonné Ginette au soldat. La liste de ses méfaits s'étendaient encore, mais jamais il n'avait franchi la ligne. Il n'avait jamais tué un homme. Jusqu'à ce jour.

A présent, c'était un torrent de larmes qui coulait le long de son visage et allait se perdre sur ses lèvres ou dans les plis de son col. Comment avait-il pu ? Comment pourrait-il à nouveau se regarder dans un miroir, alors que ses yeux lui crieraient : Assassin ! meurtrier ! 

   - Thomas ! Criait Dario en continu. Il faut partir ! On a trouvé la voiture ! THOMAS ! 

Le jeune garçon se mit à pleurer lui aussi, et Thomas n'arrivait pas à comprendre pourquoi. Est ce qu'il pleurait parce qu'il avait peur ? Oui, c'était sûrement ça. Il avait peur que Thomas se retourne contre lui, et il avait raison, n'est-ce pas ? Parce qu'il était un assassin, il avait tué cet homme, pourquoi ne tuerait-il pas plus de personne ? 

Soudain, il sentit qu'on l'attrapait par le bras. Qui le touchait ? Il ne voyait donc pas qu'il était dangereux ? 

   - S'il te plaît Thomas... Lève toi, il faut qu'on parte. Tu te souviens, ce matin, tu as dit que tu n'avais plus que moi ? Et bien moi aussi, je n'ai plus que toi. Et j'ai besoin de toi, alors viens !

Mais il ne bougea pas. Il se contenta de le regarder d'un air aveugle, alors Dario fit une chose que ni lui ni Thomas n'aurait jamais pensé qu'il fasse. Il se mit à le taper, de ses petits points d'enfant, aussi fort qu'il le pouvait. 

   - Lève-toi ! Lève-toi, lève-toi, lève-toi !

Thomas le repoussa brutalement en se redressant de toute sa hauteur, et il s'apprêtait à le frapper en retour lorsque quelque chose l'arrêta. Il regarda tour à tour son poing levé et Dario à ses pieds, et un déclic se fit dans son esprit. Ils n'étaient pas encore sortis d'affaire. Il attrapa Dario et le souleva contre sa poitrine.

   - Je suis désolé, dit-il en reniflant, et merci. 

Puis il reposa le gamin et partit à sa suite jusqu'à la Range Rover. Le véhicule noir était garé dans une pièce plus étroite, juste assez grande pour contenir la voiture et un quad derrière. Les trois garçons étaient déjà installés sur la banquette arrière, laissant Thomas prendre le volant. Lorsque celui-ci s'assit à l'avant, le plus âgé des trois lui posa la main sur l'épaule. 

   - Tu as fait ce qu'il fallait faire. Maintenant fonce ! 

Et c'est ce qu'il fit. Pariant sur la solidité des pare chocs, il défonça la porte en bois du garage et la Range Rover bondit à l'air libre. 

   - Newton ! Désigna Dario en hurlant pour couvrir le bruit du moteur. Thomas freina et le plus jeune en profita pour ouvrir sa porte et laisser la chienne bondir à l'intérieur. Trois secondes plus tard, le véhicule était reparti à pleine vitesse. 

Thomas atteignit les cent kilomètres par heure, et bien qu'il n'était jamais allé aussi vite, encore moins sur une route de campagne, il ne ralentit que lorsqu'ils furent sûrs de ne pas être suivis. Alors, il relâcha un peu la pédale et, pour ne pas penser à tout ce qui venait de se passer, il s'alluma une cigarette. 


NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant