Chapitre 4 - partie 5/5

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Assise dans un fauteuil de bois à bascule, les bras encombrés d'un petit bébé, Carmella ne quittait pas des yeux le petit Jimmy. Les yeux fermés, il avait les traits tirés.

Relevant la tête, elle fixa l'horloge d'un air inquiet. Voilà un moment déjà que le marquis s'était absenté. Quant à la fermière, elle ne devrait plus tarder.

Le petit garçon, qui devait se sentir mal installé, voulut changer de position, ce qui lui valut de sentir un douloureux élancement. Il rouvrit les yeux, poussa un petit cri de douleur avant de se remettre à pleurer.

Aussitôt Carmella se leva de son fauteuil pour aller s'asseoir au bord du lit. Elle essuya ses larmes avec son mouchoir. Puis, se glissant près de lui, elle le tint serré contre elle, lui apportant la seule chose qu'elle pouvait offrir pour l'instant : du réconfort.

Finalement épuisé par ses pleurs, le petit garçon parvint à s'assoupir, malgré la douleur qui le taraudait.

La fermière ne tarda pas à arriver. Voyant son fils endormi, elle poussa un soupir de soulagement. Mieux valait-il qu'il ne pense pas à la douleur.

Carmella voulut se lever pour laisser sa place à la mère du petit Jimmy, mais celle-ci l'en empêcha, de peur que le petit ne se réveille. Elle s'installa donc dans le fauteuil où siégeait tantôt la jeune femme et entreprit d'en savoir un peu plus sur ce qui était arrivé. Carmella lui rapporta ce que lui avait dit le petit garçon, et plus le récit avançait plus la mère pâlissait à vue d'œil. Elle n'avait même pas pu supporter de voir le genou de son fils, aussi l'avait-on recouvert d'un drap de peur que la fermière ne tombe dans les pommes.

Soudain, un martèlement de sabot se fit entendre dans la cour et Carmella pria pour que ce soit le marquis accompagné du médecin. Se libérant doucement du lit afin que la fermière prenne sa place, Carmella descendit, avec le petit bébé éveillé dans ses bras.

Elle fut saisie d'un vif soulagement en voyant le marquis qui avançait rapidement vers elle, un médecin à ses côtés. Lorsqu'il l'aperçut, les traits du marquis se détendirent, bien qu'il ne prononçât pas le moindre mot.

Arrivé dans la chambre, le médecin souleva le drap en vilaine étoffe et sa bouche se tordit en une sorte de grimace en voyant l'état de son patient.

— Il va falloir remettre l'os en place. Ce sera, je le crains, des plus douloureux. Mais, j'espère que l'os en lui-même n'est pas brisé, faute de quoi il risquerait de se retrouver infirme.

À ces mots, la fermière se sentit mal, et alors qu'à l'entrée du médecin dans la chambre elle s'était levée, elle se laissa choir dans le fauteuil en bois, tout en se remettant à pleurer tandis que son époux se lamentait.

— Nous devrions profiter de ce qu'il dorme pour agir, jugea le médecin.

Alors, tandis que le médecin se plaçait, le fermier maintint la jambe du blessé. Le marquis et le médecin, prirent la jambe. La difficulté était d'agir avec assez de force pour déplacer l'os, et le remettre correctement à sa place.

— À trois. Un... Deux... Trois !

Le geste fut rapide et violent, mais s'avéra efficace. Et pendant que le petit Jimmy hurlait de douleur, réveillé en sursaut, le médecin se félicitait d'avoir réussi à replacer l'os du premier coup. Après quoi, la fermière tenta tant bien que mal de calmer son fils pendant que le médecin essayait de bouger la jambe. Il en arriva finalement à la conclusion qu'il fallait immobiliser la jambe pour permettre à l'os de rester en place le temps qu'il se consolide. On opta pour un plâtre qui devait couvrir toute la jambe du petit garçon jusqu'à la pointe de ses orteils.

En entendant cela, le fermier blêmit rien qu'à l'idée de se retrouver avec un fils qui ne pourrait aider à la ferme. Il faudrait répartir ses tâches entre eux, comme s'ils n'avaient pas déjà suffisamment de travail comme cela.

Alors que la fermière s'apprêtait à quitter la chambre pour aller chercher de quoi payer le médecin, le marquis, l'arrêtant, annonça qu'il se chargerait lui-même des frais, ce qui mit en pleurs — cette fois de reconnaissance — la fermière. Quant au fermier, il découvrit sa tête de son petit chapeau en signe de remerciement.

Et après que la fille de la fermière eut débarrassé Carmella du petit bébé, le marquis et Carmella rejoignirent leurs montures.

Zeus avait eu le temps de reprendre son souffle, Brume de Nuit, elle, était couverte de sueur. Charles entreprit de desseller la jument pour récupérer sa selle. Et pendant qu'il la replaçait sur Zeus, le fils aîné du fermier vint aider à sceller Brume de Nuit avec la selle en amazone.

Avant que Carmella ait pu protester, le marquis avait placé la jeune fille sur Zeus et montait derrière elle.

Mal remise de sa surprise, elle entendit le marquis lui dire :

— Brume de Nuit est épuisée, elle n'a pas l'habitude de travailler autant, ce qui n'est pas le cas de Zeus. Nous ferons donc une partie du trajet ainsi, le temps qu'elle récupère un peu... si vous n'y voyez pas d'inconvénient bien sûr.

Carmella resta silencieuse un instant. Elle trouvait cette situation très gênante... Mais, observant sa jument essoufflée, elle comprit que c'était la meilleure chose à faire.

— Vous avez raison.

Et sur ce, ils reprirent le chemin vers Danwick Park.

Malgré ce qui avait été conclu, Carmella passa tout le reste du trajet blotti contre le marquis. Celui-ci ne manifestait visiblement pas l'intention de la faire remonter sur Brume de Nuit, et elle de se dégager de l'étreinte de ses bras. Aussi, ils avançaient au pas, Carmella en croupe devant le marquis qui la maintenait de sa main gauche au niveau de la taille.

Plaquée contre lui, Carmella se sentait infiniment troublée au fond d'elle-même. Il fallait dire qu'elle n'avait pas l'habitude de se tenir si proche d'un homme !

Le chemin de retour se fit dans un silence pesant. C'est pourquoi Carmella fut soulagée quand il arrêta sa monture devant le perron de la grande demeure.

Il descendit avant de se tourner pour aider la jeune fille à descendre à son tour. Elle se laissa glisser du dos de la monture, se maintenant à l'aide de ses mains sur les épaules du marquis. Mais cela s'avéra inutile, le marquis ayant pris le parti de la soulever en enserrant ses mains autour de sa taille.

Lorsque ses pieds touchèrent le sol, Carmella resta immobile, fixant de ses grands yeux bleus ce visage qui se tenait si proche du sien.

Finalement, Carmella lui adressa un sourire de reconnaissance avant de se retirer, ayant avancé qu'elle se sentait soudainement lasse après ce qui était arrivé. Et c'est donc sous le regard impénétrable du marquis qu'elle disparut derrière la porte d'entrée.

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Voyage à Londres prévu pour le chapitre 5 😉

Jen ✍️

Ce destin qui nous lieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant