Chapitre 14-1

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Ils pédalèrent dans la forêt pendant près de trois heures, descendant parfois de selle pour passer une racine ou une pierre particulièrement épaisse, ne s'arrêtant pas plus de cinq minutes et uniquement pour un besoin urgent ou pour remplir leurs gourdes. Il n'étaient toujours pas sorti du couvert des arbres quand ils décidèrent de faire une pause, fourbus. Ils posèrent les vélos contre un chêne, puis Thomas sortit de son sac quelques biscuits secs. 

   - En route pour Paris ! S'exclama-t-il en levant la main comme pour porter un toast. Il avait retrouvé le sourire depuis l'événement de la matinée. 

Les deux autres joignirent leurs mains en reprenant le slogan pendant que Newton aboyait joyeusement. "En route pour Paris !" 

   - Je crois que le vélo est mon moyen de transport préféré, annonça Dario. On se sent plus libre que sur n'importe quoi. 

   - Est ce qu'on est sûr qu'il a bien dix ans et que ce n'est pas un vieux philosophe déguisé en enfant ? réagit Jefferson en riant. Dario se jeta sur lui pour se venger, mais il ne parvint qu'à se mettre lui même de l'herbe dans le col. 

Quand ils se sentirent mieux, ils repartirent en respectant le même ordre qu'avant. 

   - Une route ! Cria Thomas en freinant soudainement. Du bout du doigt, il leur indiqua le ruban noir qui se devinait au travers des arbres. On va enfin pouvoir prendre un peu de vitesse. 

Dario s'élança devant pour prendre de l'avance sur les deux autres, qui ne tardèrent pas à le rattraper et à le dépasser. Thomas en profita pour l'asticoter d'un petit coup entre les côtes qui faillit le renverser. Dario n'allait pas assez vite pour lui rendre la pareille. 

   - Thomas, ça ne sert à rien d'aller plus loin, indiqua Jefferson un moment après la tombée de la nuit. On y voit plus rien on pourrait rater un carrefour ou un panneau qui nous indiquerait où aller. De toute façon, on avance quasiment plus. 

S'il ne voulait pas s'arrêter, Thomas devait bien admettre que, depuis près d'une heure, ils avaient considérablement leur rythme à cause de leur manque de visibilité et d'endurance.

    - Dès qu'on trouve une endroit sur le bas-côté assez large pour installer les duvets, céda-t-il. 

    - Vite, sinon je vais tomber de fatigue, se plaignit Dario.

Quand ils se furent arrêtés, ce dernier se mit à ronfler à l'instant où il s'allongea. Ses aînés s'occupèrent de placer un sac de couchage en dessous de lui avant de se coucher aussi. Encore une fois, Thomas se demanda s'ils avaient bien fait de l'emmener avec eux dans leur aventure. Il était beaucoup plus jeune et bien moins résistant qu'eux. Mais parfois, en le regardant, il avait l'impression de se voir lui-même lorsqu'il avait dix ans. A cet âge-là, il faisait souvent des rêves dans lesquels il sauvait le monde entier des griffes d'un monstre immortel. Finalement, peut être que Dario exaucera ce rêve pour lui. 

Sans cesser de sourire, il coupa une cigarette en deux avant de l'allumer. C'était un petit rituel qu'il accomplissait chaque soir, le tabac l'aidant à dormir. 

******

Un grondement sourd le réveilla au beau milieu de la nuit. Newton se tenait au milieu de leur campement improvisé, le dos rond et les canines découvertes. Thomas, qui craignait de se retrouver face à des loups, suivit son regard jusqu'à un point de la forêt d'où s'élevaient de légers bruits de pas. Au moins deux personnes, sinon trois, passaient à proximité. Il secoua l'épaule de Jefferson et lui fit signe de se taire quand il se redressa. 

La chienne se tut soudainement et tendit les oreilles. Le bruit avait disparu. Une lumière s'alluma alors dans l'obscurité. Comme elle était immobile et puissante, Thomas supposa qu'il s'agissait d'une voiture.

   - On a pas entendu les portières claquer, remarqua Jefferson qui en était arrivé à la même conclusion. Ça peut aussi venir d'une cabane ou d'une maison. 

   - Tu crois qu'on est à proximité d'un village ? S'enquit-il. 

   - Peut-être. Mais s'il s'agit encore d'un groupe de malgosses, je préfère ne pas tenter le coup. Thomas, rajouta-t-il en le voyant réfléchir, on avait un plan. On monte à Paris. Qu'est ce que tu veux faire d'autre ? 

   - S'il y a des adultes, ils pourront sûrement nous aider. 

   - Ah oui ? Ils vont croire trois gamins sortis de nulle part qui leur racontent que c'est leur gouvernement chéri qui est la cause de la mort de leur famille et leurs amis ? 

Thomas le regarda dans les yeux avant de conclure : 

   - Moi j'y vais. Fais ce que tu veux de ton côté.

En disant cela, il savait exactement ce que son ami allait faire. Jefferson poussa un long soupir et alla réveiller Dario en réunissant leurs affaires.  

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NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant