Chapitre 18-2

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Thomas s'accroupit sur une racine, le dos appuyé contre un arbre et la tête enfouie dans ses mains. 

   - Tout va bien ? S'enquit Dario. A croire que c'était devenu sa phrase préférée. 

   - Tu sais, parfois, quand tu as l'impression que le monde entier s'écroule autour de toi, que tous tes amis et tes proches disparaissent chacun leur tour, et que tu as l'impression que ton tour arrive bientôt, que tu es totalement perdu, ça fait du bien de... de se poser, simplement, et d'attendre. Parce que c'est tout ce qui te reste. 

   - Et c'est ce qui t'arrive ? Dit Dario en s'asseyant à côté de lui. 

   - Non, pas tout à fait. En ce moment, c'est pas juste une impression. 

Il coula un regard vers la petite tête brune sur la droite, et sur ses grands yeux d'enfant tournés vers lui.

   - Et puis ce n'est pas tout ce qui me reste. Il y a encore Newton, et toi aussi, conclut-il en lui ébouriffant les cheveux d'un air triste. 

   - Alors qu'est ce qu'on fait ? Demanda-t-il avec une lueur d'espoir.

   - On va chercher des vélos.

   - Les nôtres ? s'exclama le plus jeune. 

   - Au milieu des soldats armés de mitraillettes ? Merveilleuse idée, inspecteur, le railla Thomas. On va essayer d'en trouver dans les maisons à l'écart du village. 

Les deux garçons et la chienne se créèrent un chemin à travers les taillis. Les feuilles et les branchages s'accrochaient à leurs vêtements et à leurs cheveux, mais ils ne s'en souciaient pas. Ils avaient plus important à faire. 

Quand, après une quinzaine de minutes, ils arrivèrent à la première maison, Dario prit le devant. Comme il était plus petit, il put tenir quasiment debout sous une des fenêtres. Cependant, il revint vite vers Thomas en secouant la tête de gauche à droite. 

   - C'est truffé de soldats, là dedans, lui apprit-il. 

Ils recommencèrent la même entreprise deux fois, qui se soldèrent par deux échecs, avant que Dario ne passe plus de temps devant une fenêtre. Le garçon fit alors signe à Thomas de le rejoindre. Ce dernier fit le court trajet à découvert en sprint, ce qui lui valut de se cogner l'épaule contre le mur à l'arrivée. Tout en massant son membre endolori, il risqua un coup d'oeil furtif par la vitre, révélant un salon vide. 

Il enroba une lourde pierre dans un bout de son tee-shirt et utilisa le tout comme une fronde, sans lâcher la pierre, pour donner un puissant coup dans la vitre qui se brisa instantanément. Ils s'immobilisèrent une seconde, les sens aux aguets, mais le son n'avait apparemment attiré personne. 

   - C'est parti, dit Thomas, avant de se tourner vers Newton : Toi, monte la garde, si un soldat arrive, tu aboies et tu pars le plus vite possible dans les bois. D'accord ? 

Et, bien qu'il aurait été très étonné si la chienne avait compris ce qu'il disait, il écarta les débris de verre et cassa les morceaux restants pour leur éviter de se couper en passant, puis il aida Dario à rentrer dans la maison avant de se hisser à son tour en laissant l'animal.

   - Qu'est ce qu'on cherche, exactement ? Demanda Dario. 

   - Une porte qui mènerait à une cave ou un garage, et tout ce qui peut nous être utile sur le chemin. Mais faisons vite, on ne sait pas combien de temps cette bâtisse restera vide. 

Sur ce, il se mirent à ouvrir toutes les portes au hasard. En moins d'une minute, ils n'avaient trouvé qu'une porte verrouillée, les autres menant à des chambres ou des salles de bain. 

Thomas chargea l'autre d'essayer chacune des clés du trousseau accroché derrière la porte, pendant que lui même irait regarder ce qu'il y avait à l'étage.

Il monta les escaliers quatre à quatre, et claqua chaque porte qui s'offrait à lui. Dans les deux premières, il ne trouva d'intéressant qu'une boite à pharmacie, mais elle était si grosse qu'il n'était pas sur de pouvoir la mettre sur un vélo. 

La troisième porte n'offrait rien de plus, mais ce qu'il vit dans la quatrième le laissa bouche-bée. 

   - Vous êtes un soldat ? demanda une voix au fond de la salle. 

   - Non, s'entendit répondre Thomas. Il était trop surpris pour dire autre chose. Devant lui s'entassaient trois adolescents, armés de batte de baseball et, pour le plus âgé, d'un fusil. Non, répéta-t-il en reprenant ses esprits, je ne suis pas un soldat. On essaye de partir, justement, et on cherche des vélos. Vous savez s'il y en a, ici ? 

   - Qui ça, on ? Remarqua l'un des garçons. 

   - Suivez moi, lança Thomas pour toute réponse en tournant les talons. On a pas le temps de bavarder, dites vous simplement qu'on est du côté des gentils.

   - Je n'ai pas trouvé la clé, avertit Dario en le voyant apparaître au coin de l'escalier, comment on... 

Il s'arrêta net, étonné et apeuré de voir les trois garçons descendre à sa suite. 

   - On en parle plus tard, répondit Thomas. Toi, passe-moi ton fusil. 

Le plus âgé le dévisagea un moment, comme pour juger s'il était digne de confiance, avant de lui passer l'arme. Apparemment, et ce malgré les branches, la terre et la sueur qui déformaient ces traits, le fait qu'il ne porte pas d'uniforme penchait à sa faveur. 

Il ordonna à ses nouveaux compagnons d'infortune de faire cercle autour de lui, pour lui laisser de la place, et il pointa le canon de l'arme sur la serrure. 

Son doigt se crispa sur la détente, et enfin il tira. La détonation lui déchira les tympans, mais ce n'était rien comparé au recul. Comme il n'était pas préparé, il lui fit l'effet d'un énorme coup de poing dans l'épaule, et il se serait écrasé au sol si l'un des gars ne l'avait pas retenu. 

   - Merci, dit-il, bien qu'il ne fut pas sûr que l'autre ait entendu. Lui-même n'avait pas encore tout à fait retrouvé l'ouïe. 

Thomas vit d'ailleurs que Dario lui parlait, sans qu'il ne comprenne un mot. 

   - Quoi ? Demanda-t-il. 

   - Il faut qu'on se dépêche ! Les soldats ont dû entendre le bruit ! Cria le jeunot. 

Les gardes, bien sûr ! Comment avait-il pu oublier cela ? Il se précipita contre le panneau qui céda sans problèmes, puis il dévala les marches sans se soucier de savoir si les autres suivaient. Ils faisaient comme ils le sentaient, le plus important à ses yeux étant que Dario était toujours à ses côtés. 

Dans le garage, il tâtonna sur le mur à sa droite pour trouver l'interrupteur, et dès qu'il alluma il entendit, clairement cette fois, son ami s'exclamer : 

   - Il y a des tas de vélos ! 

Et il avait raison. Rangés proprement sur le côté, une dizaine de deux-roues, dont un scooter, n'attendaient qu'à être enfourchés. Cependant, Thomas se dirigea dans la direction opposée, vers une espèce d'établi en bois. Dessus était posée, bien en évidence, les clés d'une Range Rover. 

   - J'ai trouvé mieux que des vélos, déclara-t-il avec un large sourire. 

En se tournant vers Dario, il remarqua que les trois autres avaient finalement suivis, et semblaient attendre ses directives. Pas très débrouillards, nota-t-il. 

   - Allez nous trouver la bête, leur dit-il. On va arriver plus vite que prévu à Paris. 

Et, sur ces mots emplis d'espoir, un incident vint faire disparaître le sourire de Thomas. Et cet incident avait une voix, qui hurla : 

   - Je veux vous voir tous les mains en l'air et les armes au sol ! 


NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant