L'aube pointait à peine quand la voiture fermée franchit les grilles en fer forgé du domaine. L'attelage, tiré par quatre splendides bais, avançait dans l'allée au grand trot.
S'arrêtant devant le perron, le groom alla ouvrir la porte de la voiture pendant que le cocher allait, pour sa part, frapper à la porte de la grande demeure. Dans l'instant, le majordome vint ouvrir la porte ancestrale.
Voyant la voiture aux armes de son maître, le majordome s'empressa d'aller l'accueillir en faisant tout son possible pour paraître naturel, en cachant la surprise qui l'avait saisi.
Le marquis n'était pas attendu avant demain !
Il songea non sans inquiétude à tout ce qui n'avait pas encore été fait. Les bonnes visites surprises au moment où on ne s'y attend pas, quel véritable bonheur ! La joie d'apprendre une visite cinq minutes avant que les intrus viennent perturber votre journée tranquille.
Il la connaissait bien la chanson et ce qui s'ensuivait immanquablement : des gens qui courent dans tous les sens en tentant le plus possible de mettre de l'ordre pour paraître à leur avantage, par peur de se faire ridiculiser quand on montre notre véritable nature. Et cela, pourquoi ? Pour voir les sourires hypocrites qu'on vous jette quand on arrive chez vous, nullement dupe de cet ordre bien trop parfait pour en être vivable. Et c'est dans ces jours-là que l'on savoure ce moment où c'est à son tour d'arriver à l'improviste. Non pas qu'il fût diabolique, loin de là cette idée. Disons simplement qu'il était comme tout le monde.
Heureusement qu'il s'était levé un peu plus tôt aujourd'hui, car il n'était pas vraiment enthousiaste à l'idée de se montrer en pyjama devant son maître. Enfin, qui le serait ?
Et c'est sans se douter des pensées qui agitaient le majordome que Charles descendit de la voiture, apparaissant visiblement en pleine forme, avant de se tourner pour aider sa mère à descendre.
La ressemblance entre la femme et son fils était frappante : les cheveux d'un brun profond au niveau des pointes qui contrastait avec cette couleur grise mêlée de blanc qui commençait à marquer le haut de sa tête.
Elle avait pour sa part les yeux verts. Ses yeux profonds, il les tenait de son père.
Elle devait lui arriver à peu près aux épaules.À quarante-six ans, Allison de Danwick était toujours d'une incroyable beauté. C'était d'ailleurs sans surprise qu'elle avait été jugée la plus belle débutante de la saison quand elle avait fait son entrée dans le monde. Elle avait alors reçu une bonne douzaine de demandes en mariage de personnes à l'âge mûr, et plus encore par ceux qui frisaient alors son âge. Elle avait toujours refusé, méprisant cette manière futile qu'avaient les hommes de demander sa main, après seulement une soirée.
En descendant à son tour de l'attelage, la marquise douairière gratifia son fils d'un sourire. Puis, regardant la grande demeure, elle s'exclama :
— Je crois que j'éprouverai toujours la même joie en voyant cette belle demeure m'ouvrir ses portes.
— Quant à moi je pense que vous devriez aller directement dans votre chambre vous reposer. Votre nuit a été de bien courte durée.
Étouffant un bâillement, Allison de Danwick acquiesça d'un signe de la tête avant de s'engager dans l'escalier à la suite de son fils.
Ah les enfants ! Ils se mettaient toujours dans la tête l'idée qu'une fois grand c'était à eux de prendre soin de leurs parents, qu'ils jugeaient n'être plus du premier âge. Non mais ! Allison se sentait en pleine forme ! Ce n'est pas quelques cheveux blancs qui allaient changer son petit caractère. Certaines choses ne changeaient pas en vieillissant. En outre, la marquise semblait toujours de bonne humeur. Et c'est donc en souriant qu'elle franchit le seuil de la porte d'entrée.
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Ce destin qui nous lie
Historical FictionAngleterre, XIXe siècle. Le dos meurtri, le cœur lourd, la jeune Carmella se dirige furtivement dans les jardins de son oncle. Depuis la perte de ses parents, elle se retrouve piégée sous la tutelle de cet homme qui, en plus de la détester, prend p...