Chapitre 7-2

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Thomas a pris beaucoup de temps avant de s'endormir, inquiet pour sa petite soeur. Bien qu'il ne l'admettrait pas devant Jefferson, de toute façon trop occupé à ruminer sa colère, sa fièvre occupait toutes ses pensées depuis le soir dernier. La nuit porte conseil dit-on, mais pour Thomas, ce ne furent que des cauchemars. Dans ses mauvais rêves, il voyait toujours Lizzie qui mourrait, enroulée comme elle l'était dans son sac de couchage. 

C'est ta faute, Thomas, répétait-t-elle à chaque fois, pourquoi m'as tu amené loin de la ville ? Si j'étais resté, tout irait bien. 

Quand une insomnie le tenait éveillé rien que quelques minutes, il entendait sa petite voix résonner dans sa tête, mais elle n'avait pas la même intonation enfantine, angélique, d'autrefois. Elle était cruelle, accusatrice. Et tellement vraie. 

Parce que c'est sa faute n'est ce pas ? Le virus, tout ... Tout est sa faute. Il finissait presque par y croire

A quatre heures du matin, il avait voulu partir. Il a pris son sac à dos et, sans un regard en arrière, il s'est enfoncé dans la forêt. Le silence était doux. Thomas avait l'impression d'être sourd, il était bien. 

A trois heures, il se tordait d'horreur, de retour dans son sac de couchage. 

Au matin, ses cernes étaient noires et profondes. Son teint était pâle, mais ce n'était rien par rapport à celui de Lizzie. Comme la voix s'était tue, Thomas refusa de prendre sa température. Il ne voulait pas l'entendre à nouveau. 

   - Jeff, tu peux la porter s'il te plaît ? J'ai mal au dos depuis hier. 

Pourquoi lui a t il menti ? Parce que c'était plus facile, essaya de se convaincre Thomas, mais il savait qu'il y avait autre chose. Il était le seul à devoir porter ce fardeau. 

   - D'accord, mais je te préviens que si on a pas trouvé de voitures à midi, tu la récupères. Okay ? le mit en garde son ami. 

Son accent nasillard plus marqué sur le dernier mot eut sur Thomas l'effet d'une douche froide. Il rougit en repensant à ses cauchemars et à son réveil difficile. Il n'aurait pas réagi comme ça d'habitude. 

   - Oui, t'inquiète pas. Même avant si tu veux, je n'ai pas tant mal que ça, se reprit-il en souriant.

C'est à ce moment là qu'il vit que le ciel était dégagé et que le soleil brillait. 

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C'est Newton qui leur indiqua qu'il était temps de s'arrêter. La chienne, qui n'était plus dans la fleur de l'âge, commençait à traîner de la queue et avait les oreilles basses. 

   - Thomas, on ira pas plus loin ce soir, lui dit Jefferson. Ou autant l'achever sur place. 

S'il était déçu de ne pas avancer encore un peu, Thomas était surtout soulagé. Lui aussi avait bien besoin de faire une pause. 

Il installa délicatement Lizzie sur la bas-côté avant de rejoindre Jefferson resté au milieu de la chaussée. L'américain avait le regard fixé devant lui. Il semblait songeur et d'humeur peu loquace, pourtant lorsque Thomas s'arrêta à proximité, il lui dit : 

   - Désolé. 

   - De quoi tu parles ? répondit Thomas, surpris par ce mot lourd de sens. 

   - De tout. Je sais que je ne me suis pas bien comporté depuis que je suis arrivé... d'abord avec Maria, maintenant avec toi. Je sais pas ce qui se passe, mais c'est pas toi le problème, ni elle. C'est quelque chose en moi qui... qui me dit de détester le monde entier, et pourtant je suis là, sur la route de Lyon, lancé dans uns noble quête de vérité. 

Il finit sa phrase dans un léger soupir d'autodérision. 

   - Tu sais, lui répondit Thomas sans parvenir à dissimuler son soulagement que son ami se confiait à lui malgré son attitude des derniers jours, on est tous différent depuis tout ça. Mais au fond, ce n'est pas une mauvaise chose. De changer, je veux dire. Il faut en ressortir plus fort. 

   - Facile à dire pour toi, tu n'as pas vu ce que j'ai vu... 

   - J'ai aidé à sortir des cadavres dans les maisons de toute la ville ! Le coupa Thomas en criant presque. J'ai dû emballer un bébé mort de faim dans un drap, et je l'ai posé dans une charrette pour qu'on aille le brûler à l'écart ! Je ne sais pas ce que tu as vu, mais tout le monde est pareil ici ! 

Il respira un coup avant de reprendre plus calmement : 

   - Je voulais pas te brusquer, mais il faut que tu te ressaisisses, Jeff. Pour toi, pour moi, pour Newton, pour tes parents... peu importe. Trouve toi une motivation, et avance. 

   - Tu as raison... c'est ma faute, excuse moi. 

   - Et arrête de t'excuser. C'est agaçant. Je vais allumer un feu, c'est toi qui va chercher à manger ce soir. 

Thomas quitta l'autoroute, un  demi-sourire sur les lèvres. Il a peut-être été un peu plus violent qu'il ne le voulait, mais si ça lui avait permis de retrouver son ami, alors ça en valait la peine. 


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NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant