Chapitre 16-2

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Thomas se releva en sursaut et dévala l'échelle de son lit, si rapidement qu'il faillit tomber. Il se précipita sur la porte, tira sur la poignée pour vérifier et se mit à crier en tapant contre le battant de toutes ses forces. 

   - GINETTE ! s'époumona-t-il, Ouvrez nous ! 

   - Je...je suis désolée, ne cessait-elle de bredouiller. Les soldats m'ont promis que si je les prévenais de toutes les personnes qui passent, ils me rendraient mes petits-enfants. 

   - OUVREZ-NOUS !

Il se mit à donner des coups d'épaule contre la porte, dans l'espoir de la faire céder. 

   - Thomas, qu'est ce qui se passe ? 

Il avait réveillé Dario et Jefferson en criant. Tant mieux, de toute façon il comptait le faire rapidement. 

   - Ginette nous a vendu ! 

   - Quoi ? 

   - A quand la cérémonie des oscars ? ne put s'empêcher de faire remarquer cyniquement l'américain avec une moue de dédain. 

   - C'est pas le moment, Jeff, tu me feras la coup de "je te l'avais bien dit" plus tard, il faut qu'on sorte d'ici avant que les soldats débarquent !

   - Quels soldats ? Demanda Dario, l'esprit encore embrumé par le sommeil. 

Thomas attrapa un verre d'eau sur sa table de nuit et lui versa le contenu sur le visage. 

    - Réveille-toi, bon sang ! Ginette a appelé les gardes, ceux qui ont enlevé ses petits-enfants. Ils ne tarderont pas, alors on doit absolument trouver un moyen de sortir. 

Jefferson avait commencé à donner des coups d'épaule contre la porte à son tour. A chaque fois, le panneau tremblait, émettait un craquement sinistre puis se remettait en place. Newton, toute joyeuse, se mit à pousser la porte avec lui. Elle devait penser qu'il s'agissait d'un jeu. 

   - Mais pourquoi elle a fait ça ? Pleurait à présent le plus jeune. Elle est super sympa... 

   - On en parle plus tard, OK ? Répondit Thomas en allant aider son ami. Toi, occupe toi de ranger nos affaires dans les sacs. 

A deux, plus Newton, ils mirent une dizaine de minutes avant de casser le premier gond. Thomas ne put s'empêcher de songer à tous ses films d'action dans lesquels Tom Cruise passait à travers les portes comme si c'était des rideaux. Dans la réalité, les portes sont beaucoup trop solides. 

Cinq minutes encore et le deuxième gond sautait. La porte ne tenait plus que sur les deux du milieu et la serrure. Dario avait fini d'empaqueter leurs quelques affaires, et il se tenait à côté de la porte en criant. 

   - Ginette, s'il vous plait ! Rappelez les gardes et dites leur que vous vous êtes trompée. Venez avec nous à Paris on vous aidera à récupérer vos petits-enfants. 

La vieille dame se tenait de l'autre côté, assise dans le couloir. Ils la voyaient par intermittence quand la porte tremblait et elle les suppliait d'arrêter. 

   - Vous comprenez... Mes petits enfants... Pas le choix... Laissez vous faire s'il vous plait. 

Thomas voyait bien qu'elle était désespérée, partagée entre l'envie de revoir ses petits-enfants et la honte de les avoir trahi. Il était persuadé que la vieille s'était prise d'affection pour Dario, il devait lui faire penser à sa descendance disparue. 

Bientôt, la porte craqua plus fort que les autres fois. Jefferson et son ami se reculèrent en massant leur épaule endolorie et ils regardèrent le morceau de bois se tordre, grincer, et s'écrouler par terre. Un nuage de poussière s'éleva et ils durent tousser une bonne dizaine de fois avant de reprendre leur souffle. C'est à ce moment qu'une voix amplifiée par un mégaphone s'éleva : 

   - Sortez de la maison, les mains en l'air. Pas de tentatives de riposte, nous tirerons sans sommations. 

Dario posa un regard terrifié sur ses aînés, qui posèrent un regard terrifié sur lui. Ils étaient pris au piège.

Moins d'une seconde se déroula avant que Thomas ne réagisse. 

   - Tant pis pour les sacs, la porte de derrière. Vite ! 

Quand ils passèrent devant elle, Ginette attrapa la jambe de Dario :

   - S'il vous plait... Si vous partez, promettez moi de retrouver mes petits. Je suis désolée, je... Ils s'appellent Antoine et Anna. 

   - Allez au diable, lança Jeffersson.

Dario se dégagea, passa sa main dans les poils de Newton, et les trois amis et la chienne se précipitèrent vers la cuisine. De là, ils empruntèrent la porte qui menait à l'arrière cour. Celle-ci était entourée d'un mur en pierre d'environ deux mètres de haut. Jefferson l'escalada sans peine, récupéra Newton que Thomas soulevait, aida Dario à franchir les derniers centimètres qui le séparaient du haut puis sauta au sol où il fut aussitôt rejoint par Thomas. 

Au moment de basculer, celui-ci avait vu du coin de l'oeil les soldats qui entraient dans la cuisine. Il estima qu'ils avaient déjà coincé toutes les issues du côté du village et il se dirigea donc vers la forêt en criant aux deux autres de le suivre. 

Ils devaient absolument atteindre l'abri des arbres avant d'être rattrapés par les forces armées. Une fois là-bas, Thomas était persuadé qu'ils n'auraient aucun mal à disparaître. Ils n'avaient qu'une centaine de mètres à franchir. 

Cent mètres, c'est très court. Usain Bolt les faisait en moins de dix secondes. Thomas, lui en prenait environ quatorze. Quatorze secondes aussi, c'est très court. Seulement, parcourir cent mètres en quatorze secondes quand on est poursuivi par des soldats entraînés, ça parait très, très long. 

Il en avait parcouru une soixantaine lorsque quelque chose frôla ses oreilles. Un petit objet, très rapide. Une détonation suivit le projectile, et une autre balle se ficha dans l'herbe à ses pieds. Thomas trébucha. Une balle frôla son bras, lui arrachant un cri de douleur, que l'adrénaline fit vite disparaître. Il se releva en un bond et avisa Dario qui le regardait avec horreur. Thomas l'attrapa par la main et l'entraîna dans une course folle vers la forêt. Il était sûr de ne jamais avoir couru aussi vite, malgré Dario qui le ralentissait et Newton qui passait entre ses jambes. 

A peine cinq secondes plus tard, ils couraient sous les arbres. Thomas poussa un cri de victoire, mais il ne ralentit pas pour autant. Il garda serrer dans la sienne la main du plus jeune, jusqu'à ce que celui-ci s'arrête en lui tirant le T-shirt. 

   - Ils ont eu Jefferson ! S'écria-t-il.

Le monde sembla s'effondrer autour de Thomas. 

NémésisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant