Carmella se tenait sur le porche, regardant au loin l'attelage qui avançait à grands pas dans l'allée.
Cet attelage, il était pour elle.
Baissant la tête, elle riva ses yeux sur ses pieds qui dépassaient légèrement de sa robe. Elle soupira tout en s'étonnant des larmes qui commençaient à poindre à ses yeux.
Il était près de quinze heures, heure à laquelle il lui fallait partir, quitter tout ce qu'elle avait connu jusque-là de réconfortant. Elle s'était habituée à sa nouvelle vie, et pourtant, il lui fallait en construire une autre... encore une fois.
L'attelage s'arrêta devant les marches de la maison. Son frère reconnu comte de Sinderbrod, il possédait enfin ce qui lui était dû étant donné son titre. Cette voiture tirée par quatre alezans en était la preuve irréfutable.
Carmella sentit quelqu'un s'approcher d'elle, poser sa main légèrement sur son bras. Tournant la tête, c'est sans surprise qu'elle découvrit son frère. Si cela avait été quelqu'un d'autre, quelqu'un de bien précis dans ses pensées, elle l'aurait su par un simple frôlement.
Elle adressa à son frère un petit sourire avant de descendre les marches à sa suite. Elle embrassa la marquise, offrit sa main à Romney, puis, tournant la tête, elle chercha du regard le marquis.
Celui-ci était resté en haut des marches et la regardait de ce regard froid qu'il avait adopté depuis un bon moment déjà. Elle voulut aller lui dire au revoir, mais comme s'il avait compris ses intentions, il lui accorda tout juste un hochement vague de la tête dans lequel ses yeux avaient fui les siens avant de faire demi-tour, s'engouffrant dans la maison, sans un mot, sans un regard, sans... rien.
Cette fois-ci ses yeux firent plus que s'humidifier, ils déversèrent des larmes silencieuses dans lesquelles elle donnait cours à un mélange d'émotions trop longtemps contenues ses dernières semaines : douleur, déception, tristesse, incompréhension, peine... tout ce qui la tourmentait... amour...
C'est dans un dernier élan de volonté qu'elle redressa les épaules, ravala les larmes qui affluaient à ses yeux, les ferma pour chasser les dernières qui devaient s'écouler. Alors, jetant un dernier regard à la maison, elle fit volte-face, s'avançant vers son frère qui l'attendait.
Romney, pour qui le comportement du marquis n'avait pas passé inaperçu, se sentit bouillir de l'intérieur en voyant le visage de Carmella, qu'il avait connu débordant de joie, si vide à présent. Ses yeux si bleus, si beaux, si lumineux, il les voyait à présent devenir d'une profondeur attristante, si tourmentés, qu'il sentit son cœur se pincer. Tout cela était la faute du marquis, c'est lui qui était responsable de ce gâchis.
S'emparant de son bras, il lui dit précipitamment :
- Je suis vraiment désolé Carmella, tout cela n'aurait jamais dû arriver. Il se conduit comme un parfait abruti aujourd'hui, mais si vous m'attendez une petite minute, je vous le ramène dans l'instant.
- C'est comme tu veux, Carmella, répondit son frère.
Mais Romney se sentit des envies de meurtre bien prononcé en ce qui concerne son ami quand Carmella secoua la tête avec une rapidité désarmante. Elle voulut s'en retourner quand la marquise s'enquit doucement :
- Vous êtes sûr que vous ne souhaitez pas que l'on aille le chercher mon petit ?
- Oui, s'entendit-elle répondre, alors que tout son être répliquait avec violence des non immenses, qui défiaient l'Himalaya lui-même de son immensité, des non qui voulaient s'exprimer pour qu'on aille chercher le marquis, car oui, elle voulait le voir... mais c'était de toute évidence un désir non partagé.

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Ce destin qui nous lie
Fiksi SejarahAngleterre, XIXe siècle. Le dos meurtri, le cœur lourd, la jeune Carmella se dirige furtivement dans les jardins de son oncle. Depuis la perte de ses parents, elle se retrouve piégée sous la tutelle de cet homme qui, en plus de la détester, prend p...