Chapitre 2 - partie 3/5

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Le lendemain, Carmella ne perdit pas de temps. Elle avait assez gardé le lit. Comment pourrait-elle résister à l'envie de visiter la demeure ainsi que le parc qui lui faisait de l'oeil depuis hier ? Il devait d'ailleurs certainement y avoir des écuries. Et Carmella adorait les chevaux.

Elle revêtit donc une robe qui avait appartenu à la sœur du marquis - car oui, elle avait appris entre-temps qu'il avait une sœur - quand elle était plus jeune. C'était une robe blanche assez simple et évasée, soit des plus confortables pour passer une journée tranquille à la campagne. Elle s'attacha les cheveux, les arrangeant simplement en un chignon bien serré qui devrait tenir sans peine jusqu'au soir à l'aide d'un petit ruban bleu qui s'accordait parfaitement avec la nuance de ses yeux.

Sans plus attendre, elle descendit le grand escalier quatre à quatre comme l'eut fait un enfant. Il faut dire qu'elle l'était encore sur bien des points.

Elle croisa plusieurs domestiques qui s'affairaient déjà, et les salua le plus naturellement du monde, ce qui sembla les surprendre. Il faut dire qu'ils avaient tellement l'habitude que les invités du marquis passent devant eux sans même prendre en considération leur présence. Alors que cette jeune fille, arrivée un beau soir dans les bras du marquis, les salua chaleureusement comme si c'était tout à fait normal était pour le moins plaisant. C'est pourquoi, chacun lui retourna son sourire sans se faire le moins du monde prier.

Traversant le perron à vive allure, Carmella s'arrêta au seuil des marches, savourant la douce caresse du soleil sur son visage qu'accompagnait une brise légère. Cette journée s'annonçait parfaite. Et ce ne fut pas des paroles en l'air, elle s'en rendit rapidement compte au fil des heures qui semblaient s'écouler à la vitesse de l'éclair.

Pour commencer, Carmella passa sa matinée à aller de pièce en pièce, gardant le soin de flâner dans les jardins quand l'air du mois de mai serait plus favorable.

Elle était impressionnée par cette bâtisse de pierre qui s'élevait gracieusement dans le ciel. Ayant toujours été fasciné par les châteaux et les demeures de ce style, Carmella se retrouva comme une petite fille dans un magasin de friandises.

Toute en pierres d'une nuance grise assez soutenue, cette demeure faisait sans peine penser à un château du Moyen Âge, à ceci près que le style architectural était beaucoup plus typique du XVIe siècle. Elle ne se gênait d'ailleurs pas pour interroger parfois un domestique quand elle voulait un simple éclaircissement face auquel il était, dans la mesure du possible, capable de répondre.

Elle fut bien heureuse malgré tout quand elle fut rejointe par un homme qui se présenta à elle comme étant l'administrateur du marquis. S'il y avait quelqu'un susceptible de la renseigner, c'était bien lui.

C'était un homme qui devait friser la cinquantaine. L'air avenant, il se montra d'une gentillesse attendrissante. Il l'accompagna donc pour le reste de la matinée dans son exploration de la maison, en lui racontant mainte chose à propos de différentes pièces, sans aller dans les grandes lignes, laissant ce soin au maître de maison.

Pour ce qui est de l'après-midi, Carmella la passa à flâner dans le jardin, avant de s'arrêter au bord du lac qu'elle avait entrevu de sa fenêtre. Il devait être agréable d'y faire un saut en été. Elle le savait déjà, elle reviendrait souvent s'y recueillir.

Elle visita ensuite l'écurie, où ses yeux se mirent à briller de toutes leurs splendeurs. Il devait y avoir là une bonne vingtaine - si ce n'est plus - de montures, toutes plus belles les unes que les autres.

Carmella interpella alors un palefrenier sensiblement du même âge qu'elle qui nettoyait l'intérieur d'un box en sifflotant tranquillement :

- Excusez-moi.

Il fut si surprit qu'il manquât de laisser tomber sa fourche. Carmella rit doucement, ce qui ne fit qu'accentuer le regard de surprise du jeune homme.

- Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.

- Oh ce n'est rien, miss. Je peux vous aider ?

- Oui. Je voulais savoir si tu pouvais me présenter les chevaux du marquis.

- Moi ?

- Bah... oui, répondit-elle sans comprendre, tandis qu'elle ajoutait avec logique : Tu dois certainement les connaître mieux que quiconque puisque tu passes ta journée avec eux.

- Euh... oui, miss.

Puis déposant sa fourche, le jeune homme s'essuya les mains sur son pantalon. Il n'avait pas l'habitude d'être accosté par des gens de la haute. Il avait commencé son service ici il y a près d'un mois et le marquis recevait pour ainsi dire rarement.

- Comment puis-je vous appeler ? demanda-t-elle soudainement.

- James, miss.

- Eh bien, je suis ravi de faire votre connaissance James, fit-elle en lui tendant sa main.

Il regarda la main tendue d'un air gêné, et jetant un œil critique à ses mains, put constater qu'elle était loin d'être irréprochable. Quoi d'étonnant après avoir caressé à son arrivée dans l'écurie chaque cheval en guise de salutation, comme il en avait pris l'habitude.

Essuyant comme il le pouvait ses mains contre le rude tissu de son pantalon, il serra la petite main dans la sienne. Puis, il lui présenta les montures, s'amusant de ses remarques enjouées.

Carmella découvrit la monture que, selon les dires de James, le marquis préférait le plus. C'était un splendide étalon bai avec une en-tête blanche sur le front, les pattes d'un noir profond, de même pour sa crinière. Il s'appelait Zeus. De nature fougueuse, il était apparemment assez difficile à monter.

Plus loin, il lui présenta une ravissante jument grise à la crinière blanche. Elle s'appelait Brume de Nuit, nom qui lui allait à ravir. Il faut dire que dans le brouillard, il devait être difficile de l'apercevoir. Elle était une récente acquisition du marquis qui l'avait racheté à un propriétaire qui la maltraitait. Depuis, elle était un peu craintive, ne laissant personne la monter. James disait qu'il lui faudrait un peu de temps pour la mettre en confiance.

En la regardant, Carmella songea irrémédiablement au pauvre Radar. Avait-il seulement trouvé un nouveau foyer ? Et le palefrenier ?

Une larme s'écoula silencieusement sur sa joue. James s'en rendant compte, peut-être parce que Carmella ne se comportait pas de manière différente avec lui, ou bien simplement parce qu'il avait le même âge qu'elle, se permit de poser sa main sur son épaule pour la tapoter maladroitement, en une tentative pour la réconforter.

- Tu sais... euh vous savez, elle va beaucoup mieux maintenant. D'ailleurs, elle manque un peu d'exercice. Peut-être que vous pourriez essayer de la monter ?

- Moi ?

- Je pense qu'il vaut mieux que ce soit une femme qui la remonte pour la première fois, cela la stressera moins.

- Mais je n'ai pas le droit...

- Je suis sûr que si le marquis était là, il n'y verrait aucun inconvénient. Mais si cela peut vous rassurer, je demanderai au chef palefrenier.

- Je te remercie beaucoup James.

- Je vous en prie.

Soudain, il releva la tête.

...

Ce destin qui nous lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant